Ali est arrivé de Côte d’Ivoire il y a 4 ans. Près de Clermont-Ferrand, il a trouvé des amis, un métier et souhaite y faire sa vie. Pourtant, il est menacé d’expulsion malgré une promesse d’embauche. A Riom, 500 personnes se sont rassemblées pour le voir rester.
Associations humanitaires, mais aussi enseignants et élèves du lycée Pierre-Joël Bonté de Riom, près de Clermont-Ferrand, se sont mobilisés ce vendredi 15 avril pour Ali Konaté, un jeune Ivoirien, scolarisé dans l'établissement et en alternance chez un artisan du secteur. L'administration vient de lui signifier son OQTF, son obligation de quitter le territoire français, et son interdiction de revenir en France. Malgré son intégration réussie, il est en attente d'un titre de séjour. Près de 500 personnes se sont donc réunies ce matin pour "dénoncer un scandale". « Je le connais un peu, on se croise au lycée, on s’est quelque fois parlé par le biais d’autres amis. Je tenais à manifester parce que, ne serait-ce que d’un point de vue logistique : l’Etat lui a payé 3 ans de formation et là il veut le faire partir dans son pays. Il est prêt à travailler et on lui demande de partir alors qu’il pourrait contribuer à la France », explique un élève du lycée. Un autre de ses camarades souligne son professionnalisme : « J’ai tenu à manifester pour soutenir Ali parce que c’est un jeune qui est très compétent, qui a envie de travailler et d’aider à développer le pays. C’est quelqu’un qui a envie d’aider les gens à avancer dans la vie. C’est quelqu’un de très poli, de très travailleur. C’est inadmissible de l’obliger à quitter le pays et de lui interdire de revenir. On tient à lui montrer notre soutien. C’est très important de soutenir les jeunes comme Ali. »
"Ca me fait mal au cœur"
En effet, c’est la vie qu’il s’est choisi, la vie de chantier. Ali Konaté est en alternance chez un charpentier-couvreur depuis sept mois. Son patron lui a promis une embauche à la clef, mais l’administration vient de mettre entre parenthèse cet avenir qu’il s’était tracé. « Je n’ai pas de titre de séjour. La police m’a attrapé pour me dire de quitter la France. J’ai mal au cœur. Je travaille, ça va faire 4 ans que je suis ici, pour rien du tout. Ça me fait mal au cœur. Je me suis habitué aux gens, à l’école, à tout. Mon patron, mes collègues, l’école… Je voudrais fonder une famille ici, avoir des enfants. En Côte d’Ivoire, je n’ai plus que mon père. » Arrivé il y a quatre ans en Auvergne, la vie du jeune Ivoirien est désormais ici avec ses amis, et ce travail qu’il apprend. Dans une profession où la main-d’œuvre manque, Ali Konaté se montre exemplaire. Son patron Rémi Fournillon s’en félicite : « On a du mal à trouver de la main-d’œuvre en ce moment. On ne fait pas des choses marrantes tous les jours, il y en a que ça freine. Lui, il se plaît, même quand on ne fait pas forcément des choses intéressantes, du béton ou de la maçonnerie, des choses répétitives. Il ne se plaint jamais, il ne regarde pas l’heure, il n’est pas sur son téléphone. C’est un bosseur, il a envie de s’en sortir. Il veut créer, apporter quelque chose à la France. »
"Ca me met du dégoût"
Alors Rémi Fournillon fait tout ce qu’il peut pour lutter contre la machine administrative, sans succès pour l’instant : « On l’accompagne au maximum dans ses démarches administratives, ses recherches de logement. C’est un jeune qui va avoir besoin du permis, on essaye de l’accompagner là-dedans. On a vraiment bien accroché avec lui, on est même partis en vacances l’été dernier. Ça me fait mal au cœur, on a une maison de famille dans les Alpes, on l’a emmené avec nous… », explique-t-il, très ému.
Devoir se séparer de son apprenti auquel il s’est tant attaché lui brise le cœur : « Ça me met du dégoût, je me dis que l’Etat a investi pour lui, pour sa formation et là c’est « Au revoir, tu n’es plus rien et tu t’en vas », alors qu’il devait passer son diplôme à la fin de l’année. Quand on n’a plus besoin de lui, on lui demande de partir. Ça a été très rapide, tout était bien engagé, on voyait un peu le bout du tunnel. Ça nous a coupé l’herbe sous le pied. Ça fait mal pour lui, il n’a pas d’attaches chez-lui, il a perdu beaucoup de gens. Ce n’est pas possible qu’il retourne chez lui. Ici, il a sympathisé avec tout le monde. J’ai des clients qui m’ont appelé, qui m’ont dit qu’ils étaient prêts à le soutenir, à aller parler en sa faveur. C’est vraiment un bon gars. » Malgré la colère, la peur et l’incompréhension, Ali Konaté ne demande qu’une chose à l’administration : « J’aimerais dire à l’administration de me donner une chance de rester en France ».
"Il excelle"
Du côté du corps enseignant, l’incompréhension règne : « Toute la communauté éducative se mobilise pour Ali parce qu’il fait partie de notre lycée depuis 3 ans. Il est rentré dans un dispositif pour apprendre le français et faire en même temps un CAP bois, filière dans laquelle il excelle puisqu’il a été pris en contrat d’apprentissage chez un employeur qui est tout à fait satisfait de lui. On se mobilise pour qu’Ali reste en France. Il a été arrêté pour un simple contrôle des papiers, il lui manquait un papier en cours à la préfecture », raconte Claire Bettarel, professeure de français au lycée Pierre-Joël Bonté. « C’est d’abord un élève exceptionnel, en or, qui remplit toutes les cases du bon élève et de l’adaptation à notre éducation. Il a cette motivation de toujours apprendre plus et de toujours donner le meilleur de lui-même. Beaucoup le connaissent, tout le monde le soutient. Pour l’avoir hébergé pendant 4 mois pendant le confinement je peux dire que c’est un garçon remarquable, qui incarne la bonté, la gentillesse, qui remercie tout le temps tout le monde. Il mérite de rester ici, il a tout ce qu’il faut dans les critères de l’intégration », s’indigne Claire Bettarel. Une pétition a également été lancée. Elle a déjà recueilli plus de 5 000 signatures en quatre jours.