La venue d'une militante aux positions décriées sur les transidentités à Lyon pour la présentation du livre Transmania a provoqué de vives tensions. Nicolas Morel-Journel, médecin urologue spécialiste des réassignations de genre au CHU de Lyon, revient sur les affirmations de cet ouvrage polémique.
La militante Marguerite Stern, aux positions considérées transphobe par de nombreux militants, était à Lyon le 19 septembre pour une conférence sur son essai Transmania. Sa venue a provoqué une levée de boucliers de la part de nombreux collectifs. Nicolas Morel-Journel, médecin urologue spécialiste des réassignations de genre au CHU de Lyon, revient sur les affirmations de cet ouvrage polémique, en y opposant ses connaissances scientifiques. À Lyon, il a été l’un des premiers spécialistes de ces opérations extrêmement complexes.
L’opération de réassignation de genre est un effet de mode ?
Nicolas Morel-Journel: Il y a là une profonde méconnaissance de la réalité de la transidentité. Réaliser une transition n’est pas une balade de santé. Toutes les personnes qui font le choix de ce parcours en ont souffert. On ne se lance pas dans un parcours aussi fragilisant socialement par effet de mode. Souvent, ces personnes ont souffert de ne pas être dans le bon genre, mais malgré la libération que peut-être la transition, cela représente une étape difficile.
Peut-on facilement entamer une transition ?
Nicolas Morel-Journel : On constate une vraie difficulté d’accès à l’information, mais aussi aux soins et à la consultation chez les patients transgenres. Beaucoup sont en recherche d’accompagnement pour comprendre ce qui leur arrive. Il existe une pluralité de personnes trans, qui n’ont ni le même vécu ni les mêmes trajectoires, bien qu’il existe un continuum. Toutes ne sont pas dans une démarche médicale, la majorité en reste à une transition sociale avec un changement de nom. Ce qu’il faut souligner, c’est surtout la recherche d’un accompagnement.
Les bloqueurs de puberté sont irréversibles ?
Nicolas Morel-Journel : Les bloqueurs de puberté existent depuis plus de 50 ans, et ont prouvé leur efficacité. Les données scientifiques démontrent qu’il s’agit d'un traitement à risque ultra-faible, et surtout ils sont réversibles. Cela consiste à bloquer la puberté, le temps de réfléchir en profondeur au fait ou non d’entamer une transition, et d'apaiser d'éventuelles souffrances face à l'apparition des premiers signes pubertaires. Ils sont d’ailleurs aussi prescrits à des personnes souffrant d’une puberté précoce et l’accord parental pour ce traitement est obligatoire.
Certains regrettent-ils la transition ?
Nicolas Morel-Journel : Seul entre 0,5 et 2% de personnes trans entament une détransition. C’est le propre de la médecine que d’avoir un taux de personnes ayant mal vécu une opération. Ces chiffres sont très mineurs, si on les compare à ceux d’autres opérations qui ne concernent pas la transidentité. Nous accompagnons des gens qui, pour 98%, seront mieux dans leur vie.
Le discours que porte Marguerite Stern, et plus largement son courant idéologique, peuvent-ils être dangereux pour les personnes transgenres ?
Nicolas Morel-Journel : Ce discours militant, sur le genre n’a rien à voir avec la réalité de la transidentité. Il a des effets très délétères. Cela peut notamment influencer des familles, qui refuseront de donner leur accord parental par exemple pour des bloqueurs de puberté. De fait, cela va créer des tensions familiales à cause du rejet de la transidentité. Le jeune peut aussi lire ces discours et se convaincre que le problème vient de lui. On peut faire un parallèle avec les thérapies de conversion que devaient subir des personnes homosexuelles à une époque. Des jeunes vont donc être sans accompagnement, ce qui va créer encore plus de souffrance et cette situation peut conduire au suicide. Il faut souligner qu’il y a 40% de suicides en plus chez les jeunes trans que dans le reste de la population.
La sphère politique est-elle perméable à ces théories ?
Nicolas Morel-Journel : Elles ont un impact non négligeable dans l’arène politique. Nous pouvons prendre par exemple la proposition de loi Les Républicains en discussion au Sénat visant à attendre deux ans avant la prescription des bloqueurs de puberté ou prescription hormonale pour les mineurs transgenres. Elle exposerait les médecins accompagnants les adolescents en souffrance à deux ans de prison et 30 000 euros d’amendes. Cette proposition est basée sur un rapport confié à Céline Masson et Caroline Eliacheff, aux positions décriées comme antitrans. C’est très problématique car on est dans une dimension idéologique et pas de soin.