Alors que l’OMS vient d’annoncer qu’elle suspendait temporairement les essais cliniques avec l’hydroxychloroquine, le laboratoire lyonnais Virpath annonce des pistes très prometteuses pour soigner l’infection au SARS-CoV2, et des essais cliniques en cours et à venir.
L'Organisation mondiale de la Santé (OMS) suspend temporairement les essais clinique avec l’hydroxychloroquine, suite à la publication d’une étude internationale la jugeant inefficace, voire nuisible, pour traiter les malades du Covid-19. De son côté, le laboratoire lyonnais Virpath annonce plusieurs pistes très prometteuses pour soigner l’infection au SARS-CoV2, et des essais cliniques en cours et à venir.
Entretien avec Manuel Rosa-Calatrava, directeur de recherche INSERM et co-directeur de Virpath.
Par mesure de précaution, l’OMS vient de suspendre temporairement toutes les études cliniques utilisant de la chloroquine ou ses dérivés. Cela fait suite à l’étude internationale publiée il y a quelques jours par le Lancet dont les résultats semblent démontrer l’inefficacité de ces molécules sur le Covid-19.
Qu’en pensez-vous ?
M.R-C : Cette étude observationnelle publiée par le Lancet a l’avantage de produire une conclusion claire sur les résultats observés dans plusieurs essais cliniques incluant des milliers de patients : pas d’effet bénéfique et des risques potentiels accrus, notamment sur le cœur.
Les défenseurs de la chloroquine émettent pourtant des critiques sur cette publication.
M.R-C : cette étude compile les résultats de nombreux essais cliniques menés sur 6 continents, avec méthode, et notamment des groupes placebo, sur l’efficacité de la chloroquine, ou de l’hydroxychloroquine avec ou sans l’antibiotique azithromycine. Même si elle peut être critiquable car les «groupes patients» ne sont pas forcément «homogènes» dans toutes ces études, que ce soit l’âge du malade ou encore l’avancée de l’infection lors de l’administration des traitements, on parle ici de près de 15 000 malades dans 671 hôpitaux partout dans le monde. Cette étude a le mérite d’avoir été faite et nous apporte un éclairage clinique très important sur l’hydroxychloroquine.
Et puis il y a aussi un autre article scientifique qui vient de paraître récemment dans le «New England Journal of Medecine» sur une autre étude observationnelle, portant sur l’efficacité de l’hydroxychloroquine VS placebo, chez un nombre important de patients (1446) dans un état précoce de la pathologie COVID-19 à New York. Là encore, les auteurs concluent à une absence de gain clinique de l’hydroxychloroquine, sans pour autant conclure sur de potentiels risques accrus.
Pourtant, votre laboratoire a lui aussi participé à des études sur l’efficacité de ces molécules.
M.R-C : Oui, nous avons collaboré avec le CEA et l’institut Pasteur pour compléter une étude ambitieuse visant à évaluer les effets de l’hydroxychloroquine couplé ou non avec l’azithromycine sur l’infection au SARS-Cov2. Ils ont effectué des essais précliniques en préventif et en curatif (après infection) sur un modèle de primate non humain, tandis que nous avons mené les mêmes tests sur nos modèles précliniques prédictifs d’épithélium respiratoire humain reconstitué*. Dans les deux types de modèles, et quelle que soit la dose d’hydroxychloroquine administrée, avec ou sans combinaison à l’azithromycine, nous n’avons trouvé aucune activité antivirale significative de l’hydroxychloroquine. Nos résultats ont été soumis pour publication à «Nature», et sont actuellement en cours de revue par nos pairs. L’article est accessible en pre-print[i21] [U2].
Avez-vous d’autres études en cours ?
M.R-C : oui, notre stratégie, basée sur le repositionnement de médicaments**, a fait ressortir plusieurs molécules ayant un effet positif sur la maladie. Notre travail n’est que «prédictif», mais nous espérons fortement que les résultats obtenus avec nos modèles précliniques seront reproduits chez l’Homme.
Nous avons trois pistes très sérieuses.
1/Nous avons mené un travail préclinique avec l’Université de la Sorbonne qui a abouti au démarrage il y a quelques semaines d’un essai clinique mené par l’AP-HP (Hôpitaux de Paris). L’étude « Enacovid » teste un médicament repositionné sur 584 patients.
2/Nous avons également un deuxième essai clinique qui va démarrer avec le CHU de Lille. L’étude «Hydilic». Cette fois, c’est la combinaison de deux autres médicaments repositionnés qui a démontré une activité antivirale synergique dans nos modèles d’épithélium respiratoire humain reconstitué.
Et enfin, notre laboratoire travaille actuellement avec les Hospices Civils de Lyon à la mise en place d’un autre essai clinique combinant le Remdesivir (antiviral développé initialement pour traiter la maladie à virus Ebola) et le Diltiazem, un médicament prescrit contre l’hypertension, que nous avons repositionné comme antiviral. Dans nos modèles précliniques d’infection, l’association des deux semble très efficace : le Diltiazem stimule la réponse immunitaire innée des cellules épithéliales, et potentialise ainsi l’action antivirale du Remdesivir contre le SARS-CoV-2.
Quelle échéance pour des premiers résultats ?
Tout dépend du nombre de patients à inclure, mais en étant raisonnablement optimiste, on peut dire… quelques mois…
*Cellules épithéliales respiratoires : Ces cellules tapissent notre système respiratoire, sont les cibles du SARS-CoV2, et de véritables usines à virus. Ces épithéliums respiratoires humains reconstitués et cultivés in vitro, sont un modèle d’étude très physiologique qui se rapproche le plus de ce qui se passe en réalité dans les poumons des patients infectés.
**repositionnement de médicament : c’est la spécialité du laboratoire Virpath : les chercheurs criblent et testent les propriétés antivirales potentielles de centaines de médicaments déjà existants sur le marché. Certains de ces médicaments prescrits pour d’autres pathologies ont déjà démontré in vitro et in vivo qu’un de leurs effets secondaires pouvait être bénéfique pour soigner des maladies virales respiratoires infectieuses comme la grippe par exemple.