ADN, empreintes digitales et reconnaissance faciale : comment Interpol aide les polices du monde entier à résoudre leurs enquêtes

À quoi servent les bases de données ADN d'Interpol ? Quel est le rôle de cette organisation internationale aujourd'hui centenaire ? François-Xavier Laurent, responsable de ces bases de données sensibles, répond.

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"On est là pour fédérer les différents pays et leurs forces de police, pour échanger des données et leur permettre de résoudre des enquêtes criminelles internationales", explique François-Xavier Laurent. Et ce dernier l'assure, "il y a beaucoup d'idées fantasmées sur Interpol, même s'il y a une part de vraie. Mais, on est loin du cinéma". Ce scientifique de formation est le responsable de la base ADN de cette institution internationale prestigieuse. Il a rejoint Interpol voilà quatre ans. Le responsable des bases de données ADN de la police internationale arrive chaque matin à 9h au bureau. Pas de costume, de super flic ou d'agent secret. Quoique... 

Coopération policière

Après avoir passé plusieurs années au sein de la police scientifique, François-Xavier Laurent a presque tout naturellement postulé chez Interpol, dont le siège du secrétariat général se trouve à Lyon depuis 1989. Le trentenaire a ainsi réussi à combiner son goût pour les sciences et sa passion d'enfance pour les polars et autres enquêtes criminelles. Mais à une échelle internationale. Depuis quatre ans, il travaille chez Interpol. Née il y a un siècle, cette organisation tentaculaire compte aujourd'hui 196 pays membres. À quoi sert Interpol ?  "On est là pour fédérer les forces de police, leur permettre d'échanger des données et résoudre des enquêtes criminelles internationales", explique François-Xavier Laurent.

L'organisation apporte un appui aux pays membres dans le cadre de leurs enquêtes, en matière de criminalistique, d’analyse et d’aide à la localisation de fugitifs dans le monde entier.

Nous travaillons pour les pays, nous les assistons dans le cadre d'une affaire nationale qui devient internationale.

François-Xavier Laurent

Responsable des bases de données ADN, Interpol

"Lorsqu'un pays pense qu'un autre pays peut avoir des informations intéressantes pour résoudre une affaire, nous allons être l'interface, les aider à échanger des informations. Grâce à nos bases de données, on va pouvoir comparer ces informations et aiguiller les pays vers la résolution d'affaires", explique le patron des bases de données ADN. 

Pour remplir sa mission, Interpol dispose de 19 bases de données policières. Elles contiennent des informations sur les infractions et les criminels (noms, empreintes digitales, passeports volés, etc.), auxquelles les pays membres peuvent accéder en temps réel. Ces bases de données sont "extrêmement régulées" et leur consultation peut être "restreinte à des tâches très spécifiques".

Données sensibles

Parmi les informations sensibles dont dispose Interpol, les bases de données ADN sont sans doute celles qui intriguent le plus le grand public. Ces données, fournies par les polices des États membres, sont croisées et recoupées par des experts. Un travail de fourmi. 

"À Interpol, nous n'avons pas de laboratoires, mais la possibilité de comparer ces données", résume le responsable. Ce sont les services de police des différents pays qui sont en charge de l'analyse des données biologiques. "Nos bases vont contenir l'ensemble des profils génétiques envoyés par différents pays membres d'Interpol. On peut trouver des correspondances dans le cadre d'enquêtes criminelles, par exemple, ou pour identifier une personne portée disparue ou identifier un corps", explique François-Xavier Laurent.

Les données qu'on nous envoie sont sensibles. Derrière chacune, il y a une affaire criminelle et des victimes potentielles. On doit mettre tout en œuvre pour identifier des pistes d'intérêt pour les enquêteurs et permettre la résolution de ces affaires.

François-Xavier Laurent

Empreintes digitales ou papillaires, profil ADN mais aussi reconnaissance faciale à partir de l'analyse d'une photo ou d'une vidéo, peuvent contribuer à la résolution d’affaires. Ces éléments peuvent relier des individus à des scènes de crime. Mais pas seulement. L'identification des victimes de catastrophes fait aussi partie de la tâche des experts : attentats terroristes mais aussi catastrophes naturelles comme des tremblements de terre, cyclones ou tsunamis.  

En 2004, Interpol avait coordonné l’opération internationale d’IVC après le tsunami qui avait frappé le continent asiatique. Plus de 2000 spécialistes en provenance de 31 pays avaient participé au processus d’identification seulement en Thaïlande. Dans ce pays, 5000 victimes avaient pu être identifiées. 

En 2016, l'organisation internationale de coopération policière avait envoyé une équipe de spécialistes dans le sud de la France pour aider à l'enquête sur l'attentat de Nice. Ils sont généralement envoyés à la demande des autorités du pays touché par des catastrophes majeures.

Même si la biométrie fait peur ou questionne, "elle est absolument essentielle dans la police scientifique. C'est la science qui permet de pouvoir formellement identifier un individu", assure François-Xavier Laurent.

"Identify me"

L'échange d'informations permet aussi de résoudre en partie certains "cold cases" ou disparitions de personne. "Les affaires les plus surprenantes pour nous, c'est lorsqu'on arrive parfois 15 ou 20 ans après la disparition d'une personne, à pouvoir mettre un nom sur un corps et pouvoir apporter des réponses aux familles", explique le responsable.

Nous avons pu identifier une personne originaire de Grande-Bretagne, venue travailler en Belgique. Trente et un ans après la découverte du corps, nous avons pu donner un nom à cette victime.

François-Xavier Laurent

En mai 2023, Interpol a lancé l'opération "Identify me". Il s'agissait de faire la lumière sur 22 affaires, des femmes, présumées victimes de meurtre, retrouvées dans trois pays européens. Des appels au grand public ont été diffusés pour les identifier avec des informations sur le corps, le lieu et la date à laquelle il a été retrouvé. L’initiative a permis de recueillir plus de 500 messages et renseignements de la part du grand public en quelques mois. Ces appels ont permis d'identifier une femme. Son tatouage représentant une rose a permis d'éclaircir l'affaire.

Sécurité mondiale

Si Interpol intervient dans le domaine du terrorisme, de la cybercriminalité, de la criminalité organisée, ou encore de la criminalité financière, l'organisation ne sera pas absente des JO de 2024. Dans ce cadre-là aussi, elle met à la disposition du pays, des "task forces", autrement dit des cellules de crise. Dans le cadre d'événements importants, il s'agit d'être présent en "support", "si quelque chose se produisait". Une question de prévention, mais aussi de réactivité pour les différentes polices. L'organisation aide notamment à la formation des polices, au contrôle des identités, donner accès par exemple aux bases de données concernant des passeports volés. 

La menace est constante, il faut avoir des forces de police nationales et internationales, pour pouvoir prévenir les risques. Et c'est le rôle d'Interpol de rendre le monde plus sûr, en prédisant ce qui pourrait arriver dans le futur.

François-Xavier Laurent

"On va s'intéresser à toute la criminalité possible au niveau international : crimes, meurtres, recherches d'identification de cadavre, mais aussi des affaires de terrorisme. On va s'intéresser du plus petit vol aux affaires les plus graves".

Le saviez-vous ? Interpol a fêté son centième anniversaire en 2023. L'organisation recrute aussi, notamment via son site internet. L'institution internationale recherche des experts en analyse criminelle ou policière. Elle est aussi à la recherche de profils très variés, "comme dans toute entreprise". 

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