Beaucoup en rêvent, mais un professeur de physique-chimie du Puy-de-Dôme touche les étoiles du bout des doigts : il fait partie des 1 500 présélectionnés par l’Agence Spatiale Européenne et sera peut-être le nouvel astronaute français.
Il marche dans les pas de Thomas Pesquet : un professeur de physique-chimie de Lempdes, près de Clermont-Ferrand, a passé la première étape du recrutement et espère bien devenir le prochain spationaute français. Depuis toujours, il rêve des étoiles : « C’est un domaine qui m’intéressait particulièrement par rapport à mon métier. C’est quelque chose que je suis régulièrement au travers des différentes expériences qu’ils font, on en a parlé avec mes étudiants qui sont amenés à faire des projets là-dessus », explique Loïc Lebrun. Alors qu’il se renseigne sur les agences spatiales, il voit un appel à candidatures, mi-mars 2021, pour l'ESA (Agence Spatiale Européenne). Ce passionné est immédiatement interpellé par l’offre : « J’ai été sur le site internet pour voir quelles étaient les conditions requises. La précédente campagne avait eu lieu en 2008. Quand j’ai constaté que, sur le papier, je remplissais tous les critères indépendamment de la visite médicale que je devais faire pour compléter le dossier, j’en ai discuté avec mon épouse et mes enfants. Ils m’ont donné leur approbation pour faire les démarches »
Un dossier de l'espace
La première phase, qui s’est clôturée mi-juin, est décisive : Loïc doit convaincre sur dossier qu’il a l’étoffe d’un spationaute : « Il fallait faire un dossier en mettant tous les éléments relatifs aux conditions de présélection : être titulaire d’un master dans certains domaines scientifiques, si on en avait plusieurs, il fallait tous les indiquer. Il y avait un très long questionnaire à remplir avec des questions assez variées pour essayer de voir quelles étaient nos champs d’expertise, que ce soit parler en public, avoir fait des missions en autonomie au centre d’activité… Il y avait un CV, une lettre de motivation et une visite médicale type pilote d’aviation. » Cette visite médicale a d’ailleurs failli lui coûter son rêve : « De tous les éléments demandés, ça a été le plus difficile parce qu’en fait, dans le Puy-de-Dôme, il n’y a qu’un seul médecin qui est habilité à en faire. Il est situé dans le nord du département. Je l’ai appelé fin mars, quand j’ai vu que j’avais tous les documents requis. Sa secrétaire au téléphone était déjà au courant des recrutements pour l'ESA. Elle m’a donné un créneau fin mai, 4 jours avant la date fatidique, car c’était le seul créneau qu’elle avait de disponible jusque-là. C’était en plein couvre-feu, je ne pouvais pas, avec mon travail, me rendre à Lyon par exemple, où il y a un peu plus de médecins. »
Un petit pas pour Loïc...
Heureusement, Loïc parvient à compléter son dossier et à le faire parvenir à temps. Il patiente ensuite, jusqu’à ce qu’une nouvelle inattendue lui parvienne : il fait partie des 1 500 postulants retenus. « L’agence spatiale nous a répondu, à la clôture des inscriptions, qu’il y avait plus de 23 000 candidats. Le calendrier de réponses allait donc être un peu plus long que prévu, le temps qu’ils étudient chaque candidature. C’est vrai qu’avec la rentrée scolaire qui démarrait en septembre, j’avais un peu mis ça de côté dans ma tête. J’ai reçu un mail pendant les vacances de la Toussaint, m’indiquant que j’étais pris. Il y a pire comme nouvelle ! » Mi-novembre, il se rend donc à Hambourg pour y passer des tests psychotechniques dans un centre d’examen affilié à l’agence spatiale européenne : « C’est sous la forme de QCM ou de réponses libres. Il y avait un test de maths, un test de physique, deux questionnaires psychologiques avec chacun 250 questions. On devait répondre en 40 minutes à chaque fois. Tout ça est en anglais, donc on ne peut pas tricher, on répond vraiment la première chose qui nous vient quand on lit les différentes propositions. C’est vraiment pour définir un profil psychologique. Après, il y avait des épreuves psychotechnique », raconte Loïc.
Des tests psychotechniques pointus
Ces examens sont un véritable challenge pour ce professeur : « Il y en a une où on vous demande de visualiser un cube. Sur ce cube, une voix en anglais vous dit qu’il y a une croix sur une des faces, que ce soit devant, derrière, à gauche à droite… Ensuite il y a une succession d’opérations. Vous entendez « right, left, bottom, up… ». Le cube pivote et vous devez le suivre et dire où est la croix. Les mains doivent rester sur le bureau, c’est vraiment pour tester la visualisation spatiale. » Il raconte en détail comment les futurs astronautes européens sont choisis : « Par exemple, il y a une suite de nombre compris entre 1 et 9, pas une suite logique, et vous ne savez pas si elle va s’arrêter au bout de 10 secondes ou au bout de 3 minutes et quand elle s’arrête vous devez donner le plus de chiffres possible en partant du dernier que vous avez entendu. »
Des épreuves de mémoire
Mémoire auditive, visuelle ou spatiale, les candidats doivent se dépasser, raconte Loïc : « Il y avait des questions de mémoire, où on associe des chiffres à des formes ou à des lettres, il y en a 8 qui défilent et à partir du 9 ou 10ème on vous demande de vous souvenir de certains premier tout en apprenant les nouveaux qui arrivent au fur et à mesure. » Au total, ce sont 48 heures d’épreuves auxquelles Loïc a dû se préparer en un temps record, tout en continuant d’exercer son métier : « J’essayais de faire un atelier par soir. Quand je l’ai appris, c’était la fin des vacances, je reprenais le travail donc je ne pouvais pas y passer mes journées mais j’en ai fait tous les jours. Tous les candidats ont la même durée entre le moment où ils sont prévenus et le passage des épreuves. On a tous eu 15 jours de préparation. » Il a été évalué aux côtés de 25 autres candidats venus des 4 coins de l’Europe, avec qui il a gardé contact.
« Wow, j’y suis »
Loïc attend désormais les résultats de ces épreuves, même s’il a déjà un peu la tête dans les étoiles : « Quand j’ai reçu le mail, pendant 30 secondes ça vous assoit. Vous vous dites « Wow, j’y suis ». C’était un rêve et j’en suis pleinement heureux. Il y a une porte de possibles qui vient de s’ouvrir. Je ne suis pas en train de me projeter jusqu’à la 6ème phase, je prends chaque étape comme elle vient et je suis très content. » Il a même eu une petite pensée pour sa terre natale pendant ses examens : « Il y avait certaines questions du QCM de physique qui étaient sur la pression hydrostatique. Et là, en tant qu’Auvergnat, on se dit qu’on n’a pas le droit de se tromper ! J’étais content, c’est valorisant de se rendre compte que, sur le papier, dans un dossier, des profils qui ne sont pas qu’aérospatiaux sont recherchés. J’ai la chance de faire au quotidien de la physique, de la chimie, des maths… J’ai mis ça en avant et ça a matché, ça fait partie des choses sur lesquelles ils se sont arrêtées », se félicite Loïc. Il espère bien faire partie des 6 qui seront retenus à la fin de cette session de recrutement. En attendant, il saura s’il peut poursuivre l’aventure pour la troisième étape de sa candidature début février.