Dans un récent rapport, la chambre régionale des comptes épinglait le réseau ferroviaire d'Auvergne-Rhône-Alpes. En réaction le nouveau président de la région a réaffirmé qu'un vaste plan d'investissement avait été lancé et qu'il portait déjà ses fruits, ce que conteste la principale association de voyageurs.
Jeudi 5 septembre, la chambre régionale des comptes d'Auvergne-Rhône-Alpes a fustigé la vétusté des rames mais aussi des lignes SNCF et le manque de places pour les voyageurs sur le réseau régional. Un constat qui a fait réagir le président fraîchement élu de la région AURA Fabrice Pannekoucke, au micro de nos confrères de France Bleu. Lui, estime que le problème a déjà été pris à bras-le-corps par la Région, mais élus de l'opposition, notamment écologistes, et associations de voyageurs, dénoncent une stratégie de communication et estiment que les véritables avancées en la matière seraient en réalité moins reluisantes.
"Tous les jours, il manque au moins trente trains"
C'est le premier bilan dressé par Bernard Lejeune, le président de la chambre régionale des comptes d'Auvergne-Rhône-Alpes lors de sa conférence de presse de présentation de son rapport. Selon lui, pour que le transport ferroviaire de voyageurs se fasse dans de bonnes conditions en AURA, "tous les jours, il manque au moins trente trains". "Alors que le nombre de voyageurs augmente constamment, l'offre de la SNCF dans notre région ne s'est pas étoffée depuis 2017. Les conséquences pour les voyageurs sont un accroissement des trains en surcharge et un nombre significatif de trains annulés" alerte la chambre régionale.
Et ce n'est pas tout, le rapport souligne que le parc ferroviaire régional, qualifié de "l’un des plus vieux de France", n’avait pas été renouvelé au fur et à mesure des progrès techniques réalisés dans le domaine. Résultat, les espaces voyageurs comme les voitures sont archaïques, mais surtout la maintenance y serait désormais inefficace, les centres techniques étant mal placés et sous-dimensionnés, et disposant d'équipements et d'infrastructures obsolètes.
Enfin le rapport signale des "biais" dans les enquêtes de satisfaction de la SNCF. Ces dernières ne tiennent notamment pas compte des passagers de trains annulés, et permettent à l'entreprise d'obtenir un "taux de satisfaction des voyageurs" proche des 87%, quand la chambre des comptes, elle, estime que le taux de satisfaction est d'à peine 53%. "Pour mener à bien la modernisation et l’extension de son parc, la Région Auvergne-Rhône-Alpes sera confrontée à un mur d’investissement qui s’élèvera, a minima, à 3,8 milliards d’euros jusqu’en 2035" conclut Bernard Lejeune.
"60.000 places supplémentaires dans les TER d'ici 2035"
Face à ce rapport, commandé par la Région elle-même en 2022, la présidence de la collectivité a souhaité réagir. D'abord, en annonçant lundi 16 septembre les nouveautés de la rentrée sur son réseau ferroviaire, et notamment la mise en place de dix nouvelles rames à 2 niveaux, "modernes et de grande capacité". "Ces rames permettent d’améliorer la capacité d’emport de 37 trains par semaine circulant sur l’axe Lyon-Vienne-Valence – Avignon. L’enjeu : augmenter très largement le nombre de places offertes dans 52 trains qui souffraient d’une fréquentation supérieure à la capacité offerte, en particulier dans le Val de Saône et la vallée du Rhône" peut-on lire sur le site de la région, dans une déclaration de Frédéric Aguilera, vice-président de la région délégué aux transports.
D'autre part, le président de la région et ancien maire de Moûtiers (Savoie) Fabrice Pannekoucke (LR) était l'invité de la matinale de France Bleu mardi 17 septembre, et il a, entre autres, réagi à ces lacunes de la région AURA. S'il a d'abord reconnu que "le train n'arrivait pas devant toutes les portes de notre région", il a ensuite tenu à mettre en avant ce qu'il estime être d'importantes avancées.
"Nous faisons deux fois plus que ce qui se faisait avant notre arrivée en 2016" commence-t-il par indiquer. Il se place ainsi dans la continuité de son prédécesseur Laurent Wauquiez, et fait référence à l'augmentation du budget dédié au ferroviaire décidé l'année dernière : 259 millions d'euros par an jusqu'à 2035, contre les132 millions annuels sur la période 2016-2023. "La trajectoire qui est devant nous, c'est une trajectoire à 5,7 milliards avec un objectif à 2035 de 60.000 places supplémentaires, (une hausse) de l'ordre de 30%, mais aussi, et là, ça n'est pas dans notre champ de compétence obligatoire, une intervention sur le structurant de 2,7 milliards d'euros, donc ce sujet du ferroviaire, c'est un sujet sur lequel nous allons augmenter notre action".
"La région hypothèque l'avenir du transport ferroviaire"
Avec 220 000 usagers par jour, le réseau ferroviaire AURA est le deuxième plus emprunté de France derrière l'île de France, il présente pourtant un retard certain. Alors pour les centaines de milliers de voyageurs qui utilisent ce réseau chaque jour, les annonces de la région sont encore insuffisantes, ils attendent de constater des progrès concrets. C'est en tout cas ce que nous explique François Lemaire, vice-président de la Fédération Nationale des Associations d'Usagers des Transports (FNAUT) en Auvergne-Rhône-Alpes.
"Tous les matins et tous les soirs, ce sont des trains surchargés, des passagers debout, collés les uns aux autres, voire contraints de renoncer à certains trains faute de places" déplore-t-il. "Entre 2019 et 2023, la fréquentation des trains régionaux a augmenté de 25%, alors que sur le même temps l'offre ferroviaire n'a pas du tout augmenté" constate François lui-même voyageur régulier, "ils annoncent des places supplémentaires sur la ligne Lyon - Avignon, mais ce sont carrément des trains supplémentaires qui sont nécessaires !".
Selon le représentant de la FNAUT-AURA, l'objectif fixé par la région des 300 000 usagers par jour à l'horizon 2035 est utopique, en tout cas au rythme où vont les choses.
Les nouvelles rames, insuffisantes en nombre selon l'association, viennent souvent en remplacement d'anciennes devenues trop vétustes, comme celles des trains corail, et ne constituent pas des rames supplémentaires. Or selon François Lemaire, "Sans rames supplémentaires, pas de lignes supplémentaires, ni de trains supplémentaires, et donc, pas de voyageurs supplémentaires. En retardant les commandes, les actions concrètes, la région hypothèque l'avenir du transport ferroviaire" annonce-t-il. Le président de la chambre des comptes Bernard Lejeune s'était lui moins montré moins accusateur mais pas plus optimiste "concitoyens d’Auvergne-Rhône-Alpes, j’ai bien peur de dire qu’il y a encore quelques années difficiles".