Tous les soirs, des milliers d'étourneaux envahissent le ciel de Lyon. Outre un ballet aérien des plus majestueux, les oiseaux offrent aux automobilistes un témoignage de leur présence, sous forme de déjections. On vous explique pourquoi ces volatiles se regroupent régulièrement au même endroit en cette période de l'année.
Comme un rituel immuable, des milliers d'étourneaux se donnent rendez-vous peu avant la tombée de la nuit dans le quartier de la Part-Dieu. Des envolées synchronisées témoignent de leur présence dans le ciel. Au sol, leur rassemblement prend une tournure moins poétique, sous forme de déjection.
Mais qu'est-ce qui les attire à un endroit précis, régulièrement pendant des semaines ? Pourquoi ne les voit-on pas dans la journée ?
Grands rassemblements
Patrice Franco est directeur de la Ligue de protection des oiseaux (LPO) du Rhône. Comme chaque année à cette époque, il constate la présence par milliers des étourneaux à Lyon. Les oiseaux restent dans la capitale des Gaules approximativement de septembre à décembre. On assiste à de grands rassemblements formés par tous les étourneaux adultes et les jeunes nés dans l'année.
"En fonction des années, ils sont plus ou moins nombreux. Cela dépend si les conditions leur ont été favorables pour la nidification, si les éléments climatiques leur ont permis de se nourrir correctement", explique l'expert.
"J'ai l'impression que cette année, on est pas mal. Mais c'est juste une impression, car on ne fait pas de comptage de ces espèces-là".
Le spécialiste des volatiles explique que parfois, il peut y avoir des regroupements plus importants car les individus au lieu d'être rassemblés en petits groupes se rassemblent en gros groupe. "Au lieu d'avoir dix groupes épars de 100, on va avoir un groupe de 1 000 individus. Ce que je remarque, c'est que cette année, on a des gros groupes. Même à la campagne, j'ai vu des gros groupes".
Se réunir peut-être associé à un comportement d’oiseaux migrateurs ? Pas nécessairement, selon Patrice Franco. Les étourneaux sont des oiseaux que l'on voit toute l'année. Contrairement aux martinets et aux hirondelles qui disparaissent complètement jusqu'en mars-avril.
Espèce grégaire
"Ce n'est pas véritablement un oiseau migrateur, en période de nidification ce sont des individus qui sont éparpillés sur l'ensemble du territoire et à partir de septembre, ils se regroupent", décrit Patrice Franco. Il est probable qu'en hiver, le Rhône récupère des oiseaux des départements voisins, qui leur sont moins favorables.
"C'est dans ses mœurs, reprend le spécialiste avicole, il a des habitudes. L'étourneau est un individu grégaire, c’est-à-dire qu'il a besoin de se rassembler, c'est une de ses particularités, une fois la période de nidification passée. Il y a d'abord des regroupements de jeunes, les jeunes de l'année, puis ces jeunes s'associent aux adultes et là, on a vraiment de gros groupes".
D'autres espèces se regroupent, les corvidés, par exemple, se regroupent en dortoir, ou encore le pinson du nord, juste la nuit pour dormir.
Pour l'étourneau, il ne s'agit pas que du dortoir, ils sont ensemble aussi dans la journée.
Il y a plusieurs théories sur ces regroupements. Ils constituent une force face aux prédateurs (oiseaux plus gros comme le faucon pèlerin, l'épervier, les rongeurs ou les félins sauvages). La masse sombre perturbe le rapace, car il ne sait pas comment s'orienter par rapport à elle.
Ce regroupement serait également une stratégie pour trouver de la nourriture. Globalement, il y a une forme d'intelligence collective, il y a quelques pilotes qui synchronisent les envols et qui vont chercher la nourriture. À cette période, ils vont chercher des baies et ils vont s'alimenter en masse.
Une ville tranquille
Les étourneaux se posent sur des arbres rapprochés les uns des autres. Dans un contexte périurbain comme Lyon, les grands arbres, côte à côte, sont dans les parcs urbains et pas à l'extérieur de la ville.
"À la périphérie, précise Patrice Franco, vous avez des villages qui ne regroupent pas avec la même densité ces ensembles de platanes. Donc les oiseaux se regroupent dans les parcs, car ils ont besoin d'être ensemble. Nos campagnes les intéressent pour s'alimenter, mais ils n'ont pas nécessairement tout ce qu'il faut pour faire leur dortoir."
À la campagne, l'oiseau est chassé, il a compris qu'il est plus tranquille en ville.
Patrice Franco,LPO Rhône
À l’extérieur, en zones plus rurales, les volatiles sont chassés. Les agriculteurs, agacés de voir les récoltes ou les semences pillées, vont les effaroucher avec des canons qui font du bruit.
Les oiseaux connaissent parfaitement les endroits où ils sont indésirables et les endroits où on les laisse tranquilles. "Il y a un phénomène d'attirance pour les parcs urbains, car ils favorisent leur rassemblement, plus que la campagne alentour", précise l'expert.
"Lyon est très urbanisée, mais entourée par une campagne. Donc l’animal a juste à sortir un petit peu de la ville pour se nourrir, parce qu'à la périphérie, il y a des grands prés, et rentrer le soir dormir en ville."
Penser la ville pour vivre avec les oiseaux
"Si l'on réaménageait nos villes différemment, en termes de paysages, on pourrait résoudre certaines problématiques. Nos campagnes ne sont plus assez diversifiées. Avec plus d'arbres, il y aurait une meilleure concentration de ces oiseaux qui aujourd'hui se rassemblent en ville."
Plus il y aura des espaces qui leur seront "favorables", plus ils se répartiront. Le spécialiste rappelle qu'il y a des stratégies qui visent à dire "chassons les étourneaux de partout" mais "si l'oiseau bénéficie d'endroits où il est susceptible de faire moins de dégâts, on peut le laisser tranquille. Il est plus judicieux de lui laisser des endroits tranquilles, correctement aménagés, sans voitures, etc, car cela le rend moins nuisible. Il faut penser la ville avec les animaux, ce n’est pas évident car il y a de nombreuses contraintes urbaines."