Qu'on se le dise, le poête-rocker Kent est de retour. Ce mélodiste de talent, auteur de nombreux succès comme "Juste quelqu'un de bien", "Tous les mômes", ou encore "J'aime un pays"... revient avec un album épuré et mélancolique : "Scherzando". L'ancien Starshooter livre sa vision du monde et chante, un peu, dans "Vous êtes formidables"
Scherzando est un très joli terme à double-sens. Il signifie à la fois « vivement, gaiement… » et c’est aussi un mot italien utilisé en musique, qui signifie « en badinant, et que l'on met sur les partitions, pour indiquer qu'un passage doit être exécuté d'une manière badine et légère ». C’est ainsi que le chanteur Kent a décidé d’appeler son tout dernier album, sorti le 16 septembre.
«Ce n’est pas tout à fait le propos du disque qui n’est pas nostalgique, mais plutôt mélancolique », selon l’artiste, qui l’a enregistré dans un petit studio parisien en à peine quelques jours, entouré de talents qu’il apprécie. « Ce disque n’était pas prévu. J’ai écrit les chansons suite à divers confinements –il sourit- et je me suis rendu compte que c’était plus fort que moi. Je pensais en chanson, et ça sortait malgré moi. J’ai proposé ces titres à des musiciens qui ont voulu les faire, comme Marc Haussman au piano et Alice Animal à la guitare. J’ai voulu faire ce disque avec un ton très intime, à trois. Je chante, ils jouent, et on fait ça ensemble.»
Je me suis découvert un réel amour pour Lyon sur le tard
Le premier extrait de ce nouvel opus rend hommage à sa ville de cœur. Dans « Ma ville », il met Lyon à l’honneur. « A chaque fois que je reviens déambuler dans ta presqu’île, chez toi je me sens vraiment bien. Tu es ma ville…» chante celui qui est né à la Croix-Rousse, et qui a connu une première carrière à vif succès, lorsqu’il était le leader des Starshooters, dans les années 70.
La mélodie est épurée. Les paroles sont très poétiques. Le morceau sonne déjà comme un tube. C’est la marque de fabrique de cet artiste complet… Compositeur –il préfère dire mélodiste-, auteur, interprète, romancier, auteur de BD… « Je n’arrivais pas à écrire une chanson sur Lyon car le mot lui-même n’a pas de musicalité. Phonétiquement parlant, ce n’est pas facile à placer dans un refrain. Et puis je ne trouvais pas l’angle, pour ne pas faire une chanson chauvine. Quand on parle de sa ville, de son pays, on a tendance à en rajouter une couche et passer pour ce que l’on est pas » explique Kent. « Je me suis découvert un réel amour pour Lyon sur le tard, après bien des déménagements…» reconnaît-il.
Il est certes natif de la capitale des Gaules, mais Kent a pas mal bougé depuis. « Je me suis retrouvé à Montluel, pendant mes années d’enfance, avant de revenir à Lyon et de faire un peu toutes les banlieues, pour m’installer à la Croix-Rousse. Mais quand j’avais la trentaine, je suis parti sur Paris pour des raisons artistiques. »
Il consacre Lyon, mais en gardant une certaine distance. « Je ne connais pas la fierté des imbéciles nés quelque part. On est tous, malgré nous, des enfants du hasard…» précisent les paroles. Il rend hommage, au passage, à Brassens, qui épinglait jadis « les imbéciles heureux qui sont nés quelque part… ». Kent exprime tout de même fortement son attachement. « J’ai cette ville en moi. Je peux mesurer, quand je prends le train à Paris et que j’arrive à Lyon, que mon pouls est descendu.. »
On s’est peut-être trompé de progrès. Je fais partie de ces gens qui pensent comme ça
Kent exprime régulièrement ses pensées, son regard, sur le monde qui l’entoure. Il le fait notamment sur son site internet sous forme de chroniques écrites. Dans « Scherzando », il évoque notamment l’évolution de l’homme, passé du chasseur-cueilleur au …simple consommateur. Un pamphlet ? « Un pamphlet, c’est plutôt goguenard ou méchant. Là, il y aurait plutôt de la tendresse. J’évoque dans cette chanson la perte de quelque chose que je ressens. On s’est peut-être trompé de progrès. Je fais partie de ces gens qui pensent comme ça. On a toujours dit que le progrès avait raison. On se rend compte, là, en ce début de 21ème siècle, que l’on a peut-être oublié quelque chose en route. »
Kent s’est également offert deux reprises. « Déjà venu chez toi » est une chanson d’Emmanuel Urbanet, extraite de son album solo « Le grand rouquin blanc ». « Parmi ses chansons qui sont plutôt drôles, il y a ce morceau qui est, je trouve, assez terrible. C’est presque une chanson de maniaque. J’ai adoré tout de suite. » Et puis il s’est offert un titre de George Moustaki, qu’il écoutait ado. « Je l’ai découvert quand j’étais môme. J’avais 10 ou 11 ans. A cet âge-là, ça m’amusait de chanter « le métèque ». Et ce morceau intitulé « il est trop tard » ne signifiait rien pour moi. Les paroles me passaient par-dessus la tête » explique-t-il. « Pendant que je dormais, pendant que je rêvais, les aiguilles ont tourné… il est trop tard… (…) passe, passe le temps, il n’y en a plus pour très longtemps » chantait Moustaki. Pendant l’enregistrement de son nouvel album, Kent a entendu à nouveau ces mots à la radio, par hasard. « Je me suis dit : c’est fou ! C’est exactement ce que j’ai envie de dire ! »
Vous avez dit mélancolie ? Sans doute dans le dernier titre de ce nouvel album : Scherzando express. Kent s’offre un grand flash-back. « En fait, elle a déjà vingt ans, cette chanson. Je la chantais sur scène mais je n’ai jamais voulu l’enregistrer avant. Elle est longue, en trois parties, et je n’étais pas satisfait des paroles. Il manquait quelque chose. Et je pense que j’étais trop jeune, à l’époque, pour la chanter. C’est un bilan depuis mon enfance jusqu’à ma vie d’artiste. A 40 balais, cela me semblait un peu prématuré et j’ai attendu le temps qu’il fallait…» commente-t-il.
Scherzando va donner naissance à une tournée, qui passera, entre autres, par le « Café de la danse » à Paris le 7 octobre, et le 15 octobre à Lyon, salle Molière. « Je vais chanter les nouvelles chansons de l’album, et puis d’autres, plus anciennes, à la sauce Scherzando. Il y en aura beaucoup, je pense. Enfin, si le public le veut bien…», s’amuse-t-il. « Je commence déjà à aller chercher des chansons que je n’ai pas jouées depuis longtemps. Et de les retravailler. »
Un vrai retour pour Kent, qui pensait encore récemment interrompre sa carrière de chanteur. « Quand une chose me marque, cela se traduit en vers ou en musique. Après… soit je le garde dans ma tête, soit je le transpose. J’aurais pu me contenter de faire ces chansons chez moi, et de les mettre sur mon disque dur. Point final. Mais ce qui me fait faire un pas de plus, c’est de trouver marrant de faire un disque avec telle ou telle personne. J’ai pensé à Marc à Alice. Je les ai appelés et ils étaient d’accord. Ma maison de disque était d’accord. Et c’est parti. Mais je jure que je pensais que c’était fini », insiste-t-il.
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