Jour après jour, les prix des carburants s’envolent, notamment à cause de la guerre en Ukraine. Ils s’élèvent désormais à plus de 2 euros le litre dans certaines stations-service du Puy-de-Dôme. Dans ces zones rurales, l'inquiétude gagne aussi bien les clients que les gérants.
La guerre en Ukraine est à plus de 2 000 kilomètres mais elle a des conséquences jusque dans les stations-service. L’offensive russe a poussé les cours du brut à des sommets. C'est le cas à Saint-Avit, petite commune des Combrailles, dans le Puy-de-Dôme, juste à côté de la Creuse, où une station-service indépendante affiche le triste record de la station la plus chère du département. Ce mercredi 9 mars, le gazole est à 2,40 euros le litre. Patrick Fauverteix, gérant de la station-service, constate : « On était à 1,87 euro le litre de gazole et on vient de passer à 2,40 euros mais on n’a toujours pas le camion. On était en rupture et on attend le produit. Nos clients sont très surpris quand ils font le plein. Ils ne réagissent pas bien et ne sont pas contents du tout. Ils s’en plaignent auprès de nous, même si on y est pour rien. On subit la hausse des prix. Les clients se demandent comment ils vont faire pour aller au travail. Chez nous, à la campagne, on est obligés d’avoir une voiture ».
Une marge de 4 à 5 centimes
Il poursuit : « On a une station-service concurrente à 500 mètres. Hier j’étais moins cher et c’est pour cela qu’on s’est fait dépouiller. Aujourd’hui, le processus s’est inversé. Je me retrouve plus cher ». Le gérant explique comment il fixe le prix des carburants : « Pour fixer les tarifs, c’est simple : on commande un camion, on me dit le prix. Ensuite je rajoute 4 à 5 centimes pour faire ma marge. Sur une journée de travail, ça représente à peu près 40 à 50 euros si je vends 1 000 litres ». Il se montre très inquiet : « On est horrifiés par une telle flambée des prix. Même nous, on n’arrivera pas à payer le camion. On gagne 1 200 euros à peu près sur un camion. Un camion représente 12 à 15 000 euros. C’est très compliqué pour nous. On se demande jusqu’où ça va aller ».
"C’est le sujet récurrent"
Les livraisons de carburant sont elles aussi devenues incertaines : « Normalement, on doit être livré aujourd’hui. On devait faire un camion de fioul mais il a été annulé car ils n’ont pas le produit. C’est très difficile ». Avec l’envolée des prix, les clients n’ont pas pour autant anticipé leur commande de fioul : « Pour le fioul, les clients ne font pas forcément des réserves. Au prix où il est, ils n’en ont pas les moyens. Dans notre clientèle, on a beaucoup d’agriculteurs en retraite, des personnes âgées. Ils ont des toutes petites retraites. Avec 500 à 600 euros par mois, ça devient compliqué pour eux ». Patrick Fauverteix ajoute : « C’est le sujet récurrent. Au début les gens s’apitoyaient sur les personnes en Ukraine et maintenant, ils se disent que c’est eux les pauvres en France ».
"A ce rythme-là, on ne tiendra pas non plus"
Le gérant semble très préoccupé : « En tant qu’indépendant, ce n’est pas simple du tout. A ce rythme-là, on ne tiendra pas non plus. De telles augmentations ne sont pas possibles, autant pour le client que pour nous. Si on n’a pas de marge, on ferme. Gagner 50 euros sur une journée de travail est complètement dérisoire. Si on ramène ça à l’heure, c’est nul. On ne peut pas influer sur le prix. On est vraiment des percepteurs quand on voit ce que l’Etat récupère. On paie pour travailler. Ce n’est pas réalisable. En milieu rural c’est très compliqué. On est dépités ».
