Journée d’action des personnels  de l’Education nationale : le pourquoi de la colère

Demain mardi 26 janvier, les principaux syndicats de l’Education nationale appellent à une mobilisation générale. Au cœur des préoccupations : le manque de moyens, les conditions de travail et les salaires dans une période chamboulée par la Covid-19.

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Les coutures commencent à craquer. Dans l’Education nationale, le sentiment de malaise l’emporte. Au cœur des revendications, les conditions salariales, avec un point d’indice gelé depuis plus de 10 ans, et de plus en plus de classes surchargées malgré certaines directives liées à la Covid.

N’en jetez plus, disent les enseignants qui ont le sentiment d’être à l’os et de faire l’objet d’un profond mépris de la part du ministère et d’une partie de leur hiérarchie. Ce qui les concerne, ils l’apprennent en regardant la télé ou en lisant la presse. L’information au sein de la «grande maison» a de plus en plus de mal à circuler. Et surtout à remonter, se plaignent les personnels de l’Education nationale.

Dans les classes élémentaires, au collège ou dans les lycées, si les problèmes ne sont pas tous identiques, la manière de vivre la classe, de vivre avec le virus, de faire toujours avec moins, de recevoir l’essentiel du temps des réponses négatives aux demandes, tout cela est légion. Le lourd quotidien à gérer d’un corps qui, comme les infirmières et le personnel soignant, se sent au bord du gouffre. Et ce ne sont pas les syndicats de principaux de collèges et de proviseurs qui diront le contraire, mais avec un vocabulaire plus propice à l’encadrement…

Nous sommes allés à leur rencontre. Au travers de ces témoignages, les principales raisons de la colère ou à tout le moins d’un mécontentement qui ne peut plus durer.  

Une directrice-enseignante en école maternelle à Lyon, 46 ans dont 22 d’enseignement :

«Dans mon école, il y a 8 classes. Outre ma classe, je dispose de 5 jours par mois pour ma fonction de direction. Mais il y a du travail de direction tous les jours. C’est très dur en fait. Les journées sont très longues. J’arrive à 7 heures pour préparer la classe et gérer l’administratif. Répondre aux nombreux mails que je reçois en tant que directrice, sans compter ceux dont je dois informer mes collègues. Puis je fais l’accueil des enfants, puis la classe. Entre midi et deux, normalement j’ai une pause. En réalité, je mange et je me remets aux tâches de direction vers 12 heures 15 jusqu’au moment où je reprends la classe. Là, au moment où nous parlons, je viens de sortir d’un conseil des maîtres qui a duré plus d’une heure, sur la pause méridienne.

En fin de journée, ça s’éternise. Après s’être occupé d’accueillir les parents retardataires, je reste, sans compter les mercredis matin où je viens alors que je ne suis pas payée. On ne se rend pas compte, on est en lien avec notre hiérarchie, la mairie, avec les parents qui demandent à ce qu’on les prenne au téléphone et qui ne comprennent pas pourquoi on ne leur répond pas toujours. On court sans cesse. C’est pas possible de tout faire en même temps. Et avec tout ça, une perte de 100 euros de pouvoir par mois depuis 15 ans et le «prof bashing», ça devient très dur. Oui, ça met en colère.»

Ludivine Rosset, prof d’histoire-géographie depuis 16 ans, Lycée Charlie Chaplin, Vaulx-en-Velin :

«On est dans un sentiment de défiance de la part du ministère. On nous a parlé de la prime d’équipement pour pouvoir acheter ou renouveler  notre matériel informatique ou payer les cartouches de l’imprimante. Toujours rien ! Alors que l’on travaille depuis des années et que ça s’est vu notamment pendant le premier confinement.

On fait tous le même métier et la revalorisation ne touche que 31 % de nos collègues, pour résumer ceux qui viennent d’être titularisés et jusqu’à une dizaine d’années d’ancienneté. C’est très bien, mais que dit-on aux autres ? Ce n’est pas logique.

