Dans le Rhône, le Rassemblement national espère décrocher les circonscriptions périphériques. Notamment dans le nord du département où le Beaujolais a largement donné la préférence à la liste conduite par Jordan Bardella lors des européennes. Pour ces législatives, quelles sont les circonscriptions du Rhône qui peuvent basculer ?
Historiquement, le département du Rhône n'est pas une terre fertile pour le Rassemblement national. Le parti d'extrême droite n'y a jamais fait élire de député. Dans le Rhône, le RN nourrit pourtant des ambitions, notamment dans le Beaujolais, la liste de Jordan Bardella a massivement été soutenue lors des élections européennes. À l’instar des 8e, 11e et 13e circonscriptions du Rhône. Dans ces trois circonscriptions, le RN peut-il remporter un siège de député ?
Ampuis : entre silence et inquiétude
"J'espère que les gens vont réagir et aller voter, pas forcément pour les extrêmes", déclarait une jeune habitante de Vienne, croisée ce mercredi matin sur le marché d'Ampuis. "J'espère que les gens vont revenir à la réalité le 30 et le 7. L'Europe c'était loin", indique un autre passant.
Les habitués du marché ne sont pas très bavards quand il s'agit de parler politique. Certains avancent tout de même quelques explications. Pour l'un d'eux, c'est un "vote de mécontentement" qui s'est exprimé lors des récentes élections européennes. Comment comprendre les scores du RN lors de ce scrutin ? "l'Europe c'est loin", "c'est un vote d'humeur, de mécontentement". "Les gens votent ce qu'ils veulent. Ils ont le droit, chacun son point de vue", indique un troisième Ampuisait. Il esquive avec "la politique c'est délicat. Il ne faut pas trop ...". Dans cette commune viticole du sud du Rhône, le vote RN a progressé mais on n'affiche pas sa couleur politique.
Ampuis, tranquille commune rurale, compte moins de 3000 âmes. Elle fait partie de la 8e circonscription du Rhône. Située à moins de 10 km de Vienne, sur la rive droite du fleuve, elle est cernée de vignes. C'est d'ailleurs la capitale du vignoble de côte-rôtie. Ici, la liste RN conduite par Jordan Bardella a caracolé en tête le 9 juin dernier : elle a rassemblé presque 43% des suffrages exprimés. Un point commun avec un autre territoire viticole renommé du Rhône, le Beaujolais.
Progression du RN dans le Beaujolais
La 9e circonscription du Rhône regroupe les cantons d'Anse, Beaujeu, Belleville, Monsols et Villefranche-sur-Saône. Dans cet autre secteur viticole, le RN est également arrivé en tête lors des élections européennes avec 34,3% des suffrages, plus de deux fois plus que la liste de la candidate Renaissance (15,6%). Le parti de Jordan Bardella a atteint des pourcentages comparables dans les 8e (30,4%), 11e (34,4%) et 13e (34,2%) circonscriptions. De meilleurs scores qu'au niveau départemental.
Dans le Rhône, la liste conduite par Jordan Bardella s'est imposée, devant tous ses concurrents, avec près de 160 000 voix, soit 23,66% des suffrages exprimés aux européennes.
À l'image de la France, ce sont les communes rurales qui ont donné le plus de voix au Rassemblement national dans le département. Dans plusieurs communes de la 9e circonscription du Rhône, le RN a même dépassé les 50%. C'est notamment le cas à Saint-Clément-de-Vers (54,62%), Dracé (54,59%), Saint-Bonnet-des-Bruyères (51,74%) ou encore Taponas (48,22%).
Lyon, territoires rurbains ou ruraux : "la fracture"
Un constat : pour les européennes, le vote RN a été plus important dans les zones péri-urbaines et rurales. C’est aussi le cas dans des territoires dits "rurbains", à cheval entre ville et campagne. Les 8e et 9e circonscriptions, au nord du Rhône, ont placé le RN en tête. C'est aussi le cas dans le sud du département, dans le secteur de Givors-Condrieu (11e circonscription) ou encore dans l'Est lyonnais (13e circonscription).
"Le vote Rassemblement National, parfois additionné de celui de Reconquête, se caractérise par un vote dans des circonscriptions situées dans le grand pourtour de la métropole lyonnaise. Au nord du département, 8e et 9e circonscriptions et au sud du département, la 11e circonscription. Avec un point commun : la viticulture", confirme le politologue Daniel Navrot. "Ce sont des zones rurbaines ou rurales, plutôt aisées, où le vote RN progresse de manière importante".
Il y a une généralisation dans l'ensemble des territoires ruraux et rurbains de ce phénomène de vote Rassemblement National. On a vraiment quelque chose de nouveau.
Daniel Navrotpolitologue
Si ce dernier note une progression du vote RN dans le Rhône viticole, il constate surtout "une fracture entre ces secteurs et les territoires métropolitains, à savoir la métropole de Lyon". À la différence de la ruralité profonde, "c'est une peur de possédant" qui s'exprime. Peur de la perte de certains biens et la peur d'une "perte de sécurité".
Campagne électorale tendue
Pourquoi le vote RN a-t-il du mal à être revendiqué par ses électeurs ? "Je pense qu'il y a une très grande tension actuellement dans cette campagne électorale, on montre beaucoup du doigt, à l'extrême droite et à l'extrême gauche. On diabolise ou on rediabolise les uns et les autres. Il y a un électorat qui a peur d'afficher ses convictions", explique Daniel Navrot.
Pour ce premier tour des élections législatives, à l'exception de la responsable départementale et de son bras droit, Tiffany Joncour, le parti de Marine Le Pen a fait le choix d'envoyer en campagne de nouveaux visages, presque des inconnus. La patronne du RN du Rhône a été investie dans la 13e circonscription.
