Savez-vous qu’il y a des moments charnières durant l’enfance pour développer la motricité ou le capital osseux ? A quel âge commencer une activité physique ? Le sport a-t-il d'autres vertus ? Voici les réponses d'un enseignant-chercheur et d'un responsable UNSS à Clermont-Ferrand.

C’est bien connu, le sport c’est bon pour la santé ! Mais au-delà de l’idée communément admise, nous avons voulu en savoir plus. A l’occasion de la journée nationale du sport scolaire, mercredi 25 septembre, nous avons interrogé Eric Doré, enseignant-chercheur de l’Université Clermont Auvergne sur les bienfaits pour le corps et Emmanuel Montenot, directeur régional adjoint de l’UNSS de Clermont-Ferrand, sur les bienfaits en matière de sociabilisation. A l'issue de ces entretiens, un constat : l’activité physique aide à se construire à bien des niveaux !

Eric Doré travaille à l’UFR STAPS de Clermont-Ferrand et au laboratoire AME2P (Adaptations Métaboliques à l'Exercice en Conditions Physiologiques et Pathologiques) sur le campus des Cézeaux, l’un des rares laboratoires en France qui étudie les questions de sport et santé chez l’enfant.

On parle tantôt d’activité physique, tantôt de sport, deux termes plus ou moins équivalents dans le langage courant. Faut-il opérer une distinction, pour évoquer les bienfaits ?

E. Doré : « Que ce soit pour un enfant ou pour un adulte, on considère que le sport va être une activité qui est codifiée, encadrée avec potentiellement une activité compétitive, alors qu’une activité physique c’est tout type d’activité qui va produire une dépense d’énergie. Si je fais du basket, je fais un sport. Si je vais marcher avec mes parents, je fais une activité physique, mais si je joue dans la cour avec mes copains, je fais aussi une activité physique. Quand on parle de sport, ce qu’il faut nuancer, c’est le volume de pratique qui peut être à l’origine soit de bienfaits, soit de méfaits. On peut arriver à une activité sportive qui peut devenir délétère si elle est pratiquée à un volume trop important, à une intensité trop importante. Quand on est sur de l’activité physique, on est souvent sur des volumes moins importants. Mais l’activité physique comme le sport peuvent avoir des bienfaits. C’est peut-être plus une question de contrainte. Si je m’entraîne 30 heures/semaine, je ne suis pas sûr qu’on puisse parler de bienfaits ».

Des jeunes qui ne bougent pas assez

Justement, quel est le volume d’heures recommandé pour les enfants ? Cela varie-t-il en fonction des tranches d’âge ?

E. Doré : « On considère qu’il faudrait qu’ils aient au moins 1 heure d’activité modérée par jour, qu’ils sont loin d’avoir. Globalement, il y a 3 à 4 adolescents sur 5 qui ne respectent pas les recommandations données en termes d’activité physique ou de sport. Ce ne sont pas les plus petits qui posent problème parce que, naturellement, un enfant de moins de 3 ans, il bouge beaucoup. Mais quand on grandit en âge, on a tendance à avoir des structures qui limitent l’activité sportive. Dès qu’il rentre à l’école déjà, l’enfant bouge moins. D’ailleurs, on lui demande de ne pas bouger. Comme on dit, les parents apprennent à marcher et l’école apprend à s’asseoir, c’est un petit peu ça (Rires).  En plus, il y a d’autres activités qu’on met à disposition de l’enfant qui sont plutôt des activités sédentaires et qui limitent encore son activité ».

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Puis-je proposer une activité physique à mon enfant dès son plus jeune âge ? Cela ne risque-t-il pas de nuire à son développement ?

E. Doré : « Non, au contraire, le corps se développe en fonction des stimuli qu’on lui propose. Ca veut dire que si on raisonne en termes de qualités physiques, ce qui est indispensable d’abord, c’est de travailler sa motricité, sa coordination etc. Et elle ne va se développer que si on lui propose des stimuli. Les stimuli, c’est les jeux pour enfant qu’on peut avoir chez soi, mais c’est aussi l’activité physique. Toutes ne sont pas adaptées, selon l’âge de l’enfant. On ne peut pas faire faire du basket à un enfant de 2 ans mais ceux qui vont à la piscine faire du bébé nageur, ils ont moins d’un an et pourtant ils font de l’activité physique. Certes, ils ne bougent pas énormément mais ils développent leur motricité. Ceux qui vont faire de la baby gym à 2/3 ans, ils développent aussi leur motricité, tout ce qui est coordination. C’est vrai que je vais être capable, même dans les gestes de la vie de tous les jours, d’être plus efficace d’être plus coordonné, plus adroit ».

