La population de sangliers en France a été multipliée par 4 en 20 ans. Quelles sont les causes, les conséquences et les solutions face à cette prolifération ? C’est l’objet du documentaire de Nicolas Cailleret "Invasion sangliers". Une balade champêtre où se mêlent écosystème et argent.
C’est l’image d’une petite famille en balade au cœur d’une forêt de l’est de la France. Il y a maman laie et ses petits, tous groins au sol. Derrière la carte postale animalière se cache une réalité bien moins poétique, celle de la surpopulation du sanglier. Pour les chasseurs, ils seraient un million, pour les agriculteurs, plus de quatre millions. "La vérité se situe dans cette fourchette. Il y a peut-être 2 voire 3 millions d'individus", précise Eric Baubet de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS). Comme le comptage un à un est impossible, cette estimation est basée sur les prélèvements effectués par les chasseurs. Au-delà des chiffres, tous sont d’accord pour dire que les sangliers pullulent, qu’ils causent d’importants et très coûteux dégâts partout où ils passent. Dans les forêts, où à force de fouiller le sol, ils menacent la régénération, ce qui inquiète les forestiers contraints d’engager des fonds pour protéger les jeunes plants. Et, une fois les ressources sylvestres épuisées, dans les champs cultivés avec une préférence pour les cultures de maïs en lisière de forêts ce qui provoque la colère des agriculteurs.
Un animal forestier très adaptable...
"Cultiver du maïs en lisière de forêt sous le groin des sangliers, c’est comme demander à un gamin d’ouvrir un frigo rempli de friandises et lui dire touche pas ! Il ne faut pas oublier que les sangliers, animaux des forêts, sont capables de s’adapter aux milieux ouverts créés par l’homme dans lesquels ils se comportent comme des colonisateurs", explique Jean-Claude Génot, ingénieur écologue du Parc naturel régional des Vosges du Nord. Des colonisateurs dont les agriculteurs se passeraient volontiers. Pour 2019, selon le ministère de l’Agriculture, 80% des dégâts aux cultures sont imputables au grand gibier dont le sanglier. La facture s’élève à plus de 60 millions d’euros d’indemnités payées par les chasseurs.
Tracteurs vs fusils
Les agriculteurs, qui ont cédé une partie de leurs ennuis en même temps que leur droit de chasse aux sociétés de chasse, s’agacent et les accusent aujourd’hui de ne pas faire le boulot en préférant garder le gibier pour les week-ends de chasse. De leur côté, les fédérations de chasse qui multiplient les battues, se sont engagées à payer pour les dégâts causés par le gibier. "Nous sommes la seule corporation à tout payer nous-mêmes", s’insurge le président de la fédération de chasse de la Meuse.
Quoi qu’il en soit, il y a urgence à s’entendre quand la fièvre porcine africaine, qui touche aussi bien les sangliers que leurs cousins les cochons d'élevage, se répand. Très présente en Europe de l'est, la maladie a été détectée en Belgique à une dizaine de kilomètres de la France.
"La solution ? Rétablir les relations naturelles entre les espèces…"
En Suisse, où la chasse n’est pas un loisir mais une mission confiée à des professionnels, le retour à l’équilibre est en cours. En Italie, où le loup n’a pas disparu, c’est lui qui maintient l’équilibre en mangeant : le sanglier représente 49% de son alimentation. En France, à peine 24%. D’où cette remarque d'Arnaud Hurstel de l’observatoire des carnivores sauvages : 'Si on rétablit le loup en France, les questions pro ou anti n’auront plus à se poser car on atteindra un équilibre entre les espèces". Le problème venant en partie de l’homme, peut-être que la solution viendra de lui…