Elle est lyonnaise et il est algérien. Ils sont amoureux depuis 7 ans. Leur histoire, vécue à distance, émaillée de retrouvailles et voyages, devait se concrétiser par un mariage en 2020. Les régles sanitaires, qui ne prévoient pas le cas des couples binationaux, les en ont empêchés. Explications
« Avec Hadi, nous sommes en couple depuis maintenant 7 ans. Il a 37 ans et il est algérien. En novembre 2019, nous avons commencé les procédures pour nous marier. La date de la cérémonie était fixée au 29 octobre 2020, en France. Malheureusement, la crise sanitaire a freiné nos projets » raconte Malika, 28 ans, qui habite à Lyon.
Avec la fermeture des frontières, liée aux règles sanitaires, les deux amoureux n’ont même pas pu se revoir depuis le 1er novembre 2019, soit plus de 15 mois. Un triste sort pour de nombreux couples vivant à distance, comme c’est leur cas. « Je suis française et mon conjoint vit à l’étranger. Depuis 7 ans, nous avions pris l’habitude de nous voir par intermittence, chez l’un ou l’autre, ou à l’occasion de voyages. Cette relation de couple à distance nous convenait » précise-t-elle. Jusqu’à la mise en place des restrictions, dont Malika se sent une victime oubliée.
Malika et Hadi, un couple "oublié" par les règles sanitaires
« Malheureusement, avec cette pandémie, certains pays, comme l’Algérie, ont bloqué leurs portes d’entrée comme de sortie. Cela a aussitôt empêché mon conjoint de venir pour finaliser nos procédures de mariage. Depuis plus d’un an, on se bat pour trouver des solutions. » Lasse de se battre seule, elle a finalement monté, par l’intermédiaire des réseaux sociaux, un groupe rassemblant d’autres couples dans le même cas.
« Au départ, nous étions huit couples. On a contacté des parlementaires, les consulats. On a écrit au Premier ministre. On a vraiment tout essayé en vain. Pour la France, les conjoints étrangers représentaient juste... un risque en période sanitaire. On a donc décidé de faire un référé collectif au Conseil d’Etat, pour prouver que cela ne représente qu’un risque mineur par rapport à l’ampleur de la crise» explique Malika.
Des situations critiques de couples séparés
Pour défendre ce droit, qu’il considère comme fondamental, le collectif s’est élargi à d'autres cas, des nationalités et des orientations sexuelles différentes : "Tous souffraient de cette fermeture des frontières. On a agi ensemble. Le 1er avril 2021, nous avions notre audition devant le conseil d'Etat " raconte Malika.
L'action est désormais soutenue par une association "les amoureux au Ban public", qui témoigne de situations particulièrement critiques, liées à ces séparations forcées. Qu'ils s'appellent Anaïs et Mohammed, Emilie et Mounir, ou encore Mélanie et Amine...leurs histoires ressemblent nettement à des "effets collatéraux de l'épidémie" : "Des enfants nés sans leur père, des pères qui ne peuvent pas étreindre leur enfant, des enfants qui soufflent leur première bougie sans leur père, des femmes seules face à l'épreuve de l'accouchement ou de l'avortement... Plusieurs maladies chroniques se sont développées en raison du choc de la séparation.... Sans compter le nombre de personnes dépressives que nous rencontrons au sein de notre Collectif..." énumère-t-elle.
Une action auprès du Conseil d'Etat
Sur le plan juridique, le propos défendu par le Collectif est simple : "La situation d'un futur conjoint de Français n'est pas différente de celle d'un conjoint de Français qui se voit obtenir un visa et fait partie de l'attestation d'entrée en France. Le premier peut donc tout autant se voir délivrer un visa mariage que le second dès lors qu’il justifie des documents pour se marier en France" résume leur dossier.
Au-delà des actions individuelles menées par chacun des membres de ce collectif, depuis le 1er mars 2021, de nombreuses actions collectives auraient été également menées en parallèle, permettant d’obtenir un référé-suspension auprès du Conseil d'État le 1er avril 2021 contre la Circulaire n°6245/SG du Premier ministre du 22/02/2021 relative aux "mesures frontalières mises en oeuvre dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, en ce qu'elle ne prévoit pas de dérogation à l'interdiction d'entrée sur le territoire français pour les ressortissants étrangers en vue de célébrer leur mariage en France".
Une première victoire pour tous ces couples
Une démarche qui a fini par obtenir des premiers signes réconfortants : le 9 avril dernier, le Conseil d'Etat a tranché en leur faveur et a publié sa décision intitulée "Mariages binationaux : entrer en France pour se marier doit pouvoir être autorisé". Concrètement, le mariage est -enfin- devenu un motif impérieux dans l'attestation de déplacement pour l'entrée sur le territoire français. Le juge a ordonné la mise en place et l'instruction des demandes de visa de mariage dans les consulats de France.
Une nouvelle qui réjouit Malika, qui ne relâche pourtant pas ses efforts. Forte de cette première victoire, elle continue de se mobiliser, notamment à travers les medias, pour que cette décision soit rapidement appliquée par les pouvoirs publics... Et qu'elle retrouve enfin son Hadi... afin qu'ils puissent s'unir pour le meilleur !