La Région Auvergne-Rhône-Alpes condamnée à verser plus de 10 millions d’euros dans l’affaire ERAI

La Région Auvergne-Rhône-Alpes a été condamnée à verser plus de 10 millions d’euros dans l’affaire ERAI pour une ''faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actifs''. L’actuel président Laurent Wauquiez se défausse contre l’ancien, Jean-Jack Queyranne.

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Le tribunal judiciaire de Lyon a condamné, ce mardi 27 avril 2021, la région Auvergne-Rhône-Alpes à payer plus de 10 millions d’euros au liquidateur judiciaire de l’association ERAI, Entreprise Rhône-Alpes International, pour ''défaillance''. Laurent Wauquiez, actuel président LR de la collectivité, dénonce la gestion de l’ancien président, Jean-Jack Queyranne.

Le dossier ERAI a été porté devant la chambre des procédures collectives du tribunal judiciaire de Lyon. Ce dernier a rendu sa décision le mardi 27 avril 2021. La région Auvergne-Rhône-Alpes, actuellement présidée par Laurent Wauquiez, est condamnée à verser 10.460.000 euros au liquidateur judiciaire de l’association.

Une affaire dans l'affaire

Ce même mardi 27 avril 2021, Jean-Jack Queyranne était entendu par la brigade financière de la Police Judiciaire de Lyon, dans le cadre d'une enquête préliminaire. Laurent Wauquiez a en effet porté plainte au pénal en 2016 pour ''prise illégale d’intérêts'', ''favoritisme''  et ''abus de confiance'' dans l'affaire ERAI, juste après la publication d'un rapport de la Chambre régionale des comptes.

L'affaire ERAI

ERAI est une association créée en 1987. Elle était censée aider les PME rhonalpines à trouver des marchés à l’international et favoriser les flux d’affaires vers la Région. Elle était présidée par Daniel Gouffé et employait 60 collaborateurs (dont 40 à l'étranger) à travers une dizaine d’antennes en Europe, Amériques et Asie.

Laurent Wauquiez, élu LR à la tête de la Région en 2015, a aussitôt dénoncé, dans un communiqué, après la décision de justice, la ''particulière implication et la gestion catastrophique de l’ancienne majorité socialiste''. Avant de poursuivre : ''Les fautes de gestion de l’exécutif de l’ancien président PS de l’ex Région Rhône-Alpes, Jean-Jack Queyranne, et de son vice-président aux Finances, Jean-François Debat, dont le tribunal fait la démonstration, vont coûter plus de 10 M€ aux contribuables de notre Région''.

L’entourage de Jean-Jack Queyranne, aujourd’hui conseiller régional, réagit en ces termes : ''Tout d’abord, c’est la droite qui a créé ERAI. Ensuite, c’est cette même droite, qui a toujours apporté son soutien à la structure, qui décide, en mars 2015 de ne pas voter la subvention annuelle de 4,7 millions d’euros. Nous sommes alors à la veille des Régionales. Si la droite avait été cohérente avec elle-même, nous n’en serions pas là aujourd’hui. Car en ne votant pas la subvention annuelle, ERAI s’est retrouvée en cessation de paiement puis en liquidation judiciaire’''.

Les Verts ont toujours voté contre cette subvention. Ils dénonçaient depuis des années les zones d’ombre autour d’ERAI. Le FN aussi a toujours voté contre. Mais le refus de la droite a pesé dans la balance. L'association est liquidée le 30 juin 2015. Un an après, en 2016, la Chambre régionale des Comptes publiait un rapport.

Un problème de gestion

Aujourd'hui, la justice pointe du doigt ''une faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actifs dont elle doit être déclarée responsable''. Pour le tribunal, la Région présidée par Jean-Jack Queyranne et le président d’ERAI, Daniel Gouffé, ont poursuivi ''une exploitation structurellement déficitaire pendant plusieurs années et maintenu artificiellement ERAI en activité, ce qui constitue, non pas une simple négligence, compte tenu de la durée et de l’ampleur de cet état déficitaire, mais une faute de gestion ayant contribué à l’insuffisance d’actifs dont ils doivent être déclarés responsables''.
Les proches collaborateurs de Jean-Jack Queyranne ne nient pas les problèmes de gestion. Mais, affirment-ils, ''en 2011, la Région avait demandé un plan d’économie à ERAI. La mutation avait commencé en 2013, avec la fusion avec Ardi. La Région n’était pas restée passive. Elle avait tout fait pour éviter qu’ERAI aille dans le mur''.

