ANALYSE. Violences lors des manifestations contre la réforme des retraites : "la logique d'action" des Black blocs

Depuis le mois de janvier, les manifestations s'enchaînent. La réforme des retraites voulue par le gouvernement rassemble de nombreuses personnes dans les rues du pays. Jusqu'à présent, elles se déroulaient dans le calme. Mais la tension semble monter.

Des projectiles lancés, des incendies dans les rues, des tirs de gaz lacrymogène. Les manifestations contre la réforme des retraites prennent une tournure différente ces derniers temps.

19 janvier 2023, première journée de manifestations contre la réforme. Selon le ministère de l'Intérieur, elle reste la plus forte mobilisation de ces trente dernières années. Elle regroupe entre 1,12 million de manifestants, selon les autorités, et deux millions selon les syndicats. Des manifestations se déroulent sur tout le territoire, sans incident majeur.

Mais au fil des rendez-vous, la tension se crispe. Minoritaire, la violence lors des manifestations n’en est pas moins spectaculaire. Que ce soit à Paris ou à Lyon, la manifestation du 7 mars a été émaillée de nombreux incidents.

Pourquoi cette violence ?

Le mardi 7 mars 2023, plusieurs incidents sont rapportés. Des abris-bus vandalisés, du mobilier urbain brûlé, des vitrines de banques cassées … Des canons à eau répondent aux jets de projectiles. Des scènes qui peuvent questionner, voire dissuader certains manifestants. Les rendez-vous se suivent et commencent à se ressembler. Depuis peu, des groupes de casseurs se faufilent dans les cortèges. Leur objectif : provoquer la police et faire réagir.

Je trouve ça dommage toute cette violence, ça décrédibilise nos actions. C'est contre-productif. Du coup, on fait attention à tous ces individus.

Une manifestante dans les rues de Lyon, le 11 mars 2023

Nous avons tenté de comprendre ces mouvements de violence, à commencer par les black blocs. Des groupes, qui selon le ministère de l'Intérieur, sont des groupes éphémères, dont l'objectif est de commettre des actions illégales, en formant une foule anonyme non identifiable.

Pour Sébastian Roché, directeur de recherche au C.N.R.S., ces groupes ont des logiques d'action. La manifestation sert de prétexte pour faire passer un message politique, souvent anarchiste. 

Ils se rassemblent en tête de cortège et vont aller chercher l'affrontement avec la police pour montrer le caractère répressif de l'Etat. Ils vont frapper des cibles symboliques et quand la police agit, ils se dispersent. Ce mode d'action est bien rodé.

Sébastian Roché, directeur de recherche au CNRS, spécialiste de la police

Des violences réprimées

La police l'affirme : elle est là pour permettre "le droit à manifester, la liberté d'expression".

L'organisation d'une manifestation se discute en amont avec les différents services et évolue en fonction de l'ambiance sur le terrain. Les policiers sont en contact permanent avec les organisateurs, mais les dérapages sont imprévisibles. Souvent l'œuvre de quelques individus venus "pour en découdre". 

Les violences de certains "ultras" peuvent dissuader des manifestants. Celles de la police aussi. Des images du 7 et 11 mars montrant des charges de C.R.S. à Paris sont impressionnantes. On y voit des policiers frapper à coup de matraques des manifestants pourtant à terre.

Lors des récentes manifestations à Lyon, le climat s'est tendu, mais pas à ce point. Pourtant, les forces de l'ordre l'admettent : "il y a des groupes violents plus actifs ces dernières semaines qui perturbent les manifestations".

Lorsque certains désordres deviennent trop importants, lorsqu'il y a des dégradations ou des risques pour les personnes, on décide d'agir. Parfois fermement si c'est nécessaire.

Nelson Bouard, directeur départemental de la sécurité publique dans le Rhône

Pour notre directeur de recherche, le maintien de l'ordre pendant les manifestations a évolué au fil des années : "depuis deux siècles, la police a renoncé aux formes violentes du maintien de l'ordre. L'arme principale des policiers, ce n'est plus le fusil".

Les organisations syndicales ne sont pas solidaires de ces mouvements violents. Elles appellent bien souvent au calme. Car pour tous, une manifestation réussie c'est "de montrer sa force, mais de ne pas l'utiliser".

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