Le Professeur Olivier Claris, Président de la Commission Médicale des Hospices Civils de Lyon, décrit la situation actuelle et alerte les habitants sur un risque sérieux de perdre le contrôle de la situation si chacun, collectivement, ne participe pas correctement aux mesures barrières. Entretien.

Société
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C'est un fait : les chiffres sont de plus en plus alarmants.
 

Lundi 19 octobre, les chiffres étaient assez importants. Le taux d'incidence (les cas détectés positifs) s'élevaient à plus 700 pour 100.000 habitants, c'est-à-dire quatre à cinq fois ce qui se passe sur le territoire national. Et 560 dans la Métropole de Lyon. Depuis quinze jours, on peut parler d'une flambée du nombre de contaminations et donc il y a forcément des patients qui viennent à l'hopital. De façon scientifique, on peut dire qu'à chaque fois qu'il y a 1000 personnes porteuses du virus, il y en aura 30 à l'hopital. Et parmi ces 30, il y en aura 6 en réanimation. C'est quelque chose d'assez global et admis.
Ce qui est assez inquiétant pour les services hospitaliers, c'est que ces chiffres se multiplient chaque semaine.

Par exemple, dans nos services de réanimation, aux Hospices Civils de Lyon, on a depuis quelques jours, quotidiennement, 7 à 8 nouveaux patients en réanimation. Et ils s'additionnent à ceux qui y étaient déjà. Et donc, le nombre de patients qui viennent en consultation, qui sont hospitalisés dans les services conventionnels ou en réanimation augmente très régulièrement de façon importante.

La situation est-elle comparable à celle de la première vague ? Le monde hospitalier va-t-il pouvoir absorber longtemps cette augmentation de cas ?

Il y a plusieurs aspects pour vous répondre. Il y a la disponibilité des lits, les équipements nécessaires et puis la disponibilité du personnel... Du côté des lits, on a encore pour le moment des capacités, quels que soient les cas. Du côté du matériel, on a ce qu'il faut en équipement (masques, blouses, gants, respirateurs...). Pas de difficultés pour les médicaments. Côté personnels : vous avez parfois des gens qui sont malades, et donc moins disponibles... et puis il y a la fatigue.
Il faut éviter de mettre de nouveaux patients dans les services de réanimation. En particulier, après certains actes de chirurgie considérée comme lourde, il y a la nécessité d'une surveillance post-opératoire. C'est parfois un peu long. Donc, il faut faire de la déprogrammation. C'est une décision qui a été prise pour les trois départements de l'Isère, de la Loire et du Rhône le 16 octobre. Enfin, il y a ce que ressent le personnel.
La première vague a été très lourde, mais c'était nouveau, et les gens étaient dynamiques et on savait que ce serait de courte durée. Là, on reprend une nouvelle attaque virale intense, probablement plus tôt qu'on ne l'imaginait. Elle vient d'évoluer avec une phase d'accalmie puis, de nouveau, un rebond. Et personne, objectivement, n'est capable de dire combien de temps ça va durer. De plus, la charge de travail adaptée à ces nouveaux porteurs de virus est beaucoup plus importante. Il faut prendre des précautions et notamment en réanimation. Donc le personnel risque de s'épuiser.
C'est pourquoi il faut absolument qu'il y ait une prise de conscience collective sur la nécessité impérative de tout faire pour limiter la diffusion du virus.
 

Vous lancez un appel.

Cet appel a une visée essentiellement pédagogique. À la fois rassurante, mais en précisant exactement ce qu'il se passe. Beaucoup de nos concitoyens ont été atteints par ce virus avec peu, voire pas de symptômes. Comme n'importe quel autre virus. Sauf que là, ce virus est potentiellement grave, puisqu'il y a eu des formes extrêmement sévères, y compris chez les gens qui sont encore assez jeunes. Et ce virus peut aussi déstabiliser des patients porteurs de maladies chroniques. Donc ce n'est pas banal. Preuve en est le taux d'hospitalisations en réanimation qui n'est pas celui que l'on observe avec n'importe quel virus.
Donc il est essentiel -sans se faire peur- que, collectivement, tout le monde prenne conscience de la nécessité de faire un effort personnel. C'est d'abord le respect des gestes barrière, soit le masque porté correctement (qui prend bien tout le nez et qui enveloppe la bouche et le menton), changé régulièrement dès qu'il est souillé, mais aussi le lavage des mains extrêment régulier (eau et savon ou gel hydroalcoolique). Le port de gants n'est pas recommandé, au contraire. Et puis, éviter les rassemblements collectifs.
On sait très bien que lorsque l'on est 10 ou 15 dans une petite pièce, et que l'on va manger et boire ensemble, il existe un risque de dissimination virale. C'est une contrainte, une vraie restriction de notre façon de vivre au quotidien que tout le monde déplore. Mais il vaut mieux s'imposer cette contrainte de façon probablement assez transitoire, plutôt que de risquer, comme l'Irlande et le Pays de Galles, un nouveau confinement total de tout un pays. Ce qui serait une vraie catastrophe sociale et économique. Si chacun se persuade de respecter le couvre-feu, d'éviter les rassemblements dans des endroits confinés et étroits, peut-être arrivera-t-on à limiter ce virus, qui nous réserve quelques surprises. 

Pourquoi ce message semble encore avoir du mal à passer ?

Sans doute parce que trop de personnes ont parlé à tort et à travers. L'heure n'est pas à la polémique. On sait que les mesures barrière et une certaine forme d'isolement contribuent à limiter la diffusion du virus. C'est important. Après il y a aussi les prises en charge thérapeutiques, la vaccination qui va arriver... mais en attendant il faut répéter que ces mesures sont nécessaires. Regardez dans la rue, ou dans les transports en commun, il y a encore des personnes qui ne portent pas correctement le masque, voire pas du tout. Elles n'imaginent pas le danger que cela représente. Non pas pour elles, mais pour leurs proches, leurs amis et pour la collectivité.

Donc il faut continuer à alerter.

Ce n'est pas une simple lubie. C'est une vérité. Le gouvernement est amené à prendre des mesures restrictives. On peut toujours philosopher... Faut-il accepter plus de victimes, plus de morts ? Ce sont des débats que l'on peut entendre. Mais ce que vivent les soignants, c'est un travail accru, une pénibilité importante. Un risque éventuel de devoir supprimer les congés. Si il n'y avait plus de personnels à l'hôpital pour soigner, ce serait une catastrophe. 
 
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