"On n’a pas de moyens d’action"
Plus à l’est du département, à Chabreloche, la montée des prix des carburants est aussi inexorable. Jean-Pierre Dubost, maire (SE) de la commune, qui gère la station intercommunale, s’avoue un peu démuni : « Aujourd’hui on subit la hausse des prix, qui arrive de manière extrêmement brutale et vertigineuse. On n’a pas de moyens d’action, mis à part de s’inquiéter. Jusqu’à présent, on n’a pas de eu de protestations de la part des clients, ni de remarques désagréables. Les gens sont bien informés. Ils ne sont pas vraiment surpris ».
Des prix qui varient
Dans sa commune, le gazole est affiché à 2,339 euros le litre, ce qui en fait une des stations les plus chères du Puy-de-Dôme. Le maire détaille comment il définit les tarifs : « Pour fixer les prix, on se base sur le prix d’achat et on ajoute 5 centimes, qui correspondent aux frais de fonctionnement de la station-service ». Mais le week-end dernier, sa station affichait des tarifs attractifs : « Nous avons d’autres stations-service à proximité, notamment une grande surface à 7-8 km et une autre à une douzaine de kilomètres. Mais comme nous avons un débit plus faible que nos concurrents, on s’est retrouvés le week-end dernier avec une situation paradoxale : notre gazole était à 1,72 euro alors que nos confrères étaient à 2 euros. Pendant le week-end notre cuve a été vidée et 15 000 litres sont partis. Nous avons commandé du carburant lundi matin et c’est là que nous avons eu la surprise du nouveau prix ». L’élu est aussi très inquiet pour la suite : « On se demande jusqu’où ça va aller. Les décalages de prix extrêmes nous inquiètent. Nos confrères n’ont pas dû remplir leurs cuves dernièrement et se retrouvent 30 centimes en dessous de nous. Cela veut dire qu’on ne vend pratiquement plus rien ».
"On reçoit les tarifs et tous les jours ça monte"
Cette inquiétude, Alexandre Béal, l’un des deux gérants de la station-service de Billom, à l'est de Clermont-Ferrand, la partage également : « Quand les clients font le plein, ils se demandent comment il vont faire. Ils se demandent jusqu’où ça va aller. Je leur dis que je change mes prix en fonction de mes livraisons. J’ai été livré hier et ça augmente tous les jours. On reçoit les tarifs et tous les jours ça monte ». Ce mercredi 8 mars, il faut compter 2,27 euros par litre de gazole. « Par rapport à mon prix d’achat, je rajoute ma marge, et j’ai même dû la baisser. Elle est actuellement à 5 centimes TTC du litre » souligne le gérant. Alexandre Béal poursuit : « Je suis très inquiet. Parmi mes clients j’ai beaucoup de professionnels et notamment une entreprise de travaux publics qui se fournit chez moi. A proximité, il y a deux grandes surfaces qui ne répercutent pas cette augmentation ».
Une baisse de la fréquentation
Le gérant ne peut que constater, impuissant, la hausse des prix et la baisse de la fréquentation dans sa station-service : « La fréquentation a évolué. Depuis les vacances, il y a beaucoup moins de monde. Les gens font plus attention. La baisse est d’environ 30 %. Les clients étaient habitués à faire le plein et certains prennent moins d’essence. Ils viennent au fur et à mesure ». Malgré ces difficultés, le gérant précise pourquoi son commerce reste attractif à Billom : « On a encore un système où on sert les clients, ce qui est plutôt rare. Les gens apprécient aussi le service de proximité car on est ouverts de 6h30 à 19 heures, sans interruption. Enfin, on accepte tous les modes de paiement, même les chèques et les espèces ».
La peur des filouteries au carburant
Depuis quelques jours, Alexandre Béal est particulièrement attentif au paiement des pleins. Il a alerté ses salariés : « J’ai demandé à mes collaboratrices d’être attentives à cela. Je crains fortement des filouteries au carburant. On est vigilants ». Le gérant n’est pas très optimiste pour la suite : « Je suis inquiet pour l’activité en elle-même. Heureusement, je ne fais pas que de la station-service, j’ai un garage. Si ça continue comme ça, ça sera compliqué pour tenir. C’est le problème de toutes les stations ». Afin de trouver le carburant le moins cher près de chez vous, vous pouvez aller sur le site mis en place par le gouvernement.