L'histoire de Pierre Pupier, un soldat de l'armée française durant la guerre 14/18, symbolise la tragédie de la Première Guerre mondiale. Fait prisonnier, le jeune homme se lie d'amitié avec une famille allemande, les Enders, près de Francfort. Plus de cent ans après sa mort, les descendants de Pierre Pupier et des Enders se retrouvent ce 11 novembre dans le Rhône pour rendre hommage à leurs ancêtres.

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Deux familles, nées d'un côté et de l'autre du Rhin, se trouvaient réunies ce 11 novembre au cimetière de Saint-Didier-sur-Riverie dans le Rhône. Venus de Francfort en Allemagne, les Enders, y ont retrouvé les descendants de Pierre Pupier, un soldat français décédé à l'âge de 26 ans en 1918 dans leur ferme à Hennethal. Ensemble, ils ont commémoré l'armistice de 1918 et la mémoire de leurs ancêtres.

Un symbole de réconciliation

Tout débute en juillet 1915. Pierre Pupier, jeune soldat français, originaire des Monts du Lyonnais, est fait prisonnier de guerre en Allemagne. Devenu captif, le jeune homme de 26 ans se retrouve à travailler dans une ferme à Hennethal, un village situé à une soixantaine de kilomètres de Francfort.

Contre toute attente, et alors que la guerre fait rage entre la France à l'Allemagne, Pierre se prend d'amitié pour la famille Enders qui exploite la ferme où il travaille. Le père de famille, Karl Enders, s'occupe de Pierre comme s'il était son fils. Pendant plus de deux ans, Pierre Pupier reste captif à Hennethal tout en étant choyé par les Enders. Contaminé par la grippe espagnole, il en meurt le 21 novembre 1918, quelques jours après la fin de la guerre.

Partager ce 11 novembre ensemble, plus de cent ans après la mort de Pierre Pupier, est un symbole de la réconciliation franco-allemande. "Ces gens [les Enders] ne voulaient pas plus la guerre que nous. C'était une aberration et nous avons tous subi les caprices des grands dirigeants de l'époque.", explique Nicole Hervier, la petite-nièce de Pierre Pupier.

"On parlait peu de la guerre dans ma famille et j'étais petite au moment du décès de ma grand-mère, sœur de Pierre, j'ai donc tout appris beaucoup plus tard. Rencontrer les Enders était bouleversant.", confirme Nicole Hervier.

À ses côtés, sa sœur Marcelle est très émue : "Ce 11 novembre a une saveur particulière, je pense que Pierre doit être heureux de nous voir réunis."

"Nous sommes très fiers d'avoir un lien avec la famille Pupier, assister à cette commémoration nous touche beaucoup.", confie de son côté Frank Enders, arrière-petit-fils de Karl.

"Ni vous, ni moi ne voulions la guerre"

Cette amitié entre les deux familles a pu exister grâce à une lettre écrite en 1918. Le jour même du décès de Pierre de la grippe espagnole, Karl Enders en informe les parents Pupier par courrier. Cette lettre poignante retranscrit l'attachement de la famille au jeune Français et le rejet de la guerre.

(...) J’appris alors à connaître de plus près votre fils et je puis vous assurer, M. et Mme Pupier que vous avez lieu d’être fier d’avoir eu un pareil enfant, un jeune homme comme lui, je n’en ai jamais connu. Il était actif, sincère, honorable et bien élevé. À l’automne, mon fils fut pris par la vie militaire, et je donnai alors mon deuxième cheval au vôtre. Partageons notre commune douleur car cette affreuse guerre nous a enlevé notre fils aussi, qui demeure là, enterré en France. Ni vous, ni moi, M. Pupier, nous n’avons voulu la guerre. Pierre nous l’a juré souvent. Mais la guerre nous a pris ce que nous aimions et chérissons le plus.

Karl Enders

Extrait de la lettre aux parents de Pierre Pupier, le 21 novembre 1918

Comme écrit dans la lettre, les Enders ont tout fait pour prendre soin du jeune homme mais la maladie est plus forte. Pierre n'est pas la seule victime de la pandémie. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, la grippe espagnole fauche plus de 100 millions de personnes dans le monde en l'espace d'un an.

C’est le matin du 19 octobre à 6h30 que notre Pierre a rendu le dernier soupir entre les bras de deux camarades français et entouré de ma femme et de mes enfants. (...)

Karl Enders

Karl veut que Pierre puisse être enterré dans sa commune rhônalpine. Ayant lui-même un fils décédé en France pendant la guerre, il lui paraît important de pouvoir rapatrier le corps de Pierre. Il invite aussi la famille française à venir leur rendre visite. "Je serai trop heureux de recevoir un membre de la famille de notre Pierre ici.", écrit le patriarche allemand.

J’ai pensé que, peut-être, vous feriez revenir le corps de Pierre en France ou que vous viendriez ici visiter sa tombe. En ce cas je vous remettrai l’argent et ses effets personnels. Ce serait pour moi un plaisir et un grand honneur si vous veniez me voir ici.

Karl Enders

Extrait de la lettre aux parents de Pierre Pupier

Finalement, le corps de Pierre est rapatrié dans son village du Rhône. "Quand je venais me recueillir sur la tombe de mon ancêtre, je voyais qu'il était mort en Allemagne et j'ai eu envie de voir le lieu de ses derniers jours. Puis nous avons découvert cette lettre envoyée à mes arrière-grands-parents. Elle m'a toujours beaucoup émue et je voulais comprendre cette histoire.", relate Nicole Hervier.

En 2004, la lettre est en effet découverte par Marcelle. "On voulait retrouver la famille Enders pour comprendre les derniers jours de notre grand-oncle, qui était si cher à la mémoire de notre grand-mère.", sourit Marcelle.

Une première rencontre en 2019

Chez les Enders, personne n'avait connaissance de la lettre envoyée par l'aïeul. C'est la famille Pupier qui a tout fait pour les retrouver. "Nous avons entrepris des recherches avec l’aide d’une amie allemande pour retrouver les traces de cette histoire évoquée dans la lettre. Après diverses recherches, la ferme concernée a été retrouvée, elle était toujours à Hennethal.", explique Gérard Hervier, le mari de Nicole.

Finalement, en 2019, les descendants Pupier se rendent en Allemagne sur invitation de Lothar, petit-fils de Karl Enders. "Cent ans après, nous avons rencontré une famille très à l’écoute de nos propos car personne ne connaissait l’existence de la lettre de Karl que nous leur avions communiquée avant notre visite.", relate Gérard Hervier.

Les descendants des Pupier avaient pu se rendre à la ferme et au terrain des Enders. "Deux jours inoubliables !", selon Gérard Hervier. L'histoire avait ému le village et le maire d'Hennethal l'avait même relatée dans un discours commémoratif en novembre 2019. "Les familles Enders et Pupier peuvent nous donner la force et le courage de nous opposer à la guerre et à la violence à tout moment.", écrivait l'édile dans son discours.

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