Si jusqu'à présent, la situation est sous contrôle dans les centres de distribution des Restos du coeur, elle pourrait empirer en septembre, redoutent les présidents départementaux. Ils s'attendent à l'arrivée de nouveaux et nombreux bénéficiaires précaires.
"C'est une sorte de bascule qui a eu lieu pendant le confinement. Et depuis l'amorce du déconfinement", résume Jean-Marc Prot, le président des Restos du coeur du Rhône.
Pendant que certains bénéficiaires connus et suivis sortaient des écrans-radars, d'autres apparaissaient et franchissaient, pour la première fois, les portes des centres des Restos. "Ce sont des gens qui vivent dans des conditions difficiles en temps normal, mais qui, dans le contexte de non-activité, ont descendu une marche. Ils sont passés des difficultés à la précarité. "Une cantine qui ferme, un resto U qui en fait autant, c'est-à-dire la réalité du quotidien pendant le confinement, et les gens démunis ne savent plus comment manger équilibré. L'argent manquant cruellement.
Encore plus de jeunes
Dans le quartier de la Duchère, une trentaine d'étudiants d'une prestigieuse école d'ingénieurs de l'Ouest de Lyon, ont ainsi dû se retourner vers les Restos du coeur pour trouver de quoi manger. Ils n'y avaient jamais mis les pieds.
Des jeunes, davantage que des familles : c'est le constat que tire pour cette période le président rhodanien de l'association. Beaucoup de jeunes que l'on ne voit qu'épisodiquement dans l'année sont venus nombreux.
Dans la Loire, le retour à la "normale" est "assez particulier" selon son président, Henri Baudoin. Il n'y a pas eu d'interruption comme cela est le cas les années précédentes entre la campagne d'hiver et celle d'été. Mais outre la fréquentation par des bénéficiaires "classiques", de nouveaux profils ont fait leur apparition, explique Henri Baudoin. Des familles qui n'avaient jamais franchi la porte des centres. Bon nombre d'intérimaires qui ont perdu leurs missions. "Des personnes qui sont à la limite de la précarité et qui ont basculé. On s'attend à une poussée à la rentrée, quand on verra la réalité du redémarrage (ou pas) de l'économie." "Nous sommes actuellement dans une situation masquée", fait remarquer le président. Les aides de l'Etat ont limité la casse. Mais les conditions changent, nous nous attendons à une doublement voire un triplement du nombre de bénéficiaires !"
Les besoins vont exploser
Dans ce contexte, les centres des Restos entendent s'adapter. Il va falloir modifier les modes de fonctionnement des pôles de distribution, tant par rapport aux nouveaux profils qui vont arriver que du point de vue des plages d'ouverture des centres. Le grand défi des mois à venir : s'adapter à la demande, notamment avec le départ définitif de certains bénévoles qui ont peur de revenir et l'arrivée de bénévoles plus jeunes, davantage disponibles en fin de journée. "Certains nouveaux bénéficiaires qui trouvent un petit boulot le matin ou dans la journée ne pourront pas venir s'approvisionner aux horaires habituels. On va probablement ouvrir en soirée."
Compte-tenu des perspectives de décroissance autour de 10 %, les besoins vont singulièrement augmenter. "On sent que des populations nouvelles ont des besoins qui correspondent à des jours et des horaires différents de ceux pratiqués jusqu'ici, insiste Jean-Marc Prot, le président rhodanien qui rappelle que dans le Rhône, les 26 centres reçoivent quelque 30 000 personnes aidées. Et délivrent 1,9 millions de repas dix mois de l'année, et 1,7 millions de repas en été, du fait aussi de la fermeture d'autres structures d'accueil dans cette période.
A Saint-Etienne, où sont répertoriées 1 500 familles, les Restos du coeur sont à la recherche d'un deuxième centre. "Il faut absolument répartir la charge et accueillir les gens dans l'état d'esprit d'accueil personnalisé qui est le nôtre", indique le président départemental.
Et puis, il faut tout mettre en oeuvre pour faire face à l'afflux désormais incontournable, pour éviter les longues files d'attente et respecter les règles de distanciation qui risquent d'être toujours en vigueur en septembre.