Faire du sport, c'est construire son capital physique

D’autres apports ?

E. Doré : « Ensuite, ça va permettre de développer ce qu’on appelle les capacités d’endurance - je vais regrouper ça sous ce terme-là parce que c’est assez compréhensible pour tout le monde – c’est-à-dire l’aptitude à pouvoir faire, même dans la vie de tous les jours, une activité qui dure longtemps, qui est un petit peu intense, sans être trop fatigué. Ca développe cette partie de ma condition physique, mes muscles, ma force. Quand je parle de force, ça ne veut pas dire qu’il faut faire de la musculation avec des charges très lourdes, mais ça veut dire que chaque fois qu’on fait une activité où on court, où on déplace son corps, où on porte des choses, eh bien, on développe ses muscles. Ca va développer mes os, les rendre plus solides. On sait par exemple qu’à partir de 17/20 ans, on ne peut plus faire grand-chose pour la qualité de ses os. Donc, si on n’a pas fait d’activité physique avant qui permette justement de se construire un capital osseux, après ça devient trop tard. Dernier élément, l’activité physique va apporter une certaine dépense énergétique. Ca va me permettre de réguler ma balance énergétique entre les apports d’énergie, ce que je mange et ce que je dépense ».

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Est-ce qu’il y a des enjeux spécifiques, selon les âges ?

E. Doré : « Chacune des qualités physiques a des moments un peu charnières, ce qu’on appelle des périodes sensibles. Par exemple, si on prend globalement l’endurance cardio-respiratoire, l’enfant est plutôt très endurant. Il y a des collègues du laboratoire qui travaillent beaucoup là-dessus. Mais à partir du début de l’adolescence, à 11/12/13 ans, l’endurance a plutôt tendance à diminuer, en particulier chez les filles. Si on ne travaille pas cette endurance-là, il y a une chute très importante du niveau de condition physique. Après, pour la question du renforcement musculaire, on a un petit plus de temps. Je reviens sur la motricité, la coordination, la vitesse de réaction, pour toutes ces choses qui demandent d’être en même temps rapide et coordonné, on est plutôt dans les 1ers âges entre 3 et 10 ans. Et c’est vrai que c’est difficile de travailler sa motricité à partir de 14/15 ans, si on n’a rien fait avant. C’est pour ça que c’est très important de trouver des activités sportives qui sont très riches sur le plan moteur quand on a 5/6/7 ans ».

Attention au trop-plein !

A partir de quand le sport peut-il devenir au contraire néfaste pour l’enfant ? Où placer le curseur ?

E. Doré : « Il n’y a pas d’étude qui montre clairement à partir de quel moment on peut dire : ‘là c’est trop, là ce n’est pas assez’ parce que ça dépend aussi de l’intensité de l’exercice. Mais quand on se met à dépasser en heures le nombre d’années de l’enfant, il faut se méfier un peu. C’est facile à retenir, par exemple pour un enfant de 10 ans, plus de 10 heures par semaine. Dans certains sports comme en gymnastique, on a quand même des jeunes filles de 10/11 ans qui peuvent s’entraîner jusqu’à 20/25 heures par semaine, là on sait que potentiellement on peut avoir des risques. Quand on est en dessous de l’âge de l’enfant, par exemple un enfant de 6 ans qui fait 6 heures d’activité physique par semaine, on ne pense pas qu’il y ait des risques associés particuliers, sauf si l’activité elle-même est mal pratiquée. Là, ça peut aussi s’avérer délétère ».

Quels sont les risques si mon enfant fait trop de sport ?

E. Doré : « Ca peut être des risques en termes de fatigue, notamment pendant les grandes périodes de croissance. On a besoin de beaucoup d’énergie pour sa croissance. Si on nous prend toute l’énergie pour faire une activité sportive,  on en a moins pour se construire. La période de l’adolescence, c’est souvent une période où il faut faire attention à la quantité de sport qu’on met en œuvre. Après, c’est des risques de blessures parce que l’intensité est trop importante. Je vais vous donner un exemple tout simple : en athlétisme, il y a plein d‘épreuves différentes, de la course du saut, du lancer… Quand on fait faire une épreuve qui s’appelle du triple saut, à chaque bond, l’enfant reçoit beaucoup de fois son poids sur les jambes avec la vitesse. Tant que ça reste une pratique de loisir, ce n’est pas très grave. Si on se mettait à entraîner cet enfant à faire des bonds sans arrêt, on imposerait des contraintes très importantes sur son train locomoteur. On aurait des risques d’avoir des problèmes au niveau des os ou plutôt des articulations, du cartilage notamment qui sont des zones sensibles. Sur le sport de très haut niveau, dans certaines activités, on a parfois aussi des retards de croissance. Et puis, on l’oublie parfois mais il peut y avoir aussi une espèce de lassitude psychologique. On a beaucoup d’enfants qui ont de très bons résultats très jeunes et qui disparaissent complètement à l’âge adulte. Des fois, c’est parce qu’ils sont blessés et des fois, c’est parce qu’on les a saturés ».

