La cour d'appel de Lyon avait mis sa décision en délibéré lors de l'audience du 24 février dernier au 24 mars. Elle vient de rejeter la demande des autorités judiciaires italiennes de lui remettre le militant altermondialiste Vincenzo Vecchi. Ce dernier avait été condamné pour violences, après le sommet du G8 de Gênes en 2001.
"La cour d'appel de Lyon déclare que le mandat d'arrêt européen à l'encontre de Vincenzo Vecchi n'est pas applicable et refuse de le remettre à l'Italie", a indiqué ce matin le comité de soutien de Vincenzo Vecchi dans un communiqué. Le militant altermondialiste italien et ses amis viennent d'obtenir une nouvelle fois gain de cause devant une cour d'appel. C'est la troisième fois. Après Rennes et Angers, c'est à présent au tour de Lyon de rejeter la demande d'extradition formulée par l'Italie concernant Vincenzo Vecchi.
"À Lyon, le bon sens démocratique et l'esprit des lois l'ont donc emporté", s'est félicité son comité de soutien qui dénonce "un acharnement judiciaire et politique" contre le militant. L'audience a eu lieu le 24 février dernier. Vincenzo Vecchi a comparu libre. Les soutiens du quinquagénaire, qui vit depuis une dizaine d'années en Bretagne, étaient venus en nombre dans la capitale des Gaules pour y assister.
Motivation de la cour d'appel de Lyon
C'est une audience très technique qui s'est déroulée à Lyon dans l'affaire Vecchi. Faut-il appliquer le mandat d'arrêt européen émis à l'encontre de Vincenzo Vecchi par l'Italie ? La justice française a tranché. Dans sa décision, la chambre de l'instruction de la cour d'appel a mis en avant la "situation personnelle" de l'activiste pour motiver sa décision : la demande de l'Italie de récupérer le militant altermondialiste est rejetée.
Dans leurs plaidoiries lors de l'audience du 24 février, Me Catherine Glon et Me Maxime Tessier, ses deux avocats, avaient notamment longuement insisté sur cet aspect. Ils avaient mis en avant l'insertion professionnelle, sociale et familiale de Vincenzo Vecchi, de même que son "enracinement" à Rochefort-en-Terre. "Il est charpentier, salarié et associé dans une coopérative", avaient-ils rappelé. C'est dans ce village de Rochefort-en-Terre que Vecchi s'était réfugié après sa condamnation par la justice italienne. Il avait été interpellé en août 2019, à quelques kilomètres de son domicile, dans le cadre d' un mandat d'arrêt européen émis en juin 2016.
Les deux avocats avaient également pointé du doigt des peines "disproportionnées". Vincenzo Vecchi a été jugé et condamné en Italie pour des faits de violence lors des manifestations anti-G8 organisées à Gênes en juillet 2001. La peine de 12 ans et demi de prison initialement prononcée a été ramenée à 10 ans par le parquet italien. Vincenzo Vecchi a été définitivement condamné en 2012 en Italie notamment pour complicité de dévastation et pillage.
C'est un immense soulagement, une immense joie. La justice est passée pour la troisième fois. Nous souhaitons qu'il reste définitivement libre, et qu'il n'y aura pas de pourvoi en cassation.
Me Maxime Tessieravocat de Vincenzo Vecchi
Il "réside depuis 13 ans en France", "y a fondé une famille depuis plusieurs années", "il est bien inséré socialement" et il "dispose d'un emploi de menuisier", dans une coopérative du Morbihan qui fabrique des maisons à ossature bois. Cette "situation personnelle rapportée d'une part à l'ancienneté des faits" remontant à juillet 2001 "et d'autre part à une gravité concrète de l'infraction de dévastation et pillage objectivement modérée le concernant, les seuls éléments factuels" lui étant "imputés personnellement étant l'endommagement des locaux d'une banque et l'incendie" d'une voiture "conduit à considérer" que remettre Vincenzo Vecchi à l'Italie relèverait d'une "atteinte disproportionnée au droit et au respect de (sa) vie privée et familiale".
Deux précédents rejets
En 2019 déjà, la cour d'appel de Rennes, avaient déjà rejeté la demande italienne d'extradition. Le parquet général avait alors fait appel. L'affaire avait été renvoyée devant une deuxième cour d'appel, celle d'Angers.
En novembre 2020, la cour d'appel d'Angers avait à son tour rejeté la demande des autorités italiennes. Dans son arrêt, elle avait notamment justifié sa décision par le fait que l'incrimination de "dévastation et pillage", créée sous Mussolini, n'avait pas d'équivalence en France. Cette incrimination permet de sanctionner la simple présence à une manifestation considérée comme insurrectionnelle, au nom de la notion de "concours moral". Vincenzo Vecchi se trouvait simplement "à proximité" des lieux, "une notion aux contours flous" qui ne saurait "à elle seule constituer un élément constitutif de la complicité" et sans équivalent en droit pénal français, avait estimé la cour d'appel d'Angers. Le parquet général avait fait appel de la décision de la cour d'appel d'Angers.
Après ce nouvel appel du parquet général, la Cour de cassation avait pris avis auprès de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). Celle-ci, en mars 2022, avait indiqué qu'il n'était pas exigé de "correspondance parfaite" et que la France ne pouvait pas s'opposer à l'extradition. La Cour de cassation avait alors renvoyé l'affaire à la cour d'appel de Lyon.
L'incrimination de "dévastation et pillage" concentre depuis le début les critiques des soutiens de Vincenzo Vecchi. Mais ce n'est pas sur ce point, et notamment celui de "la double incrimination" que la justice lyonnaise s'est basée pour rejeter la demande des autorités italiennes. Elle a en effet estimé que la "condition de double incrimination" était "satisfaite" pour une partie des faits visés.
Quelles suites ?
A Lyon, le représentant du Ministère public a réclamé la remise du militant à son pays, s'appuyant sur cet avis de la Cour de justice européenne et sur "la primauté du droit communautaire". Après ce nouveau rejet, le parquet général a trois jours pour faire appel de la décision de la cour d'appel de Lyon.
"Nous demandons solennellement au Ministère public de ne pas se pourvoir en cassation, de mettre ainsi fin, de manière élégante et digne, à cette délirante affaire et de permettre ainsi à Vincenzo Vecchi de retrouver une vie paisible dans le Morbihan. Trois ans et huit mois d'acharnement judiciaire, ça suffit" , a conclu le comité de soutien de Vincenzo Vecchi.
Une demande qui fait échos aux paroles d'Eva Joly, l'ancienne magistrate présente à Lyon le 23 février dernier lors d'une conférence de presse : "c'est une situation absurde" que les deux procureurs généraux auraient pu régler de manière "élégante", en ne faisant pas appel. "C'était réglé !" L'ancienne juge d'instruction avait appelé la cour d'appel de Lyon à "résister" et "à dire que Vincenzo Vecchi ne doit pas être livré".