Pour lutter contre la précarité des étudiants, la ministre de l'Enseignement supérieur, Sylvie Retailleau, a annoncé une réforme du système des bourses universitaires. Des mesures insuffisantes pour quatorze présidents d'université. Ils demandent une allocation d'études attribuée à tous les étudiants, sans condition de ressources.
Il est très rare que les plus hauts responsables des universités, habitués à s'exprimer sur l'organisation des enseignements ou de leurs établissements, prennent position publiquement sur la précarité des étudiants.
Dans une tribune publiée par le journal "Le Monde" le 19 septembre 2023, quatorze présidents d'université, en région et de Paris, demandent au gouvernement une vraie rupture dans les systèmes actuels d'aide aux étudiants. Pour eux, face à la paupérisation des étudiants, révélée par la crise sanitaire, et amplifiée par l'inflation et la crise du logement, il faut un "grand geste", une action forte.
27% des étudiants survivent avec moins de 454 €/mois. C'est indigne de notre pays.
Florent Pigeon, président de l'université de Saint-Etienne
L'un des initiateurs de cette tribune, Florent Pigeon, président de l'université Jean Monnet à Saint-Étienne, s'explique. "Il ne faut plus juxtaposer les dispositifs. Tout ça est devenu beaucoup trop compliqué et la précarité des étudiants augmente sans cesse. Il y a aujourd'hui 27% des étudiants qui survivent avec moins de 454 €/mois. C'est la preuve que le système ne marche pas et c'est indigne de notre pays. Il faut simplifier tout ça et généraliser une allocation d'études pour tous, sans condition de ressources. D'autres pays européens l'ont fait, comme le Danemark. Cela nous semble possible de le faire en France."
L'allocation d'études, c'est un contrat avec chaque étudiant
Nathalie Dompnier, présidente de l'université Lyon 2 et cosignataire de la tribune, le confirme : "la ministre annonce une réforme en profondeur du système de bourse, mais si on conserve la même logique dans l'attribution des aides, ça ne changera pas grand-chose à la précarité vécue par les étudiants."
Selon les signataires de la tribune, cette allocation d'études serait attribuée à tous les étudiants sans condition de ressources en contrepartie d'un contrat. Une sorte de revenu universel étudiant. Mais attention, ils ne veulent pas prononcer le mot universel, ce mot qui peut fâcher.
En liant allocation d'études et contrat étudiant, l'initiative se veut rassembleuse, au-delà de toute position politique. "En contrepartie de l'allocation, précise la présidente de Lyon 2, il y aurait un engagement à l'assiduité et donc à la réussite. Et aussi la promesse d'une implication dans la vie de l'université ou la vie associative."
Pour le président de l'université de Saint-Etienne, "ce geste à haute valeur politique permettrait de donner un vrai statut social aux étudiants avec ce contrat et un suivi pour chaque étudiant. Cela signifie aussi que les établissements universitaires s'impliquent dans leur accompagnement. Nous, on est prêt à le faire et c'est pour ça qu'on le propose."
Avec l'allocation d'études, on peut envoyer un signal positif à toute une jeunesse qui ne demande qu'à se former
Nathalie Dompnier, présidente de l'université Lyon 2
Sur la question du financement de cette mesure, ces responsables d'université ont plein de pistes. "Mais ce n'est quand même pas à nous de faire les calculs" s'exclame Florent Pigeon. "Ce que nous savons, c'est que le système actuel coûte très cher pour la gestion administrative des dossiers de bourse. Si on simplifie le système, il peut y avoir des économies considérables !"
Pour Nathalie Dompnier, "il s'agit de savoir ce que l'on veut. Soit on prolonge l'activité d'une machine administrative qui engendre beaucoup d'inégalités. Soit on envoie un signal positif à toute une jeunesse qui ne demande qu'à se former."
Pour ces présidents d'université, leur proposition d'allocation d'études pourrait améliorer les conditions de vie de tous les étudiants. Et cela améliorerait aussi la réussite dans leurs parcours d'étude.
"Avant de dire que cette allocation serait trop chère, rappelle Nathalie Dompnier, il faut mesurer tout ce que provoque aujourd'hui un système qui ne fonctionne pas : la précarité entraîne des troubles pour la santé, et puis aussi l'échec des étudiants qui est très coûteux pour la société."