L’aventure a commencé il y a un an pour Anaïs Werestchack : elle s’est lancée avec son compagnon dans un tour de France pour remplacer les médecins qui officient dans des déserts médicaux. Cette ancienne Miss Auvergne revient sur son périple.
Il y a un an, la Miss Auvergne 2021 Anaïs Werestchack s’est lancé un défi de taille. Avec son compagnon, kinésithérapeute, cette médecin généraliste a parcouru la France a bord de son van pour remplacer d’autres médecins, dans des déserts médicaux : “On a commencé dans la Drôme, on était au Grand-Serre, un tout petit village de moins de 1 000 habitants. On a fait à peu près tout le tour de la France. Nous avons été marqués par le village de Nouvelle-Eglise dans le nord de la France, dans le Pas-de-Calais, par celui de Chantalvers dans la Dordogne, qui nous a beaucoup plu. Il y aussi Camarès, dans l'Aveyron, où ça a été très compliqué. On a pu se rendre compte au fil de ce Tour de France qu'il y avait désert et désert. A cet endroit, on était vraiment dans une situation très isolée. On a terminé dans les Alpes-de-Haute-Provence, dans un village qui s'appelle Castellane.”
Remplacer des médecins isolés
Un voyage de 12 mois et 12 remplacements qui lui ont ouvert les yeux : “On est très content parce qu'on a réussi à boucler notre Tour de France, même si ça n'a pas toujours été facile parce qu’il n’existe aucune plateforme gouvernementale pour trouver les remplacements. On cherchait nos remplacements tant bien que mal sur Facebook. C'était un peu compliqué et c'est le gros point noir qu'on essaie de mettre aujourd'hui en avant pour essayer de faciliter les choses et peut-être d'encourager d'autres jeunes qui ont envie de faire comme nous.”
En effet, Anaïs Werestchack a partagé toute son aventure sur ses réseaux sociaux, ce qui a suscité des vocations : “On a reçu pas mal de messages de jeunes et de moins jeunes qui ont envie de se lancer dans l'aventure, des pharmaciens, des infirmiers, des sages-femmes. Il faut s'accrocher quand on n'a pas de plateforme pour faciliter la mise en relation.”
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Mettre en relation les médecins et les remplaçants
La création d’une plateforme de mise en relation des médecins installés avec des remplaçants est devenue son combat. “En fait, il y a assez de remplaçants. Il y en a même beaucoup. Nombre d'entre eux estiment qu'ils peuvent travailler plus. On est sur une moyenne de 26 semaines travaillées par an et par remplaçant, alors qu’on sait que les médecins installés, souvent, ne prennent pas de vacances. On n’arrive pas à connecter ces médecins qui ont besoin de repos, qui ont besoin de souffler, qui parfois tombent malades ou qui ont des projets de grossesse, avec des remplaçants disponibles, prêts à travailler, mais qui ne trouvent pas de remplacement. Nous, on a énormément galéré, pourtant on est allé dans des zones désertiques. J'ai pris contact avec la sécurité sociale et avec 2 députés. On est toujours dans l'attente. Les sages-femmes sont dans la même situation que nous, les pharmaciens aussi.”
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Elle a également découvert des médecins isolés, parfois dépassés par la charge de travail : “Il y a des endroits où c'est quand même très compliqué. On se rend bien compte qu'on est tout seul à porter une charge de travail monstrueuse. Par exemple, dans l'Aveyron, le médecin que je remplaçais devrait être déjà en retraite et il n'arrive pas à trouver de remplaçant. Il dit qu'il ne peut pas partir et laisser tous ses patients comme ça. Il a la charge d'un territoire qui fait plus de 600 km2 et plus de 6 000 habitants. S’il y a une urgence, ça repose sur un seul médecin. Cela paraît quand même hallucinant.”
On est en France, on est la 3e puissance économique européenne et pourtant, on a des personnes qui se laissent mourir, à cause des suivis qui ne sont pas faits et de ce laisser-aller.
Anaïs Werestchack, médecin
Les patients dans ces territoires sont très inquiets et anxieux, dénonce Anaïs Werestchack : “Les plus âgés ont presque jeté l'éponge. Des personnes m’ont dit : "On ne se fait pas d'illusion, si on tombe malade on sait que c'est fichu pour nous.” C’est une perte de chance pour certains patients. J'ai rencontré une maman dont les 4 enfants avaient beaucoup de difficultés. Ils auraient eu besoin d’une psychomotricienne, une orthophoniste, un ergothérapeute, et cette maman ne trouvait pas. C'est une perte de chance parce qu'on sait que ces enfants, sans rééducation, sans prise en charge, ont beaucoup plus de mal à s'intégrer dans la société.”
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La jeune médecin qui ne tient pas en place est déjà repartie sur les routes : “On avait voulu rentrer en Auvergne pour l’hiver mais finalement on est déjà repartis. Là, on est en Champagne-Ardenne pour un remplacement. On s'est aussi inscrit dans la réserve sanitaire, donc on ira peut-être à Mayotte pour prêter main-forte, ou dans d'autres zones qui peuvent être particulièrement touchées, sur lesquelles il y a des plans spécifiques qui sont déployés.” Une expérience qui lui a ouvert les yeux et qui a renforcé sa vocation.