"La folie, et après ? " raconte comment l'emploi devient un outil de réinsertion pour les malades atteints de troubles psychiques

Il y a la maladie et puis il y a l'après. Ce temps de retour à la "normale" dans une société où les troubles psychiques sont méconnus et font peur. A Lyon, l'association Clubhouse, accueille les malades en recherche d'emploi. Soutenue par l'ARS (l'agence régionale de santé) et des privés, elle utilise l'emploi comme un outil de reconstruction. La réalisatrice, Sylvie Perrin, nous invite à rencontrer ceux et celles qui font vivre ce lieu, qu'ils en soient salariés ou membres. Un film absolument nécessaire.

" Si je rentre dans une entreprise et que je dis, bonjour je suis schizophrène, je suis sûr qu'on s'imagine que je vais arriver avec un couteau. Les archétypes sont toujours les mêmes."  dit Stéphane. Aujourd'hui de retour sur les bancs de la fac il prépare un DU (diplôme universitaire) de pair-aidant.  . Ce nom désigne des personnes ayant choisi de s'investir dans l'entraide après un parcours personnel qui leur a permis de se rétablir) . " J'ai fait de ma maladie une compétence et ça c'est beaucoup de choses ." 

Tous n'en sont pas là. Parce que le parcours psychiatrique est long : il y a le diagnostic qu'il faut accepter, puis les soins médicamenteux qu'il faut supporter et les hospitalisations plus ou moins longues. Et puis surtout, il y a l'après qu'il faut gérer. Comment revenir dans le monde ? Comment retrouver une place dans une société où les troubles psychiques sont encore tabous ?  " Le rétablissement dépend en partie d'un sentiment d'utilité sociale, de la place que peut occuper une personne dans la société, explique le professeur Nicolas Franck, chef de pôle à l'hôpital psychiatrique du Viniatier à Lyon.  Et le travail définit beaucoup une personne. Alors oui, le Clubhouse est un partenaire essentiel." 

" Ici on utilise l'emploi comme outil de rétablissement " 

Sandrine Plantier, directrice du Clubhouse de Lyon

Le Clubhouse dont on parle ici, n'est pas une annexe d'enceinte sportive. C'est une passerelle entre l'hôpital et le retour à la vie active. Un concept développé aux Etats-Unis dans les années 50, exporté en France en 2010 et dont l'antenne lyonnaise a vu le jour en 2018. C'est une association avec un financement public et privé. Son but : déstigmatiser le trouble psychique dans le monde du travail et accompagner ses membres dans une réinsertion professionnelle . " On accueille des personnes atteintes de troubles psychiques sévères. Et alors ? dit Sandrine Plantier, la directrice du lieu. Elles peuvent faire plein de choses, comme les autres et être des citoyens comme les autres. Ici on utilise l'emploi comme outil de rétablissement. "

Dans ce lieu solidaire et non médicalisé, tout le monde met la main à la pâte : le staff salarié et les membres accueillis. Parmi eux, Rémi, Julie et Stéphane. Ils se racontent à la réalisatrice. L'errance de diagnostic pendant dix ans pour Rémi, les diagnostics de bipolarité et la difficulté à être quand on porte un handicap invisible. Tous ont vécu leurs périodes sans job comme " des échecs". Passer par le Clubhouse leur a permis de rencontrer des entreprises sensiblisées aux maladies psychiques. " Ce n'est pas facile d'expliquer les trous dans un cv à cause d'un trouble psychique, raconte Julie. Là, pour la première fois dans un entretien, j'ai pu le dire. Ca n'a pas été un frein. J'ai ressenti de l'écoute , de l'humanité ."  Et elle a été embauchée. Sa manager dit d'elle : " Il ne faut bien se rendre compte que les efforts, ce n'est pas moi qui les fournit. C'est Julie. C'est elle qui parfois a des difficultés et c'est pour elle que c'est dur. Nous on fait en sorte que le travail ne soit pas un facteur de stress supplémentaire ."

" On est comme des boxeurs, on travaille nos réflexes"

Julie, membre du Clubhouse de Lyon

Dans ces parcours ponctués de crises liées aux maladies, tous se mettent des lignes directrices. Avec force. Parce qu'il en faut pour reprendre le cours de sa vie. Pas forcément là où on l'avait laissée mais là où elle en est. " Le rétablissement ? C'est un peu cruel, confie Rémi. On est comme les gens qui ont un cancer. Pour le cancer on ne parle pas de guérison. On a quelque chose, c'est un fait. Le seul truc qu'on peut faire, c'est de se mettre des warnings et avoir des lignes directrices . Et Julie de compléter : "  Le rétablissement, c'est une longue quête compliquée. Les malades psychiques sont comme des boxeurs qui travaillent leurs réflexes pour esquiver les coups, pour ne pas en prendre quand ça ne va pas." 

Il existe actuellement six Clubhouses en France. D'ici 2025, cinq autres devraient voir le jour. Celui de Lyon compte plus de 200 membres.

Dépression, troubles anxieux, bipolarité, schizophrénie, burnout... En France, deux millions de personnes sont touchées par un trouble psychique. Un handicap invisible qui peut paraître effrayant car méconnu.

Le film de Sylvie Perrin, " La folie, et après ? " est un appel à ne pas se voiler la face, à écouter et à accueillir ces malades . Un documentaire absolument nécessaire, loin des clichés dans lequel l'expression " faire de sa faiblesse une force", prend ici tout son sens.

" La folie, et après ?" de Sylvie Perrin, une coproduction Cocottesminuteproductions/francetv à découvrir le jeudi 27 avril à 22H45 sur France3 Auvergne-Rhône-Alpes dans la case documentaire La France en Vrai et déjà disponible sur france.tv.

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