Le projet de fusion sur la sellette

Le projet de fusion entre ERAI et Ardi était piloté par le vice-président en charge du développement économique et de l’innovation de l’époque Jean-Louis Gagnaire.
L’ancien député socialiste, ancien patron de LREM dans la Loire, aujourd’hui en retraite politique, regrette la liquidation d’ERAI, qui en 2014 accusait un déficit de 500.000 euros : ''J’avais tout fait pour éviter la liquidation", se souvient Jean-Louis Gagnaire. "En 2015, le week-end de l’Ascension, j’avais travaillé sur un plan de reprise et la fusion avec Ardi. Il y avait 250 contrats de travail. Mais il fallait fermer des agences, licencier. On m’appelait d’ailleurs liquidator. Mais c’était la seule solution car ERAI accumulait les déficits. Un audit avait été rendu public. Un cabinet avait été mandaté pour travailler sur la fusion. Malheureusement le président, Daniel Gouffé, avait refusé de donner quelques documents au cabinet, alors que c’était accepté par le conseil d’administration''.

Une situation qui tombe de Charybde en Scylla

''La fusion je la souhaitais", poursuit Jean-Louis Gagnaire, "mais sans le président Daniel Gouffé. Or, il était soutenu en interne, il était soutenu par Jean-Jack Queyranne et par une bonne partie du monde économique lyonnais. Je faisais partie des personnes qui s’opposaient à lui''.
Finalement, la décision d’une fusion est approuvée…avec Daniel Gouffé, que Jean-Jack Queyranne ne voulait pas mettre sur la touche. Les crédits sont votés. Mais, coup de théâtre, l’UMP change d’avis. ''Il y a avait quelques UMP convaincus par la fusion, mais la décision est politique. La liquidation d’ERAI a été préférée. Quel gâchis ! Si Jean-Jack Queyranne m’avait écouté. S’il n’y avait pas eu les Régionales en 2015…''

Une affaire juridico-politique

Droite et Gauche règlent leurs comptes devant les tribunaux. Le 11 mars 2021, dans un communiqué de presse, Jean-François Debat, président du groupe Socialistes et démocrates écrit : ''Nous saisissons donc officiellement le PNF d’éléments nouveaux et de preuves permettant de corroborer des faits susceptibles d’être qualifiés de détournements de fonds publics. Nous saisissons également la Chambre Régionale des Comptes de ces mêmes faits''.

Jean-François Debat, est le maire de Bourg-en-Bresse et conseiller régional, Il a été, de 2005 à 2015, vice-président de la Région Rhône-Alpes chargé des Finances et de la décentralisation, ainsi que du Contrat de plan État-Région. Il préside les 30 élus du groupe socialistes et démocrates. Parmi eux Jean-Jack Queyranne à la Métropole de Lyon, conseiller régional, ancien ministre, président du Conseil régional Rhône-Alpes de 2004 à 2015, député du Rhône de 1981 à 1993 et de 1997 à 2012.

Dans la décision de justice qui fait une quarantaine de pages, le tribunal parle également du ''déménagement coûteux'' de la Région dans le quartier Confluence à Lyon. Et pour elle, le pavillon de la Région lors de l’exposition universelle de Shanghaï est une ''opération ruineuse''.

Le jugement précise que la Région, qui attribue les subventions, avait ''un droit de vie ou de mort sur l’association''. Par conséquent, la Région est considérée par la justice comme ''dirigeant de fait'' d’ERAI. Daniel Gouffé, l'ancien président, n’est pas condamné ''au titre de la contribution à l’insuffisance d’actifs''.

À l’aube des élections régionales 2021

Les prochaines élections régionales se dérouleront les 20 et 27 juin 2021. L’occasion pour Laurent Wauquiez d’ajouter : ''la décision de justice confirme ce que nous avons toujours dénoncé : la gestion catastrophique de la précédente majorité socialiste, écologiste et extrême-gauche, qui conduit aujourd’hui la Région Auvergne-Rhône-Alpes à devoir assumer les fautes qu’elle a commises entre 2004 et 2015''.

Et aux proches de Jean-Jack Queyranne de rétorquer : ''pourquoi ne font-ils pas appel de la décision de justice? Pourquoi Jean-Jack Queyranne est auditionné le jour où le tribunal judiciaire rend sa décision? Personne n’est dupe de l’exploitation politique''.

Depuis, une nouvelle agence a vu le jour. Elle a la même mission que celle confiée à ERAI auparavant... Avec l'esprit ''fusion'' en plus.

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