L'annonce de la fermeture prochaine de l'hypermarché Auchan de Clermont-Ferrand Nord, ce mardi 5 novembre, plonge les habitants et commerçants de ce quartier populaire dans une profonde inquiétude. Entre désarroi et colère, cette décision marque, selon certains, le début de la fin d'un quartier déjà très fragilisé.
L’annonce est tombée comme un coup de tonnerre ce mardi 5 novembre, dans le quartier de Croix-de-Neyrat à Clermont-Ferrand : l’hypermarché Auchan, pôle commercial emblématique de ce quartier populaire, fermera ses portes d’ici quelques mois. Une décision brutale, et pour beaucoup, c'est un choc.
Maria, 62 ans, est une habituée du magasin. Lentement, elle arrive au centre commercial, soutenue par son mari qui peine à marcher. Lorsqu’on lui annonce la fermeture, elle s'exclame, abasourdie : "Vraiment ?!" Avant de se tourner vers son mari, elle s’inquiète : "Comment je vais faire mes courses ?" Les bras lui en tombent, et elle oublie un instant de soutenir son époux, qui chancelle à ses côtés. "Mon mari est malade et je n’ai pas de voiture, c’est une nouvelle terrible que vous m’annoncez là", lâche-t-elle, accablée.
“On abandonne les habitants"
André, fidèle client du magasin et venu se faire coiffer dans la galerie marchande, partage son émotion. "C’est terrible. On abandonne les habitants. Le quartier n’avait vraiment pas besoin de ça ! Pour beaucoup d’entre nous, ce magasin est un lieu de rencontre, un espace de vie. Il fait partie du quartier". Mais pour lui, cette fermeture était malheureusement prévisible : "La vie est chère, il y a de moins en moins de commerces dans la galerie. Avant, il y avait un Flunch, un restaurant, des bars... Maintenant, la moitié des magasins est fermée".
Delphine, qui coiffe depuis 30 ans dans le même salon de la galerie, garde le même ton. "Je n’y crois pas", dit-elle d’une voix éteinte."On nous lâche une bombe, comme ça, sans crier gare". Sa déception n’a rien à voir avec la fermeture en elle-même, mais avec la façon dont elle a été informée. Elle précise : "J’ai appris dans le journal local que le magasin allait fermer. C’est violent, non ? Pas un mot de la part d’Auchan, rien. Ils auraient au moins pu nous prévenir, par mail, ou venir nous voir." Pourtant, malgré la colère, elle garde une lueur d’optimisme : "On a survécu quand Mammouth est devenu Auchan, on survivra encore. Mais ça n'en reste pas moins difficile. C’est le travail, la stabilité de tout un quartier qui est en jeu."
“Victimes collatérales”
À l'image de Delphine, la plupart des commerçants se sentent de plus en plus fragilisés. Noureddine*, gérant d’un café-restaurant dans la galerie marchande, est au bord du gouffre. "Je paye 11 000 euros de charges chaque année. Et eux, ils se remplissent les poches pendant que nous, on est laissé sur le bord de la route", s’indigne-t-il. En arrivant ce matin-là, il n’a pu que constater la détresse des employés d’Auchan :
Je les ai vus en pleurs, les yeux rouges. Tout de suite, j’ai compris
Nourredine*Gérant d'un café-restaurant dans la galerie marchande d'un hypermarché Auchan.
Comme lui, d’autres commerçants s’attendent à une chute de fréquentation qui pourrait les entraîner dans la tourmente. "C’est la fin, c’est sûr. On va se retrouver sans clients. On va tous couler avec eux", déplore-t-il, angoissé.
Le sort des salariés du magasin pèse également lourdement sur les consciences. Malik discute dans le café. Il ne cache pas son inquiétude pour ces jeunes qui ont grandi dans ce quartier et qui, soudainement, se "retrouvent jetés à la rue". Il confie : "La majorité des employés vivent ici. Ce sont des jeunes qui ont leur vie ici, et on les fout à la porte. Ça m'attriste vraiment". Il va plus loin en imaginant l’avenir du quartier : "Si Auchan ferme, ce sera comme la Castellane à Marseille. Ce quartier va devenir une zone déserte, et un nouveau point de deal va apparaître. Vous allez voir. On signe l’arrêt de mort de ce quartier".
Hamid, barbier dans un salon voisin, partage la même inquiétude. Son entreprise, lancée il y a seulement deux ans, a du mal à y croire. "On vient à peine de rembourser notre emprunt pour ouvrir le salon. On commençait tout juste à réaliser des bénéfices. Et maintenant, tout ça va s’écrouler". Si la fermeture de l’hypermarché entraîne la disparition de l’afflux quotidien de clients, il craint d’être l’une des “premières victimes collatérales”.
Pour d'autres, la nouvelle semble moins accablante. Leila, une cliente habituée, réagit presque avec fatalisme. "Tant pis, j’irai ailleurs", lâche-t-elle d’un ton détaché en poussant son caddie. "Les prix sont trop chers de toute façon. Que je fasse mes courses ici ou ailleurs, ça revient au même pour moi". Leila se rendra sans doute dans une autre enseigne, située à l’extrême nord de Clermont-Ferrand, mais la plupart des riverains n’auront pas cette chance : pour beaucoup, la fermeture d’Auchan signifie bien plus qu’un simple changement de supermarché. C’est une remise en question de la vie du quartier tout entier.
*Le prénom a été modifié.