Avec le programme "Premières heures en chantier", des associations proposent à des personnes sans-domicile fixe de travailler quelques heures par semaine pour les aider à sortir de la rue.
Au-delà de retourner vers l'emploi, les objectifs sont multiples : trouver un logement, se réintégrer socialement ou encore entamer des parcours de santé.
"C’est bien. C’est un système adapté aux gens comme moi... sans ça je n’aurais pas de travail." Depuis 20 ans, Michaël est sans domicile fixe. À 43 ans, il traîne derrière lui une longue vie d'instabilité. Il a enchaîné les petits boulots, a connu des addictions et dort où il peut. Parfois chez des amis, parfois dans les haltes de nuit, et souvent dans la rue.
Depuis l'été 2023, il a intégré le programme "Premières heures en chantier" dans un atelier de réinsertion à Bron. Ici, il démantèle du bois, crée des petits meubles, s'occupe d'espaces verts ou encore trie des livres. "Je reviens à mes premières amours" sourit-il, lui qui est menuisier de formation.
Si cela peut aboutir à un emploi via les chantiers d’insertion, c’est top, mais ce n'est pas tout. L’idée, c’est surtout de resocialiser, de s’occuper, d’avoir un lieu où on est ensemble, où on prend soin les uns des autres.
David de San Nicolas SabaEducateur du dispositif "Premières heures en chantier"
Un premier pas vers l'emploi et un logement
Ce jour-là, ils sont 5 à s'affairer dans l'atelier géré par l'Armée du Salut. David de San Nicolas Saba les encadre. "C'est un premier pas vers les ateliers de réinsertion plus "classiques" mais le retour à l'emploi n'est pas le seul objectif, nous explique-t-il. ''
"Avec ce boulot, j'espère avoir un logement", nous explique Alvaro, 3 ans de rue derrière lui. "Voilà huit mois que je suis ici. Ça me plaît, comme je ne peux pas avoir d’autre travail, je fais ça et j’aime bien", poursuit-il.
L'un des enjeux majeurs est de les aider à retrouver un logement, c'est la condition pour espérer intégrer d'autres dispositifs de retour vers l'emploi plus "classique", qui les aideront à trouver un travail stable à terme.
En travaillant dans cet atelier, les bénéficiaires touchent un salaire et ont, donc, le précieux sésame que représente une fiche de paye, et ainsi accéder à un logement devient plus envisageable.
Retrouver un médecin traitant ou soigner ses addictions
Les bénéficiaires sont également accompagnés sur d'autres aspects. Chacun à ses propres maux. "L’idée, c'est aussi de créer du lien. On les accompagne pour faire leurs papiers d'identité, des bilans de santé, ou encore trouver un médecin traitant. On est aussi là s'il y a des problématiques d’addiction", poursuit-il.
Tous ces petits gestes sont des pas de plus vers la sortie de la rue et ses problématiques. "Ici, on n'est pas tenus au chiffre, on peut se remettre dans le bain petit à petit", nous explique Michaël. "Quand on est occupé manuellement, on réfléchit moins. Moi, cela m'aide beaucoup à renouer du lien avec les gens par exemple", poursuit-il
Démarrage en douceur
Afin d'aller au rythme qui correspond le mieux à chacun, le programme a été pensé pour aller crescendo dans l'accompagnement "Quand on est dans la rue, envisager 35h de travail, c'est presque impossible" explique Claire Déverine, la coordinatrice de Convergence Lyon, l'association qui chapeaute le programme "Premières heures en chantier" au sein de différents ateliers d'insertion. "On leur propose donc d'abord un contrat de 4 heures de travail par semaine, et cela peut aller jusqu'à 20 heures au fil de l'accompagnement".
"Avec ces 4h par semaine, on touche un public plus “invisible”, poursuit-elle. "Ce sont des personnes qui peuvent ne pas avoir de document d’identité ou de numéro de sécurité sociale. Or sans ces pièces administratives, c'est presque impossible de trouver un logement stable et donc d'intégrer un parcours plus classique d'intégration par le travail."
Depuis le lancement fin 2020 du programme, Convergence Lyon commence à voir son action porter ses fruits.
En proposant un autre programme plus "classique" de réinsertion par l'emploi, Convergence Lyon propose également de continuer à suivre ses bénéficiaires jusqu'à l'obtention d'un contrat de travail.
Des résultats encourageants
"Au départ, nous avions un atelier avec l'association Notre-Dame des sans-abri, aujourd'hui, ils sont 4 à proposer le programme Premières heures en chantier", poursuit Claire Dévérine. "Nous avons ainsi accompagné environ 150 personnes et nous espérons en prendre en charge 60 à 70 par an".
Chiffre l'appui, les résultats de Convergence Lyon sont très encourageants : 30% des bénéficiaires ont aujourd'hui un médecin traitant contre 4% à l'entrée dans le parcours et aucun n'est retourné à la rue. Enfin, 2 bénéficiaires sur 5 ont trouvé un logement stable durant leur parcours.
Même si ce dernier chiffre peut paraître faible, les accompagnants tiennent à nuancer. "Parfois, on s'aperçoit que ce n'est pas le bon moment pour un bénéficiaire de se réintégrer dans la société par l'emploi. Les raisons peuvent être multiples.", explique David de San Nicolas Saba. "Mais ce n'est pas un échec en soi, vu qu'on a pu l'aider sur d'autres aspects de sa vie" conclut-il.