23 gynécologues ukrainiennes ont posé leurs valises à Clermont-Ferrrand pour une semaine afin de suivre un stage au CICE, centre international de chirurgie endoscopique. Une parenthèse qui leur permet de continuer à pratiquer leur métier.
Les réflexes reviennent au fil des exercices. Ce jeudi 18 mai à Clermont-Ferrand, 23 gynécologues ukrainiennes ont retrouvé les gestes qui constituent leur métier et qu’elles n’ont plus réalisé depuis le début de la guerre.
Si elles sont en Auvergne pour une formation d'une semaine, ce séjour dépasse largement le cadre des apprentissages. Ces cinq jours intensifs sont aussi une parenthèse loin de l'enfer qu'elles ont quitté momentanément.
"Ça me permet de penser à autre chose qu'à la guerre, de pratiquer mon métier et d'oublier un peu la situation de mon pays” explique Anna Novosad, gynécologue à Kiev. "Ça m'aide surtout à me projeter, à penser à mon avenir professionnel en tant que docteur.”
Au programme de la matinée ce jour-là, une endométriose. L'opération se déroule au même moment à Naples en Italie, commentée par le chirurgien en personne et suivie à distance par une centaine d'ukrainiennes restées au pays.
Quand les chars sont arrivés à l'hôpital, les russes se sont positionnés devant l'entrée principale et ils ont pointé leur canon dans notre direction.
Inna Komisarova, gynécologue originaire de Boutcha
Dans l'amphithéâtre clermontois, elles sont 23. Inna Komisarova est originaire de Boutcha. Cette localité située au nord-ouest de Kiev a été le théâtre de quelques-unes des pires atrocités russes, suscitant l'indignation internationale début avril.
“Quand les chars sont arrivés à l'hôpital, les russes se sont positionnés devant l'entrée principale et ils ont pointé leur canon dans notre direction.” raconte-t-elle. “J'ai vu des cadavres dans les rues et les militaires nous interdisaient de les approcher. Nous n'avons pas pu les enterrer. Les Russes ont tué aussi des civils qui cherchaient à fuir la ville. Il y avait des familles décimées dans des voitures à l'arrêt.”
Je souhaiterais qu'elles puissent rentrer dans leur lieu d'activité habituel, malheureusement, ça ne sera pas le cas pour toutes parce que certains hôpitaux ont été détruits.
Professeur Revas Botchorishvili
Ironie de l'histoire, les échanges se font ici en russe entre les stagiaires et le directeur du centre Centre International de Chirurgie Endoscopique. Le professeur Revas Botchorishvili a quitté la Géorgie en 1993 après la chute du Mur. La guerre, il l’a vécue à distance en 2008 lorsque les Russes ont envahi son pays. Cette formation gratuite et solidaire, c'est un peu son effort de guerre pour l’Ukraine, pays où il s'est rendu une trentaine de fois en moins de 20 ans.
“Elles se projettent déjà dans l'après” constate-t-il. “Tout ce dont on discute ici, c'est pour l’appliquer après sur place.” Mais ça ne sera pas simple, et certainement pas immédiat. “Je souhaiterais qu'elles puissent rentrer dans leur lieu d'activité habituel, malheureusement, ça ne sera pas le cas pour toutes parce que certains hôpitaux ont été détruits. On sait aujourd'hui qu'il y a eu plus de 100 hôpitaux détruits, ils ont vraiment été ciblés, comme en Syrie.”
Face à cet avenir incertain, il y a pourtant toujours de l'espoir. Avant de repartir, les 23 stagiaires ont entonné ensemble "Oï ou louzi tchervona kalyna”, chant ukrainien devenu hymne de résistance face à l’invasion russe.