Prix du carburant : taxi ambulancier en milieu rural, il dénonce le risque de « faire du tri de malades » pour rester « rentable »

En zone rurale, les taxis assurent souvent le rôle d'ambulanciers. Avec la hausse des prix des carburants, certaines courses ne sont pas "rentables". En Auvergne, des professionnels qui assurent les transports des malades à la campagne sont dépités.

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Le prix du gazole a parfois franchi la barre symbolique des 2 euros. Ce prix a des conséquences pour les automobilistes mais aussi pour les professionnels des transports. Dans le Puy-de-Dôme, Jérôme Combes est le directeur général des Transports des Volcans d’Auvergne, une flotte de 100 taxis et ambulances. Lui qui assure un service de VSL (Véhicule sanitaire léger) n’a jamais connu une telle hausse des tarifs à la pompe : « C’est une catastrophe. Cela va devenir super compliqué car comparé à de nombreuses professions, on est un métier où on ne peut pas répercuter les hausses comme on veut. On applique des tarifs préfectoraux et on subit la hausse de plein fouet depuis quelques semaines et on n’a personne qui vient vers nous. Si cela dure quelques mois, cela va devenir très compliqué ». 

"On commence à perdre de l’argent"

Il poursuit : « Le budget gazole représente 15 à 16 % de notre chiffre d’affaires. Là il va monter à 18 % voire 19 % de notre chiffre d’affaires. Sur un voyage à Clermont-Ferrand, ce qui arrive souvent, on commence à perdre de l’argent ». Avec des trémolos dans la voix, le directeur de la société s’alarme : « J’en parlais ce matin avec la directrice de l’hôpital de Saint-Flour. On exerce un métier de service. On remplace l’Etat qui a complètement laissé tomber tout ce qui était ambulances. Notre gros problème est qu’on va commencer à regarder les courses qui sont rentables. Faire du tri de personnes malades, ce n’est pas la France ».

Le Cantal, un désert médical

Le gros des courses consiste à conduire des clients à leurs rendez-vous médicaux, ce qui induit généralement de longues distances dans un territoire en proie à la désertification médicale. Jérôme Combes est particulièrement inquiet pour le transport de malades dans le Cantal : « Le problème est que le Cantal est un désert médical. On est souvent obligés transporter les gens vers Clermont-Ferrand. Pour des courses où les gens sont un peu loin de chez nous, on va se poser la question d’aller les chercher. On parle de rentabilité alors qu’il s’agit de la santé de personnes. On remplace un service public. On ne devrait pas réfléchir comme cela ».   Le professionnel explique ne pas avoir de marge de manœuvre : « Cela fait 20 ans que je crie au secours par rapport à nos professions. On n’a pas de moyens d’action, aucun levier. On a une réglementation préfectorale et on applique les tarifs. Aujourd’hui on subit les augmentations des véhicules, des matières premières comme le pétrole, sans pouvoir répercuter. Je prends souvent l’exemple du transporteur. Si demain, pour transporter un colis de Clermont-Ferrand à Saint-Flour c’est plus cher, le supermarché va augmenter le prix du produit. Nous, on ne peut pas. C’est le préfet qui décide et personne ne se bouge ».

"On essaie d’aller au moins cher"

A la tête d’une entreprise qui compte 171 salariés, Jérôme Combes tire la sonnette d’alarme : « Je fais mon petit bout de chemin. J’ai une flotte de 100 voitures sur la région, entre le Puy-de-Dôme et le Cantal. Avec mon associé, on va écrire à nos députés, à nos sénateurs. On veut leur dire qu’on amène du monde à l’hôpital et que personne ne vient nous aider ». Il précise : « Les salariés font une moyenne de 350 kilomètres par jour. Cela dépend de l’endroit où se situent les flottes mais à Saint-Flour on fait quasiment un plein tous les jours, à Clermont-Ferrand c’est tous les deux ou trois jours. Il y a encore quelques mois, pour une ambulance à Clermont-Ferrand, on payait un plein 90 euros en gazole et aujourd’hui on est passés à 135-140 euros, pour le même chiffre d’affaires. On regarde attentivement la station où on fait le plein. On essaie d’aller au moins cher ».

"On tiendra un petit peu mais pas deux ans comme ça"

Jérôme Combes, dans la profession depuis  2000, et qui est la 3e génération à exercer ce métier, se montre très inquiet pour la suite : « Je fais partie des gens chanceux car on a une entreprise qui a les reins solides. On tiendra un petit peu mais pas deux ans comme ça. Si les hommes politiques ne viennent pas nous aider et n’écoutent pas nos doléances, dans un an, si on ne gagne plus d’argent, je ne vais pas passer 24 heures sur 24 au boulot pour rien. On fait des journées, on fait des nuits, on y laisse pas mal de notre énergie et de notre vie de famille. Cela serait peut-être bien qu’ils s’aperçoivent qu’on rend beaucoup de services ».

"Dans la profession, cela commence à gronder"

Marc Paillargues, président de l’Union des taxis du Cantal, installé à Jussac, partage aussi ces inquiétudes : « Avec les prix des carburants qui flambent, on tape dans notre résultat, on tape dans la caisse. Dans la profession, cela commence à gronder. J’ai des taxis qui m’appellent pour savoir comment faire face. Aujourd’hui on rogne sur nos marges donc c’est pas évident ». Il est moins violemment touché car il n’a qu’un seul véhicule. Il parcourt entre 60 000 et 110 000 km par an. Marc Paillargues indique : « Dans notre budget, la part du carburant est le plus gros poste. Là, je fais le plein facilement deux fois par semaine. Il y a encore deux semaines, un plein coûtait 75 à 80 euros et maintenant c’est 110 euros ».

La spécificité des zones rurales

Il rappelle les différences avec les professionnels des transports installés en ville : « En zone rurale, on n’a pas le même fonctionnement que les taxis de ville qui ne sont pas conventionnés. On fait beaucoup de VSL. On signe des conventions avec la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM) pour 5 ans, avec des prix fixes et en plus, dans le Cantal, on rétribue 10 % sur la facture à la CPAM ». Il conclut : « Je suis très inquiet pour la suite. Pour le moment, on attend de voir comment va évoluer la conjoncture internationale. Si les prix continuent à grimper, ça va coincer quelque part. Ca commence à devenir compliqué. Pour les taxis ruraux, on a des réunions avec la CPAM. On va essayer de discuter pour voir si la caisse peut faire un geste. Aujourd’hui, beaucoup de choses sont décidées au niveau national. Mais on n’en est qu’au début des discussions ». Les taxis ne sont pas les seuls professionnels à pâtir de la hausse des prix des carburants. Les aides à domiciles, agriculteurs, chauffeurs routiers ... sont particulièrement exposés à l’augmentation continue des prix des carburants depuis quelques semaines.

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