A l’heure actuelle, toutefois, la problématique est plutôt inverse… Et c’est là-dessus que vous souhaitez insister.

E. Doré : « Nos jeunes sont de moins en moins actifs. C’est un vrai problème, et ce n’est pas tant le manque de sport à proprement parler, mais plutôt le manque d’activité physique. On progresse aussi en allant à l’école en vélo, à pied, en jouant dans la cour. Ce qui manque dans notre société actuelle, c’est de valoriser ces comportements-là ».

Bien dans son corps, bien dans sa tête ?

A condition de ne pas en abuser, l’activité physique contribue au bon développement de l’enfant. Mais la pratique sportive peut-elle avoir d’autres vertus ? Voici à présent le point de vue d’Emmanuel Montenot, directeur régional adjoint de l’UNSS de Clermont-Ferrand (Union Nationale du Sport Scolaire).

E. Montenot : « Quand elle s’inscrit dans un cadre sociétal, comme pour nous en UNSS, la pratique sportive permet d’avoir des relations avec les autres, d’échanger, de vivre des émotions, d’être en lien avec une activité sociale qui est reconnue. On va développer sa capacité cardiaque, sa résistance, sa force musculaire mais on va développer aussi des relations avec les autres. A l’UNSS, on travaille un peu sur tous ces domaines, on agit sur la santé mais on n’est pas intéressé uniquement par la performance sportive ».

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C’est une manière pour l’enfant d’apprendre des règles de vie collective ?

E. Montenot : « Des règles de vie, de jeu… Ca lui apprend aussi le goût de l’effort, à se dépasser, à donner le meilleur de lui-même. Souvent, on essaie de mettre les enfants dans des situations de progression, pas par rapport aux autres, mais par rapport à eux-mêmes. On est dans une perspective où les enfants sont amenés à être solidaires les uns des autres. On a des sports individuels, mais ils sont toujours abordés par équipes, c’est-à-dire on additionne les performances. Il ne s’agit pas uniquement de dire : ‘tu as gagné le 100 m, donc tu es fort’. Si un enfant a gagné le 100 mètres mais que ses copains ont perdu en lancer du poids ou ailleurs, eh bien, la performance individuelle deviendra moins importante que la performance collective. On travaille sur la solidarité et nos équipes sont souvent mixtes, on associe les garçons et les filles ».

Le sport, pour s'ouvrir aux autres 

Quel est votre premier objectif à travers la pratique sportive ?

E. Montenot : « On en a plusieurs, mais le 1er objectif, c’est la rencontre sportive, c’est-à-dire sortir de son établissement, de sa classe, peut-être rencontrer un collège issu d’une zone rurale, d’un réseau REP+. C’est la rencontre sportive qui nous intéresse parce que dans cette rencontre sportive, il n’y aura pas que des résultats de sports. Il va y avoir des échanges. Souvent, les enfants à la fin partagent des numéros de téléphone parce qu’ils ont sympathisé. Il y a le résultat sportif, mais il y a aussi l’arbitrage, le rôle de spectateur, on travaille sur tous ces aspects-là. Tous les matchs à l’UNSS, ils sont arbitrés par des enfants de la section sportive, de l’association sportive, et ça change vraiment le regard. On donne plein de pouvoir d’agir aux enfants, en tant qu’arbitre, que joueur, que spectateur, organisateur, etc ».

Vous intégrez aussi des enfants en situation de handicap…

E. Montenot : « En UNSS, on fait du sport partagé. Dans chaque équipe, il y a 2 enfants en situation de handicap et 2 enfants qui ne sont pas handicapés et ils doivent se débrouiller, trouver des solutions. Par exemple, on a une compétition de voile. Dans le bateau, il faut que tout le monde trouve sa place. Souvent, les enfants qui ne sont pas handicapés, c’est eux qui vivent les plus belles émotions. Ce sont des moments magiques. L’idée, c’est de favoriser pour tous l’accessibilité à la pratique sportive, c’est-à-dire de donner aux enfants les moyens de pouvoir pratiquer différentes activités et de découvrir celles qui vont leur plaire. En lycée professionnel, par exemple, où on avait beaucoup de mal à attirer les jeunes, on a developpé des activités comme la musculation, les parcours training, du step, etc. Ca nous a permis d’accrocher un public féminin ou masculin éloigné de la pratique ».
 
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