Quant aux conditions de travail, elles continuent de se dégrader. Dans notre établissement comme dans beaucoup d’autres, l’accompagnement personnalisé disparaît. Ces heures servaient à aider des élèves qui en avaient fortement besoin. Désormais, comment fait-on ? Qui peut s’en charger ? Notre quotidien, c’est de ne plus pouvoir travailler normalement, de faire notre métier d’enseignement car il y a toujours moins de moyens humains.
La réalité entre le discours et la réalité est de plus en plus intolérable. Pour remplir notre mission, il faudrait des classes de 25 élèves. »

Gérard Heinz, syndicat indépendant des personnels de direction de l’Education nationale, proviseur :

«Il est vraiment difficile d’avancer au milieu de constantes injonctions contradictoires. D’un côté, il y a le discours ambitieux qui arrive du ministère. Et de l’autre la réalité qui montre très clairement les limites de la vision comptable. Nous le vivons difficilement, c’est vrai. Comme nous le disons dans notre communiqué, nous multiplions les réformes, alors que jamais les précédentes n’ont été évaluées. Nous subissons impréparation, ordres contradictoires dans un environnement technique et informatique qui s’apparente plus aux missives par pigeon voyageur qu’au web 3.0. Nous apprenons lors de matinales ou sur les plateaux des chaînes d’information en continu le vendredi ce que nous devrons mettre en place le lundi.

Concrètement, comment gérer les heures sup de plus en plus nombreuses dont écopent les profs, pour pallier le manque de créations de postes alors que le  nombre d’élèves augmente dans l’académie (+ 4500 élèves en plus cette année) ? Une heure sup, c’est acceptable. Mais trois ou  quatre, c’est beaucoup d’heures de travail préparatoire en plus pour les profs. Et ça se traduit par une gestion laborieuse des emplois du temps qui pénalise au bout du compte les élèves. » 

Nicolas, prof de maths depuis 8 ans, Vénissieux :

«Où est l’échange ? On est dans un système descendant exclusivement. Beaucoup de directives ministérielles mais pas grand-chose en retour. On formule une demande de moyens pour une classe ? La réponse c’est toujours non ! Dans l’académie de Lyon, on ne va créer que 18 postes de profs, pas pour les CPE ou les infirmières scolaires dont on a pourtant grandement besoin.

Dans la situation actuelle de pandémie, c’est difficile face aux élèves. Il nous est demandé de suivre les protocoles, même quand ils n’ont pas de sens ou se contredisent. Dans chaque protocole, il y a une part de flou sur la manière de le mettre en œuvre. Il y a beaucoup de conditions, si ceci, si cela, c’est souvent interprétable. Et pas logique, y compris sur le plan sanitaire. Dans notre collège, qui accueille 600 élèves, il y a un seul bloc sanitaire, 8 WC au total. Alors les principes de distanciation avec des ados qui veulent s’y rendre, c’est un peu compliqué… Incroyable que l’on en soit toujours à ce niveau de sous-équipement !

Pareil avec les classes surchargées car il manque un établissement sur la commune, où la pression démographique est forte. Les collèges sont saturés ! Mais la cerise sur le gâteau, c’est la disparition du label REP (réseau d’éducation prioritaire). On va vers des conditions encore plus difficiles d’enseignement. Je suis inquiet, très inquiet. On ressent un très fort mépris institutionnel.»

Maria Parisi, prof d’italien agrégée, lycée Blaise Pascal, Charbonnières-les-Bains :

«Je n’en peux plus de constater à quel point il n’est pas possible de faire ce qui nous est demandé dans le cadre de la crise sanitaire. C’est le grand écart. Par exemple, on apprend que les examens sont annulés, par qui ? Les médias ! Où est le respect ? Les enseignants demandaient depuis le début de l’automne l’annulation des examens. Le ministère ne trouvé pas important de nous informer en direct. Et je ne parle pas de la réforme du Bac, en pleine période Covid, un joyeux fouillis pour ne pas dire autre chose…

Alors oui, nous sommes en colère. La revalorisation de nos salaires dans le cadre du Grenelle de l’Education ? De qui se moque-t-on ? La revalorisation «historique», c’est en ce qui me concerne + 21,33 euros par mois d’après le simulateur. Et tant pis si l’indice est bloqué depuis 2011. S’il avait suivi le coût de la vie, je gagnerais 200 euros de plus par mois !»

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