Aimé-Denis Trouxe a tiré sa révérence. Agé de 86 ans, l'ancien publicitaire devenu homme politique aura œuvré dans le milieu culturel lyonnais pendant le mandat de Raymond Barre. C'est lui qui a lancé et obtenu la distinction de "patrimoine mondial" de l'UNESCO. Il est à l'origine de nombreux autres projets qui ont permis à la ville de trouver une notoriété mondiale. À l'annonce de son décès, les hommages se multiplient.
C'est en 1995 que le maire, Raymond Barre, nomme Denis Trouxe adjoint à la culture. Le poste ne fait pas rêver, mais il va trouver l'occasion de "faire bouger" Lyon, car selon lui la ville était un "désert culturel". Dans un entretien accordé à nos confrères du "Petit bulletin" en 2017, il racontait sa vie d'étudiant où l'on se baignait, à l'époque, dans la Saône, en plein centre de Lyon. Il expliquait que le week-end, ceux qui le pouvaient partaient de Lyon car Il n'y avait rien à faire.
"Les subsistances ? Ça va être Woodstock avec chichon et subversions"
L'ancien publicitaire devenu élu est persuadé que la ville manque de lieux dédiés à la création artistique. Lors d'un entretien sur les antennes de France 3, en 1996 il expliquait sa vision en la matière :" une ville n'est culturelle que si elle produit elle-même ses propres artistes". Il va mettre son projet en action avec, par exemple, la friche des subsistances. Cette ancienne caserne militaire, laissée à l'abandon fait rêver les promoteurs immobiliers, située en pleine ville, sur les quais de Saône, certains imaginent bien un hôtel ou une résidence de luxe, mais il va se lancer dans des études afin de transformer ce site emblématique en un lieu de création artistique. Il raconte que lors d'une réunion entre adjoints il présente le dossier. L'un de ses collègues prévient le Maire en disant "Méfiez-vous, ça être Woodstock avec chichon et subversions". Déçu et "désespéré" il pense abandonner le projet. Mais, le lendemain, il est convoqué par le Maire en personne qui lui explique qu'il est moins ringard que ce qu'on croit. Le projet des Subsistances est inauguré en 2001, il compte aujourd'hui parmi les lieux incontournables de la ville.
En 1999, il sera à l'origine de ce qui ne s'appelait pas encore "La Fête des lumières". Mais, déjà, il imagine une fête qui dépasserait le seul jour du 8 décembre avec des appels à projet, des sélections, des représentations grand public. Le "festival de la fête des lumières" est lancé et venait de porter l'événement sur une autre dimension. La lumière devenait festival, sur 4 jours. Une fête qui a largement rencontré son public, on vient aujourd'hui du monde entier pour assister aux spectacles proposés dans les rues et sur les bâtiments de la ville.
L'inscription de Lyon au patrimoine mondial de l'UNESCO
En 1997, la rock star planétaire Mickaël Jackson est à Lyon pour un concert qui marquera l'histoire. Denis Trouxe, en tant qu'adjoint à la culture, lui réserve le meilleur accueil avec la visite de l'institut Lumière. Des milliers de fans sont présents. Denis Trouxe souhaite lire un message, Mickaël Jackson tourne le dos et s'en va. Un revers ? Pas vraiment. Car durant ce mandat (entre 1995 et 2001) Lyon sera allé chercher une autre une carte maîtresse : le classement de la ville au patrimoine mondiale de l'UNESCO. Pour cela, il fait confiance à l'un des plus ardents défenseurs du Vieux Lyon : Régis Neyret (fin connaisseur de la vieille ville et ardent défenseur du patrimoine) pour porter la candidature de Lyon devant cette instance internationale. Ensemble, ils vont plaider le dossier. Au départ, il s'agissait de défendre le Vieux Lyon, puis l'UNESCO a proposé d'aller plus loin en englobant la Presqu'île. Un choix qui sera payant : en décembre 1998, la ville obtient cette reconnaissance, une renaissance ?
Pour le président de l'office de tourisme qu'il est, c'est une aubaine. Il argumente et se félicite : "avant les tours opérateurs proposaient une halte à Lyon le midi, seulement pour manger". Avec ce classement, dès la première année le nombre de nuitées dans les hôtels a bondi de 20% et ne cesse d'augmenter depuis.
Les réactions dans la classe politique sont unanimes
Gérard Collomb ancien maire de Lyon (au parti socialiste à l'époque) et successeur de Raymond Barre l'avait même proposé à la tête de l'office de tourisme. "Il était plutôt de centre droit, mais à l'époque les clivages gauche-droite n'étaient pas aussi marqués, les relations moins tendues" selon lui et d'ajouter, malicieux : "peut-être un exemple à suivre pour nos dirigeants actuels".
Ce fut un grand adjoint à la culture
Gérard Collomb, ancien Maire de Lyon
De toute part on salue l'homme engagé : "Souriant, toujours de bonne humeur", "porteur de projets", la classe politique lui rend hommage.
Il a permis à Lyon de faire confiance à la culture pour s'ouvrir au monde. Le sien était bouillonnant et résolument tourné vers l'innovation et la création
Cédric Van Styvendael, maire (P.S.) de Villeurbanne et Vice-président de la métropole aux affaires culturelles
Ce personnage "facétieux" pour les uns, "fantasque" pour d'autres, s'en est allé suite à des problèmes pulmonaires. Connu pour sa discrétion et sa culture, vif et curieux, il est décédé chez lui dans une commune de la Métropole de Lyon où il s'était installé, loin des affaires. Ses obsèques se dérouleront samedi 25 juin, à 11h, au crématorium du cimetière de la Guillotière, dans le 8e arrondissement de Lyon.