Depuis l’épidémie de Covid 19, la santé mentale des Français est en déclin, en particulier chez les jeunes. Dans le Puy-de-Dôme, face à cette détresse, l’institution est sous l’eau, confrontée à un manque de psychiatres et de lits d’hospitalisation.
Anxiété, dépression, troubles du comportement... Les maladies mentales sont devenues un véritable problème de santé publique en France et en particulier depuis la crise du COVID. Le Puy-de-Dôme n’est pas épargné et les services dédiés peinent à faire face à la demande. À l’hôpital Sainte-Marie de Clermont-Ferrand, les taux de d'occupation en hospitalisation temps plein sont très importants, selon Guillaume Legrand, médecin psychiatre, chef de service de l’Intersecteur de psychiatrie d’adultes et président de la Commission Médicale de l’Etablissement : “On est quasiment proche des 100% de taux d'occupation, voire même des taux qui dépassent les 100% sur certaines unités qui tournent de façon journalière, sur ce qu'on appelle les centres d'accueil et de crise. On a énormément de demandes de soins ambulatoires, donc de première consultation.”
La situation préoccupe chez les jeunes
Et les délais s’allongent, allant parfois jusqu’à plus de 3 mois sur certains secteurs pour une première consultation en psychiatrie. La prise en charge a d’ailleurs connu “un virage” depuis la crise COVID avec des populations de plus en plus jeunes en demande de soins et notamment des adolescents : “Chez les adolescents, il y a énormément de demandes. Les services de pédiatrie sont d'ailleurs débordés d'adolescents qui sont dans des moments de crises suicidaires. Du côté psychiatrie d'adultes, on constate que l’âge a vraiment diminué dans la demande d'accès aux soins. Sur l’unité d’accueil dont je m'occupe, on a des moyennes d'âge qui sont proches des 18 ans. Cela n’est quand même pas fréquent en psychiatrie”, explique Guillaume Legrand.
Ces jeunes consultent pour des pathologies extrêmement variées, qui vont d’états dépressifs à des états délirants, ou encore de l'anxiété et des conduites addictives. Leur point commun : un besoin de prise en charge rapide. “La question pour moi est surtout celle des soins ambulatoires sur lesquels il faut répondre le plus précocement possible. Si on laisse évoluer un état dépressif ou même psychotique sur plusieurs mois, il nécessitera forcément une hospitalisation temps plein. C’est ce qu’on souhaite éviter au maximum. Il nous paraît vraiment urgent de renforcer les soins ambulatoires en psychiatrie”, alerte le docteur Legrand. En cas de prise en charge tardive, le patient peut être confronté à des complications et notamment le risque suicidaire. “On peut voir aussi une chronicisation ou une amplification des symptômes psychiatriques. Plus l’état psychiatrique est pris en charge de façon précoce, meilleure est le pronostic pour la pathologie”, indique ce médecin psychiatre.
Un "isolement social"
Actuellement, il y a une dégradation de l'état de santé, selon Guillaume Legrand : “Je pense que la question des jeunes est particulièrement importante : ce sont des jeunes qui ont vécu, durant des années importantes pour eux en termes de structuration, des périodes de confinement. Ils ont été très isolés socialement et je pense qu’à l'heure actuelle, on vit les conséquences de cet isolement social.” Pour éviter une aggravation de la situation sanitaire, “on tend à réduire les délais autant que faire se peut. On essaie d'introduire et d'innover avec de nouvelles consultations d'infirmiers de pratique avancée et notamment des infirmiers de consultation pour répondre au manque de psychiatres”, explique le docteur Legrand. Il dénonce effectivement un déficit de psychiatres, un déficit “encore plus criant au niveau de la pédopsychiatrie.”
Des hospitalisations qui tardent
Pour être hospitalisé, les délais sont extrêmement variables : “Ça dépend de la situation. Malheureusement, certains finissent aux urgences. On essaie de répondre le plus rapidement possible quand les urgences nous orientent les patients mais les hospitalisations qui sont prévues à partir des secteurs psychiatriques, généralement, tardent sur plusieurs semaines. A moins de critères très précis et d'une négociation très intense de la part des confrères, ça peut aller jusqu'à plus d'un mois pour obtenir une hospitalisation organisée. Bien souvent, au-delà d'un mois, soit la crise est passée et on a réussi à résoudre le problème autrement, soit l'hospitalisation a été accélérée parce que le patient a fini aux urgences”, détaille Guillaume Legrand.
Ces signes qui doivent alerter
Pour détecter en amont d’éventuels troubles chez nos proches, il faut rester attentif à “des pensées négatives, des symptômes dépressifs débutants, de l'isolement social, parfois même des consommations de toxiques” jusqu'à l'apparition "d’idées noires, de manque d'envie.” ” Des changements de comportement, des troubles du sommeil, des troubles de l'appétit et des troubles du comportement quels qu'ils soient, c'est à dire des troubles du comportement auto ou hétéro agressifs ” doivent nous alerter sur la nécessité d'une prise en charge, prévient Guillaume Legrand. Au total, 3 millions de personnes souffrent de troubles psychiques sévères en France, et cela s’est aggravé depuis 2019.