"Avec un Bac +5 dans la finance, je suis un Ovni dans le monde agricole !" Marina, agricultrice dans le Rhône

Marina Mille est une jeune agricultrice de Messimy, dans le Rhône. Une trentenaire entre deux univers. Après des études poussées dans le secteur de la finance, cette fille d'éleveur a passé 7 années dans l'orbite de grandes entreprises pharmaceutiques. La trajectoire semblait toute tracée. Au bord du burn-out en 2017, elle jette l'éponge après "la mission de trop". Rattrapée par ses racines, cette "extra-terrestre" raconte aujourd'hui son retour sur "terre".

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C'est une jeune femme mince et tout sourire qui nous accueille chemin du Fromental. Son maquillage est discret, tout comme ses bijoux. Son teint est parfait. On remarque à peine son rouge à lèvres qui s'accorde à merveille avec son pull rose poudré. Un camaïeu délicat. Tout est subtil chez Marina, qui a l'art du détail. Sa seule touche d'excentricité : un bonnet fuschia. Mais quelle importance quand on travaille à la ferme ? "On peut être une agricultrice et être féminine, ce n'est pas incompatible," explique tout sourire la fraîche trentenaire. 

La jeune femme vient tout juste de charger un veau de quelques mois sur la bétaillère. Marina a de la poigne, manie la fourche sans sourciller, conduit le tracteur de main de maître. Si la jeune femme dirige son exploitation en solo, elle l'avoue, son compagnon Rémi, également agriculteur, est d'une aide précieuse. Son exploitation, c'est une quinzaine de vaches allaitantes et des champs où elle cultive des légumes. Le maraîchage, elle a appris. Elle a aussi le projet de se diversifier, de "faire des fleurs coupées", entre autres.

Un ovni dans le monde paysan

On l'a bien compris au premier regard. Marina Mille n'est pas une paysanne comme les autres. Depuis août 2020, elle est à la tête d'une petite exploitation familiale, implantée à Messimy, tout près de Lyon. Cette fille d'agriculteur et éleveur ne se destinait pas à marcher dans les pas de son père, voire se glisser dans ses bottes. Son parcours est même aux antipodes du monde agricole : "J'ai un bac +5 dans la finance, et  jusqu'en 2017, j'étais contrôleur de gestion pour d'importantes entreprises internationales," nous explique-t-elle, amusée. 

Mais c'est la maladie de son père en 2020 et son décès brutal qui ont précipité ce retour à la terre. Un véritable électrochoc. "J'avais un choix à faire. Mais je ne me voyais pas laisser les bêtes partir. Alors j'ai décidé de reprendre l'exploitation !" Elle ne s'en cache pas : s'occuper des animaux lorsque son père était hospitalisé l'a aidée à "tenir bon".

Marina a suffisamment passé son enfance, ses week-ends et ses vacances, à la ferme pour connaître les ficelles du métier. Mais elle est partie avec un handicap : elle n'a pas fait le lycée agricole mais des études supérieures. 

Avec un Bac +5 dans la finance, je suis un Ovni dans le monde agricole. Mais j'étais déjà une extra-terrestre dans le monde de la finance car fille d'agriculteur qui passait ses week-ends et ses vacances à la ferme !

Pourquoi s'être lancée dans le monde de la finance et dans une profession si éloignée de ses racines ? "Quand j'avais 12 ou 14 ans, on voyait dans les films et  les séries, des personnes avec leur petit attaché-case et tailleur faire de la finance, être avocat... des métiers où l'on voyage beaucoup, où l'on parle plusieurs langues et où l'on gagne beaucoup d'argent. Quand on est jeune, on s'imagine que tout ça c'est la réalité. Ce qui n'est pas du tout le cas. Quand j'étais contrôleur de gestion international, je n'ai jamais pris un avion lors de mes missions ! J'ai déchanté. Je pense que cela a été ma plus grosse déception du monde de la finance !" ironise Marina.

Pour s'installer dans de meilleures conditions, Marina retourne à l'école pour passer le BPREABrevet Professionnel option Responsable d'Exploitation Agricole. 

La finance : le miroir aux alouettes 

La question brûle les lèvres : mais pourquoi avoir quitté une vie prometteuse, plus confortable qu'une existence à la ferme et surtout avec des revenus fixes ?

"J'ai été longtemps en intérim ou en CDD dans des entreprises où il y a beaucoup de restructurations. Il n'y avait pas vraiment de postes en CDI à la clef (....) J'ai quitté mon poste en mai 2017 et je me suis reconvertie une première fois : je cherchais quelque chose de plus calme, de plus serein avec moins de pression. Je suis devenue professeur de Yoga," explique Marina. Elle ne s'en cache pas : après 7 ans dans le secteur de la finance, elle a frôlé le burn-out. Alors Marina est partie avec un objectif en tête : reprendre le contrôle de sa vie. 

"Ma dernière mission a été la mission de trop. Sur mon dernier poste, on est passé de 15 à 5 personnes, la charge de travail était assez importante. J'avais trois fois plus de travail." En prime, selon la jeune femme : aucune embauche en contrat indéterminé à la clef et la promesse de voir s'envoler vers une filiale à l'étranger le fruit de mois de travail...

La pression des délais à respecter, toujours travailler dans l'urgence, rester jusqu'à minuit pour rendre les chiffres... pour moi, il n'y avait pas de sens à cette urgence. Je trouvais que la pression que l'on nous imposait n'était pas nécessaire et insensée.

Retour à la terre : "aucun regret"

Avec ce retour à la terre, Marina a pris beaucoup de recul. Elle relativise, les contraintes du monde paysan sont largement plus concrètes : "Nous, quand on a une bête malade, l'urgence est là : on a un quart d'heure, une heure pour intervenir. Là, il y a une réelle urgence, il y a du sens à la pression et au stress," ajoute-t-elle. Et le métier d'agriculteur, personne ne l'ignore, c'est 365 jours par an et une énorme pression.

A-t-elle le sentiment d'avoir troqué une vie de stress au travail pour une profession rude et en proie à un malaise profond depuis des années ? La réponse de Marina est sans appel. Elle ne regrette rien même si elle travaille au moins autant qu'avant. Moins d'argent, peu de temps mais le gain en qualité de vie est inestimable selon la jeune femme. 

"Aujourd'hui, ce qui est différent, c'est que c'est moi qui gère. Je suis plus libre même si avec les bêtes il faut être présent tous les jours. Pas de week-end ou de vacances."

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