Maëlle avait repris l'épicerie-bar de son village de 640 habitants en 2019, alors qu'elle n'avait que 22 ans. Si son entreprise a survécu bon an, mal an, à la galère du Covid, la jeune femme avait dû baisser le rideau le 31 décembre 2023, face à l'explosion des prix de l'énergie. Elle nous raconte sa nouvelle vie.
Du pain, un gel douche ou un petit café bien chaud. Pendant quatre ans, c’était le quotidien de Maëlle Lalouel, une jeune femme de 27 ans qui naviguait avec énergie entre le zinc de son bar Ma'la'bar et le tiroir-caisse de l'épicerie attenante. Mais la belle histoire, son rêve d'enfant, a tourné court : le 31 décembre 2023, la jeune femme avait été contrainte de baisser le rideau de son commerce face au coût de l’énergie.
Maëlle, c'est une fille du village, de ce coin de terre qui s'appelle - comme un défi - "les Sauvages", perché à 700 mètres d'altitude sur les hauteurs de Tarare, au nord-ouest de Lyon.
Son épicerie-bar ? C'était écrit, car cela avait toujours été un rêve de petite fille pour elle. Mais la dure réalité à tout mis par terre, et la dernière facture d'électricité avait clos ce chapitre de sa vie. "Je n’avais plus le choix, je me levais tous les matins pour perdre de l’argent" se remémore aujourd'hui Maëlle, qui avait dû se résoudre à fermer pour de bon.
"J'ai retrouvé ce côté relation avec le client"
"J’ai tellement donné de ma personne pendant quatre ans que la décision du dépôt du bilan a été vraiment super dure, j’avais le sentiment d’avoir abandonné mes clients" soupire-t-elle. La jeune femme garde une pointe d’amertume, car tout n’avait pas été essayé pour sauver l’établissement. Selon elle, des travaux avec l’appui de la commune pour mieux isoler le bar ou encore l’installation de panneaux solaires auraient pu permettre de réduire la facture.
Dans sa nouvelle vie, Maëlle est désormais responsable d’une bijouterie dans une ville à plusieurs kilomètres du village, dans lequel elle n’habite plus. "Je me plaît dans cette nouvelle aventure, très différente. Je ne me verrai pas travailler autre part que dans le commerce, j’ai retrouvé ce côté relation avec le client que j’aime tant" raconte-t-elle.
"C’était une expérience vraiment enrichissante"
Elle repense souvent à l’aventure du Ma'la'bar. "On a vraiment passé de très beaux moments, c’était une expérience vraiment enrichissante. Surtout de vivre ça aussi jeune, c'est très formateur. J’ai rencontré des personnes extraordinaires" témoigne-t-elle. Car les "anciens" du village avaient ici leurs habitudes. Tous les dimanches matin, on était sûr de les trouver chez Maëlle pour un chocolat chaud, un café ou un vin cuit selon l'heure et l'humeur du moment. À l’heure de la fermeture, ils avaient tous confié être attristés : "on aimait s'y retrouver pour discuter, un vrai lieu de rendez-vous", racontait Victor, qui est aussi le grand-père de Maëlle. On devinait une grande affection des clients pour la jeune femme, qui déployait des trésors de patience et de sourire.
"C’était vraiment les montagnes russes !" lâche Maëlle. Car l’aventure n’avait pas manqué de défis : avec une reprise en octobre 2019, le bar avait dû vivre 11 mois de fermeture pour cause de Covid. Avant de repartir de plus belle, avec la vente de pain, de fromage ou des produits d'hygiène du côté épicerie, et avec des événements côté bar, pour faire le lien avec sa clientèle. Coupe du monde, scrabble, etc... les soirées du Ma'la'bar étaient le QG des jeunes du coin.
Dans un bar rural, il y a vraiment cette proximité avec le client, ça crée des liens. On peut même dire que c’était le lien social du village, le cœur du village
Maëlle Lalouel, ancienne patronne du Ma'la'bar
"Pourquoi pas retenter l’expérience !"
Car même si Maëlle avait mis beaucoup d'énergie dans l'affaire, les clients n'étaient pas assez nombreux et les chiffres sont restés têtus : au mieux, la jeune femme s'est versée 600€ de salaire mensuel. Les aides, de la mairie pour son installation, de l'État pendant le Covid, le soutien de ses clients, et notamment de sa famille n’ont pas suffi, et la facture d'électricité a fait le reste.
Un an après, malgré l'épreuve douloureuse de la fermeture, la jeune femme n’a rien perdu de sa bonne humeur, et de son sourire inoxydable en dépit des circonstances. "Je pense que je finirai par retourner bosser dans un bar, et pourquoi pas retenter l’expérience !" lance, comme un défi, celle qui ne se voit pas rester salariée indéfiniment.