Le puy de Dôme a été foulé par des coureurs du Tour de France pour la première fois depuis 1988, à l’occasion d’une reconnaissance avant la compétition, ce vendredi 2 juin. Les cyclistes racontent.
Géant endormi, le puy de Dôme fait irruption sur le parcours du Tour 2023, 35 ans après. A un mois du passage de la Grande boucle, des cadors du peloton ont eu l'autorisation vendredi 2 juin de gravir ce site classé et fermé le reste de l'année. D'ordinaire, une barrière empêche l'accès aux quatre derniers kilomètres, interdits aux cyclistes si ce n'est à l'occasion d'une cyclosportive, une fois par an. Et si des audacieux s'aventuraient quand même sur le goudron en colimaçon de 12% de pente moyenne enlaçant le volcan éteint, une caméra veille. Cela n'a pas empêché Romain Bardet de s'y faufiler à plusieurs reprises en douce à l'aube, a déjà raconté l'Auvergnat, amoureux de ces pentes qui furent le théâtre du duel homérique entre Anquetil et Poulidor en 1964 mais sont absentes du Tour depuis 1988.
Autre régional, le champion de France 2021 Rémi Cavagna confesse vendredi l'avoir déjà monté à deux reprises. Cette fois, il l'a grimpé sous l'oeil bienveillant de gendarmes annonçant au talkie-walkie les coureurs s'élançant dans la pente. Dégoulinant, le "TGV de Clermont-Ferrand" (son surnom) pronostique un effort d'un quart d'heure pour les meilleurs sur cette portion menant au sommet (1.465 m). Près de 35 minutes de Clermont-Ferrand pour la totalité de l'ascension (13,3 km à 7,7%). "C'est très, très raide", commente le vainqueur du Tour 2022 Jonas Vingegaard, venu reconnaître les lieux avec le seul Grischa Niermann, son directeur sportif."Je crois n'avoir jamais gravi une montée pareille", assure le Danois depuis la plateforme panoramique. "On n'a pas de répit, faute de virages, il faut appuyer sur les pédales sans arrêt. »
"On est habitués à monter des cols avec des lacets qui nous permettent de nous relancer", décrit David Gaudu, quatrième de la dernière Grande boucle. "Là, c'est vraiment toujours tout droit."
"Un mur en face de soi"
"Lorsqu'on est cycliste, à la vitesse à laquelle on va, on a juste l'impression d'avoir un mur en face de soi qui ne bouge pas", décrypte l'homme traçant le parcours du Tour, Thierry Gouvenou. "Ça va être pour un homme fort", pronostique encore Gaudu. "Des gars comme Pogacar ou Vingegaard vont pouvoir s'amuser", juge pour sa part Egan Bernal, lauréat du Tour 2019, accompagné de deux autres leaders de son équipe Ineos, Daniel Martinez et Carlos Rodriguez. Tel l'Espagnol Enric Mas, deuxième du dernier Tour d'Espagne, des grands noms du peloton étaient au rendez-vous... mais pas Tadej Pogacar.
Le double vainqueur slovène (2020 et 2021) s'entraîne en Espagne, après sa fracture à un poignet fin avril dans Liège-Bastogne-Liège. Le Polonais Rafal Majka s'est livré au repérage pour lui vendredi avec quatre autres coureurs d'UAE-Emirates. "J'ai envoyé une vidéo à Tadej des derniers hectomètres, glisse l'intéressé. Histoire qu'il ait des informations." Ces dernières centaines de mètres sont les plus raides, celles où les meilleurs devraient s'expliquer. C'est "une montée mythique. J'imagine que quelques-uns des favoris au classement général voudront l'emporter ici", analyse le directeur sportif de Jumbo, Grischa Niermann.
Pas de public, des drones thermiques
Il faut dire que le nom du volcan convoque un célèbre épisode dans l'imaginaire cycliste: l'édition 1964 du Tour, Jacques Anquetil et Raymond Poulidor coude-à-coude et "Poupou" reprenant 42 secondes sans pouvoir priver Anquetil d'un cinquième sacre final. Pourtant, le géant d'Auvergne, en plein centre de la France, est déserté du Tour depuis 1988. Les raisons: la préservation du site naturel, labellisé Grand site depuis 2008, mais aussi l'étroitesse de sa route. Seuls 20% des véhicules suiveurs pourront ainsi emprunter en juillet la voie d'à peine quatre mètres de large, longée par un train à crémaillère panoramique.
Quant aux spectateurs, ils seront privés de la conclusion de l'étape et du panorama unique sur la chaîne des Puys, bande semblable à des taupinières géantes. "Il n'y aura absolument pas de public dans les quatre derniers kilomètres. C'était la condition sine qua non", rappelle Adam Roussy, en charge des sports et de ce projet auprès du président du département, Lionel Chauvin. "Un système de drones thermiques est même évoqué pour trouver les petits malins qui commenceraient à bivouaquer deux jours avant", prévient-il.
- Avec AFP