-Ressources urbaines- Entre 16 et 25 ans quand on vit à la Duchère près de Lyon "il faut deux fois plus de motivation que quand on vit au centre de Lyon". Le quartier s'est retrouvé au coeur de l'actualité après des échanges de tirs à balles réelle avec des policiers le 25 octobre 2021. Mais les préoccupations sont ailleurs.

Lundi 25 octobre, une patrouille de la brigade anti-criminalité essuie des tirs à balles réelles dans le quartier de la Duchère, près d'un point de trafic de drogue connu des services de police et des habitants. L'affaire monte au sommet de l'Etat, le ministre de l'Intérieur réclame des caméras, et le maire de Lyon dénonce une instrumentalisation politique.  

De cet évènement, l'opinion publique retiendra "tirs sur la police, banlieue, dealers".  Trois mots clés, qui semblent faits pour être conjugués ensemble. Au lendemain des faits, c'est précisément ce que regrettent celles et ceux qui, depuis un an, préparent un évènement à destination de la jeunesse du quartier. "Après ce type d'affaire, on met très longtemps à retrouver des liens" s'inquiète une représentante associative. "Personne ne ferme les yeux sur ce qui se passe. Savoir que des policiers se font tirer dessus est inquiétant pour tout le monde." 

"Les dealers? On les a tous vus passer avec leurs chaises" 

Mais après plusieurs échanges avec les habitants, beaucoup regrettent que le trafic se déplace et revienne sans cesse. "Entre mars 2018 et décembre 2019" il n'y avait plus rien du tout à Sakharov" (lieu de la fusillade qualifié de principal point de deal du quartier par le Préfet Pascal Mailhos), explique un acteur local qui restera anonyme sur ce sujet. "Le travail de la police et les projets locaux avaient permis d'apaiser la zone. Et puis on les a tous vus passer avec leurs chaises et s'installer de nouveau. Au début c'était un petit trafic des gamins du quartier et puis surement faute de moyens suffisants, c'est reparti !"  

Ce jour-là, une scène a été installée pour permettre aux jeunes du quartier de se produire. Ils et elles rappent et composent. Leur niveau d'écriture, leur musicalité, sont impressionnants de qualité.  On sent une fierté collective très forte entre eux. L'idée de cet évènement prévu de longue date était de réunir au même endroit, des concerts d'artistes locaux et des entreprise et associations vers lesquels les jeunes ne vont pas toujours.  

Le bac...et après? 

En discutant avec Afida, 19 ans, qui a grandi ici, on saisit que d'avoir décroché le bac était une étape déterminante. Mais pour la suite, difficile de trouver une place, elle ne sait pas trop comment ça va se passer. Elle veut travailler dans le social, faire de la psychologie mais ne sait plus très bien comment entamer un parcours d'études supérieures. Alors on change de sujet, et on parle rap, elle aussi écrit, chante, compose. "Mais avec le bac j'ai un peu laissé tout ça de côté, il faut que je m'y remette. En tout cas, ici, il y en aura toujours qui feront des conneries, mais c'est une question de mentalité, moi j'ai fait des conneries, je mentirais en disant le contraire, mais je n'ai jamais vrillé."  

Le parcours de cette jeune femme est assez courant dans ce quartier, assez de détermination pour décrocher le bac, ne pas vriller... et ensuite ? Le tremplin vers l'emploi ou les études supérieures est très compliqué. Même constat pour beaucoup d'autres profils croisés sur les stands.  

Une urgence de travailler

"Les gens ont vraiment envie !" constate la représentante du groupe Corallis, spécialiste des ressources humaines. "Mais le problème numéro 1 c'est le transport. Nous, on propose des missions et même des CDI dans l'agroalimentaire et la logistique mais du côté de Corbas, près de Vénissieux. Il leur faudrait 1h30 pour venir travailler chez nous en transport et la plupart n'ont pas de permis ou de voiture." Sophie Gouel, de l'agence derecrutement Partnaire confirme : "On sent une attente très forte de réponses et d'orientation. Il y a comme une urgence de travailler !"  

A la Duchère, les 16-25 ans représentent près d'1 habitant sur 5. Plus de la moitié d'entre eux a quitté le système scolaire sans diplôme et pour ceux qui ont décroché une qualification, un sur deux est au chômage. Face à ce constat, les équipes de terrain ont créée "une coordination 16/25 ans". Elle regroupe tous les acteurs et crée un maillage le plus resserré possible "pour qu'il n'y ait pas de trou dans la raquette" explique Julien Perrochon coordinateur jeune à la MJC. "Notre but c'est d'éviter les ruptures" insiste-t-il. "C'est une des clés pour proposer des parcours de réussite à ces jeunes qui vivent entourés de précarité !" Son leitmotiv ? "S'autoriser à avoir de l'ambition" 

Des "invisibles" à 100 mètres de la fusillade

Autour d'eux, le cadre a énormément changé ces 10 dernières années. Le programme de rénovation urbaine de La Duchère est parmi les plus exemplaire en France et Christophe Mérigot, le directeur adjoint du projet Duchère s'en félicite.  "Le cadre de vie s'est nettement amélioré, nous sommes dans un beau quartier. Mais l'enjeu après l'urbain c'est l'humain. Il faut donc insister sur l'insertion et le raccrochage des jeunes".  

Parmi les mesures qui ont été prises : le recrutement d'agents supplémentaires, plus expérimentés à la mission locale. Une mesure rendue possible par le plan d’investissement dans les compétences (PIC) lancé par l'Etat, une enveloppe de 100 millions d’euros consacrée au repérage des personnes qui sont "ni en emploi, ni en études, ni en formation". Les institutions les appellent les "invisibles". Sur le plateau de la Duchère au lendemain d'une fusillade à 100 mètres du parvis de la MJC, ils étaient bien visibles, et suffisamment nombreux pour qu'on les voit. 

 

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