Berceau de l'islam de France, la Grande mosquée de Lyon célèbre ses 30 ans

Après dix ans de polémiques et de batailles juridiques, la Grande mosquée de Lyon a été inaugurée le 30 septembre 1994. Un lieu que son recteur souhaite symbole de paix, d'ouverture et de dialogue. En dépit de l'actualité internationale chargée.

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"L'islam de France" est une formule prononcée pour la première fois dans ses murs, le jour de son inauguration. Charles Pasqua est alors ministre de l'Intérieur et des Cultes et déclare dans la salle de prière de la nouvelle Grande mosquée de Lyon, "l'islam est aujourd'hui une réalité française, parce que c'est pour une grande part une religion de Français. Aussi, ne saurait-il plus y avoir un islam en France. Il doit y avoir un islam de France. La République française y est prête." Le Gouvernement français et la mairie de Lyon mettaient alors un terme à plus de dix ans de polémiques et de batailles judiciaires, ainsi qu'à soixante ans d'attente des musulmans lyonnais.

Une première demande de mosquée en 1933

Le prêtre lyonnais Christian Delorme le décrit comme "une grande figure de la communauté musulmane de l'agglomération lyonnaise". En 1927, l'imam Bel Hadj ben Maafi est envoyé dans la capitale des Gaules par la confrérie religieuse musulmane pour être présent auprès des immigrés algériens. Sa mission, lutter contre les discriminations envers ces travailleurs. Dès lors, il cherche à obtenir l'ouverture d'une mosquée à Lyon. Une demande qui reçoit un accueil favorable du maire de Lyon et du Préfet, mais rejetée par le ministère de l'Intérieur.

"Il y a vraiment des relations avec les musulmans qui sont très anciennes et il faut pouvoir continuer" rappelle Kamel Kabtane, recteur de la Grande mosquée de Lyon. La première figure musulmane à venir à Lyon est l'émir Abd El Kader en 1852, "arrivé le jour de la pose de la Vierge Marie" sur la basilique de Fourvière et pour la première Fête des lumières. "Depuis, il y a eu des musulmans pour défendre la France lors des deux guerres mondiales. Ils ont aussi été là pour reconstruire le pays" rappelle aussi Kamel Kabtane, qui se souvient que la pose de la première pierre de la Grande mosquée a été un long combat.

10 ans de polémiques et de batailles judiciaires

Dans les années 70, les musulmans trouvent du soutien du côté de la communauté catholique. "Le cardinal Renard a développé un dialogue interreligieux, se remémore Kamel Kabtane. L'Église nous a mis des salles à disposition pour prier."

En 1979, le cardinal défend la création d'une mosquée lyonnaise. Les présidents de la République Valéry Giscard d'Estaing et François Mitterrand le suivent. Un terrain est cédé par le conseil municipal pour un franc symbolique. Mais les habitants du quartier où doit s'ériger le minaret s'inquiètent. Les procédures judiciaires s'enchaînent pendant dix ans. L'extrême droite lyonnaise, avec Bruno Gollnisch, réunit trois à quatre mille manifestants dans les rues de Lyon avec Jean-Marie Le Pen.

Malgré ces coups de pression, le maire d'alors Michel Noir estime que la situation a trop duré. Il déclare à la télévision, en 1989, qu'il signera le permis de construire. Considéré comme le grand artisan de la mosquée par Kamel Kabtane, il estime lors de l'inauguration que "le chrétien que je suis sait que la foi qui n'agit pas est une foi morte". L'édile sait aussi que l'image de Lyon est aussi menacée. Selon un article du Monde de 1989, la capitale des Gaules a des ambitions internationales et se ridiculise dans cette polémique alors que "Rome, Genève ou Milan accueillent des minarets".

Un lieu de dialogue

Lors de l'inauguration en 1994, Charles Pasqua exprimait ainsi l'intégration de l'islam dans la République. "La République ne se résume pas toute entière dans la laïcité ou plutôt la laïcité n'est pas l'indifférence", avant de poursuivre, "il va de soi que si des influences contraires à nos traditions, nos valeurs, notre conception des droits de l'homme et de la femme venaient à se développer au sein de votre communauté, alors ce serait un risque majeur pour la communauté musulmane, mais aussi pour la cohésion nationale dans son ensemble, et cela, nous ne saurions ni l'accepter, ni même le laisser s'installer petit à petit."

30 ans après, Kamel Kabtane constate que ce lieu a permis de "démystifier le rôle que pouvait jouer une mosquée". Le recteur le conçoit comme un lieu d'échange, de paix, de dialogue et de connaissance. C'est aussi le rôle de l'Institut Français du Culte Musulman, créé avec le soutien de l'Etat et des collectivités, ouvert il y a cinq ans à côté de la Grande mosquée.

Un message fortement porté par le recteur dans le contexte géopolitique actuel. "C'est une situation grave qui se passe dans le monde et nous, en tant que citoyens de ce pays, aussi pour les frères juifs que les musulmans, nous devons nous sentir plus proches les uns des autres pour maintenir cette stabilité, cette paix qui existe dans notre pays."

Mais aujourd'hui les relations entre les religions à Lyon sont au point mort. Début 2023, le Grand rabbin a en effet quitter le groupe interconfessionnel Concorde et solidarité, où siègent la ville de Lyon et le recteur de la Grande mosquée, suite à l'invitation de l'avocat Salah Hamouri pour une conférence sur les accords d'Oslo et la situation dans les territoires palestiniens.

"J'ai toujours espoir que cette structure puisse renaître car c'est une nécessité" confie Kamel Kabtane.

Le recteur a exprimé ses vœux aux responsables juifs pour la fête de Roch Hachana et les invite à commémorer les trente ans de la Grande mosquée de Lyon ce lundi 30 septembre. Et continuer à faire de ce lieu un symbole du vivre-ensemble.

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