Après 43 ans d’existence, une galerie historique de Lyon ferme ses portes. Exclusivement consacré à la photographie contemporaine, Le Réverbère qui a ouvert ses portes en 1981 sur les pentes de la Croix-Rousse était un pilier culturel de la capitale des Gaules.
"Le modèle économique d’une galerie de notre taille, sans soutien financier public ou privé, n’est plus viable". En juin dernier, Catherine Dérioz et Jacques Damez, les deux fondateurs de la galerie Le Réverbère, ont annoncé sa fermeture définitive pour la fin de l’année 2024.
Une galerie en province : "un pari fou"
"Ouvrir, hors Paris, en 1981, une galerie indépendante consacrée uniquement à la photographie contemporaine dans tous ses « états » et la garder ouverte pendant quatre décennies étaient un pari fou, mais gagné !", ont écrit les deux galeristes.
Ouverte rue Burdeau, dans le 1ᵉʳ arrondissement, Le Réverbère a permis à la ville de Lyon de prendre une place importante sur le marché international de la photographie. De nombreux photographes de renom ont exposé leurs images aux cimaises de la galerie. Les artistes étaient diffusés par la galerie, en France et en Europe.
"On a cherché des photographes qui ont des écritures très particulières et qui nous montrent que la photographie n'est pas simplement une imagerie du réel, mais une écriture de ce réel", explique Jacques Damez. Le Réverbère a notamment exposé de grands noms comme William Klein, Marc Riboud ou encore Arièle Bonzon.
"L'époque a changé"
Mais après 43 ans d'engagement, le duo est à bout de souffle. La petite galerie indépendante fait les frais des mutations du marché de l’art, au cours de la dernière décennie. La galerie a souffert d'une "financiarisation" du marché et d'un manque de financements lors des expositions hors-les-murs. Les deux galeristes pointent également du doigt un marché "concentré dans les mains d’un certain goût international qui ne permet plus la même liberté d’action et de choix".
L'époque a changé, le marché s'est transformé pour nous de façon décevante. Il est allé vers beaucoup de consommation spéculative, décorative. Nous ne sommes pas du tout dans cette tendance. La photographie a gagné ses lettres de noblesse, mais elle s'est faite aussi avaler par le milieu de l'art contemporain.
Catherine DériozCo-fondatrice de la galerie Le Réverbère
Facteur aggravant, la petite galerie indépendante, malgré sa renommée, n'a pas vraiment été soutenue financièrement. La galerie était confrontée depuis quelques années à des difficultés financières. Impossible pour l'association de perdurer. Le Covid n'a rien arrangé. "Pourtant, en 2023, nous étions soulagés d'avoir retrouvé notre chiffre d’affaires d’avant 2020 concernant la vente des œuvres. Mais les charges ont beaucoup augmenté et l’impérialisme des foires nous piège", ont ajouté Catherine Dérioz et Jacques Damez dans leur communiqué de juin dernier.
Malgré le soutien des collectionneurs privés, la galerie n'a pas résisté. Si la fermeture du Réverbère a créé un électrochoc dans le monde culturel, "c'est parce qu'il y a de moins en moins de galeries spécialisées en photographie contemporaine", explique Catherine Dérioz. "On est révélateur d'une période. Ce n'est pas juste notre histoire. Ça dit des choses sur le devenir de la photographie et de notre métier", ajoute la galeriste.
Exposition collective finale
L'ultime exposition de la galerie se prépare. Les sentiments des deux co-fondateurs sont partagés. "On sait que c'est la dernière, mais on n'a pas vraiment ressenti et compris ce que ça allait être. On ressent un mélange de tristesse, d'impatience et d'irréalité", explique Catherine Dérioz. "Pour moi, c'est encore irréel. Ça fait 35 ans que je vis dans ce lieu-là, plus que chez moi. J'ai toujours détesté les décrochages, celui-là sera particulièrement douloureux", assure-t-elle.
J'espère qu'on va laisser un grand amour de la photographie. La photographie n'est pas simplement un selfie. C'est un vrai enjeu. Quand on est photographe, on ne fait pas qu'imager le monde, on a une responsabilité. On dit quelque chose du monde
Jacques DamezCo-fondateur de la galerie Le Réverbère
Pour boucler ces quatre décennies d'activité artistiques, une exposition finale est organisée. Elle se déroulera du 21 septembre au 28 décembre. Intitulée "Histoire(s) sans fin", c'est un hommage à l’histoire de la galerie et à ses artistes. L'exposition présentera un choix d’œuvres emblématiques, rares, iconiques ou uniques de 20 photographes emblématiques du Réverbère. Pour cette ultime exposition, les deux galeristes ont réalisé un accrochage très personnel. L'exposition présente notamment les autoportraits de Jacques Damez. Son premier à 15 ans et son dernier, capturé il y a un an. Si la galerie ferme ses portes le 28 décembre, ces photos, intemporelles, continueront à vivre bien au-delà de ses murs.