Largement évoqué chez l'adulte, l'apnée du sommeil touche également les enfants. Particulièrement néfaste pour leur développement, les spécialistes appellent à un dépistage précoce. La Maisonnée à Francheville, spécialisée en soins pédiatriques et l'Hôpital Femme Mère Enfant à Bron établissent des diagnostics.
Les enfants sont les victimes méconnues de l'apnée du sommeil. Sa prévalence pédiatrique ressort entre 2 et 5% dans la plupart des études, parfois davantage.
Le 18 mars dernier, a eu lieu la 22e Journée nationale du sommeil. Selon les données de l'Inserm, le pourcentage passe à 8% pour les 20-44 ans, et davantage pour les plus âgés.
Cependant l'association albigeoise, Ideas, qui promeut la prise en charge des jeunes patients, estime que l'apnée du sommeil concerne au moins un enfant sur 20, soit une proportion 100 fois supérieure à celle des maladies dites rares.
Traquer le ronflement nocturne
Le ronflement nocturne est un signe clinique d'un éventuel syndrome obstructif du sommeil. Néanmoins, il n'est pas suffisamment pris en compte selon les spécialistes. Une récente enquête de l'institut OpinionWay, réalisée auprès d'un millier de parents, a mis en évidence une population de 6% d'enfants ronfleurs.
"Souvent j'entends dire, "tiens, il ronfle comme son grand-père". Non, un enfant qui ronfle, ce n'est pas normal", assure Patricia Franco, responsable de l'unité de sommeil pédiatrique à l'Hôpital Femme Mère Enfant (HFME) de Bron, près de Lyon.
Des gênes ponctuelles, comme un nez bouché sont possibles. "Mais si l'enfant ronfle toutes les nuits, de façon prolongée et intense, il faut penser aux apnées du sommeil", insiste la docteure, pour qui "ce message ne passe pas assez dans les familles".
Pathologie dommageable pour le potentiel des enfants
André Stagnara, cadre de rééducation à La Maisonnée, établissement de soins de suite pédiatrique situé à Francheville (Rhône) souligne combien cette apnée est dommageable.
Preuve à l'appui, il diffuse l'enregistrement nocturne d'un enfant de 4 ans : l'air entrant avec difficulté dans les poumons se fait entendre. Puis le son diminue et la respiration s'arrête une vingtaine de secondes. Le phénomène se reproduit plusieurs fois par heure.
"Il fait ça toute la nuit. Or, c'est lors du sommeil paradoxal (rêve) que l'on enregistre les apprentissages de la journée: les micro-éveils associés à des baisses d'oxygénation vont altérer le développement psychomoteur de l'enfant", résume le praticien.
"On n'imagine pas le potentiel perdu. Pour bien apprendre à tenir sa cuillère, articuler, faire ses lacets, lire, écrire, etc., il faut un sommeil de qualité, pour que le cerveau puisse faire son travail de tri et d'archivage", abonde la Dr Ellaffi. Et "pour bien dormir, il faut bien respirer."
D'autres éléments peuvent alerter les parents, outre le ronflement, les nuits agitées, un réveil difficile, des yeux cernés, un teint pâle, de la fatigue en la journée, un déficit d'attention à l'école, une hyperactivité ou une forme d'irascibilité sont autant de signes du trouble chez l'enfant. Les parents ne doivent pas hésiter à consulter.
Délai de diagnostic
Gouttes dans le nez ou traitement anti-allergique, ablation des amygdales ou des végétations hypertrophiées, kinésithérapie oro-maxillo-faciale pour repositionner la langue, chirurgie de la cloison nasale ou orthodontie, appareil respiratoire "à pression positive continue"... Les réponses aux apnées du sommeil, plus ou moins lourdes, varient selon les cas.
Encore faut-il avoir accès au diagnostic. Deux unités de sommeil des enfants, chacune dotées de trois lits d'enregistrement, existent en France. L'une se trouve à Paris (hôpital Robert-Debré) et l'autre à Bron (HFME), où le temps d'attente avant de pouvoir être diagnostiqué atteint facilement un an.
Depuis 2019, Patricia Franco travaille à la création d'un réseau de soins régional pour mieux répondre à la demande.
Un diplôme interuniversitaire existe depuis 2011, 20 lauréats par an sont formés au sommeil notamment en pédiatrie. Les spécialistes restent encore peu nombreux.
Pour André Stagnara, la solution passe par l'ouverture de lits supplémentaires et le recours à la télésurveillance des enfants appareillés.
La structure de Francheville porte un projet en ce sens, que l'Agence régionale de santé a accepté de financer pour une année d'expérimentation. Insuffisant selon le praticien, "On a trouvé une pneumo-pédiatre, ce qui relève du don du ciel, on ne va pas lui proposer un CDD d'un an !"