Témoignage d'un directeur d'école en ZEP à Valence "Notre quartier n'a pas d'issue, il faut changer ça dans les têtes"

Ressources urbaines : Un directeur d'école dans le quartier prioritaire du Plan, à Valence, appelle de ses vœux l'écriture d'un livre blanc. Il faut dit-il, "redonner la parole à des habitants qui considèrent qu'ils sont assignés à résidence".

Voici une rencontre contrastée... Avec un directeur d'école très ouvert, et des récits d'enfermement. A l'écouter, le quartier du Plan souffre de ses propres murs devenus avec le temps des barrières derrière lesquelles certains se retrouvent bloqués et d'autres se réfugient. Comment rediriger le regard vers l'extérieur, comment creuser des brèches pour se glisser dans les idées reçues et les déconstruire ? Aux Plans, à force de répéter la même chose depuis des années, le silence a fini par s'installer. 

Après 21 ans passés sur ce territoire, Serge Bessede n'est pas de ceux qui ont choisi de se taire. Il fait valoir légitimement une certaine connaissance des réalités et a ses idées sur les transformations nécessaires. 

La vie dans un rayon de 200 mètres

"C'est un quartier auquel on ne s'intéresse que quand les gens doivent aller voter. Il est temps de leur redonner la parole. Une des attentes ici c'est de vivre dans un quartier moins dense, il faut le repenser en termes de déplacements. C'est un quartier où il n'y a pas d'issue et c'est cela qu'il faut changer dans les têtes. Un enfant qui entre dans mon école a toutes les chances d'évoluer plusieurs années dans un cercle d'un rayon de 200 mètres, et c'est ça que les acteurs de terrain doivent faire évoluer. 

Nous avons des logements sociaux concentrés au même endroit. Quand on s'éloigne un peu il y a de l'accession à la propriété mais ces publics ne se côtoient pas, ne se connaissent souvent même pas. Ce quartier souffre de son image" précise-t-il. "Mais comment redonner la parole à des habitants qui considèrent qu'il sont assignés à résidence ?" 

Comment rêver ce quartier ? 

C'est pourquoi il lance la proposition d'écrire un livre blanc. Une occasion de s'exprimer sur les possibilités d'avenir pour le Plan, mais pas sous la forme d'une plainte ou d'un besoin. La question serait : "comment peut-on rêver ce quartier ?" et comment en faire "un territoire d'expérimentation ?"

Il faut renouveler les recettes, pour un public qui ne se renouvelle plus. Quand une famille part, les appartements sont occupés par des personnes encore plus en difficultés que les précédentes car le quartier n'attire pas grand monde. Pourtant insiste-t-il : "Les plus belles pépites elles sont là. On est très fiers de travailler ici avec un public d'un potentiel fantastique. Il faut continuer de déceler cette excellence et développer les qualités intrinsèques des élèves pour leur permettre de sortir du quartier et affronter une autre vision du monde." Car prévient-il : "tant qu'on restera ici, le potentiel existe mais ne s'écrira pas."  

Un "printemps du Plan"

Serge Bessede en appelle donc à un "printemps du Plan", lui qui organise chaque année un Salon de littérature dans son quartier, veut qu'au printemps la restitution d'un livre blanc permette de lancer des initiatives. Une démarche qui ne peut se faire qu'avec les acteurs associatifs, les agents municipaux, et bien évidemment les habitants. 

"Les solutions sont dans l'excellence et dans l'expérimentation" ces mots viendront conclure cet échange avec un espoir assumé de notre interlocuteur : voir les premières réalisations issues de ce livre blanc, aboutir d'ici la rentrée 2022.