Après la confirmation de trois cas positifs au coronavirus chinois en France, les premiers en Europe, les autorités sanitaires doivent prendre le virus de vitesse la propagation d'une épidémie. Est-on préparé à repérer, accueillir et isoler les malades à Lyon? Réponse du Professeur Bruno Lina.
Apparu en Chine, dans la ville de Wuhan, le coronavirus vient de faire son apparition sur le sol européen. Trois cas positifs ont été détectés en France ces dernières heures. Ce sont les premiers malades atteints par le virus repérés en Europe. Deux patients sont hospitalisés à Paris, à l'hôpital Bichat. Un patient est pris en chage à Bordeaux, au CHU Pellegrin. Ces trois personnes font l'objet de "mesures d'isolement" pour éviter la contagion.
"Il faut traiter une épidémie comme on traite un incendie", c'est-à-dire la "circonscrire le plus vite possible", a expliqué le ministre de la santé vendredi soir, Agnès Buzyn.
Comment est-on préparé à Lyon pour accueillir et isoler des personnes qui auraient été contaminées? Ce samedi matin, Bruno Lina, virologue et membre du Centre International de Recherche en Infectiologie, basé à Lyon, est revenu sur le dispositif.
Les autorités sanitaires martèlent depuis le début de la crise que les personnes qui pensent être infectées par le coronavirus chinois ne doivent pas se rendre chez leur médecin traitant ni aux urgences, pour éviter toute potentielle contamination, mais rester chez elle et appeler le 15 (Samu), "en faisant état des symptômes et du séjour récent en Chine".
Le Professeur Lina a d'emblée rappellé que sur Lyon, "la vigilance est organisée de la même manière qu'elle est organisée partout en France". Ainsi, "le Centre 15 est au courant de l'ensemble de la procédure". Il ajoute : "sur l'hôpital de la Croix-Rousse, l'ensemble des infectiologues font partie de la veille d'astreinte et sont sollicités quand un cas suspect est identifié."
Quelle procédure si un cas suspect était détecté à Lyon ?
Si un cas suspect était détecté à Lyon, le patient "serait hospitalisé, transporté par le Centre 15 ou le Samu s'il se trouve chez un généraliste, ou récupéré aux urgences et conduit en chambre d'isolement dans le service des maladies infectieuses de l'hôpital de la Croix-Rousse". Toutes les investigations seraient ensuite lancées pour vérifier que l'on se trouve bien face à un cas avéré. "On a les outils pour le diagnostic, on est capable de faire de la détection (du virus) assez rapide, en quelques heures," explique Bruno Lina.
C'est le Centre national de référence de l'institut Pasteur (basé à Paris et Lyon) qui vérifie si le patient est positif ou négatif, grâce à un test mis au point après le séquençage du virus par les Chinois. L'enquête épidémiologique consiste également à identifier les personnes ayant été en "contact étroit" avec les malades. Pour l'heure, aucun cas n'a été signalé à Lyon.
L'hôpital de la Croix-Rousse doté de "chambres en dépression"
Quelles mesures d'isolement seraient mises en place pour empêcher toute propagation du virus ? "Le service des maladies infectieuses de la Croix-Rousse possède deux chambres en isolement, qui sont des chambres en dépression," explique le professeur Lina. Il précise : "ça veut dire que rien ne sort de ces chambres," contrairement à une chambre classique.Mais que faire si le nombre de malades est supérieur à deux ? En cas d'afflux de malades, Bruno Lina explique que l'hôpital est en capacité de s'organiser, "de fermer une aile de ce service et d'avoir 12 à 14 chambres qui pourraient être en isolement, pas forcément en dépression." Et en cas de besoins supérieurs, "on doublerait les lits dans la structure.". Le Professeur Lina indique qu'il est ainsi possible "d'absorber jusqu'à 20 patients à Lyon".
Enfin, le Professeur Lina rappelle qu'il y a d'autres hôpitaux dans la région qui sont des "ressources". Ce sont des "hôpitaux santé dits de référence". "En cas d'afflux massif de patients, ils seraient distribués dans les différents hôpitaux," précise le virologue.
Prise en charge des patients, des reflexes réactivés
Concernant la prise en charge des patients et le diagnostic, Bruno Lina se veut rassurant, revenant sur la longue expérience des services de santé français."On ne fait jamais que répéter des choses qu'on a déjà fait : on réactive le plan Ebola, on réactive le plan Sras (syndrome respiratoire aigu sévère), on réactive le plan Mers(syndrome respiratoire du Moyen-Orient), on réactive des aspects du plan pandémique ... tout ceci, c'est pratiquement des fiches réflexes" dans la prise en charge des patients.
Ce 25 janvier, le bilan faisait état de 1300 cas, dont 41 mortels, en Chine, d'où l'épidémie est partie. Aucun patient n'est mort hors de Chine. Baptisé 2019-nCoV, ce nouveau virus appartient à la vaste famille des coronavirus. Il n'existe pas de médicament contre ce virus. La période d'incubation (entre l'infection et l'apparition de symptômes) est estimée à deux semaines maximum. La prise en charge consiste à traiter les symptômes. Par ailleurs, les autorités insistent sur l'importance des "mesures barrières" (lavage de mains, etc.) pour éviter d'éventuelles contaminations, comme pour la grippe.