TÉMOIGNAGE.VIDÉO. Aline a été un homme pendant 67 ans "Je ne suis ni fière ni honteuse de ce que je suis"

Publié le Mis à jour le Écrit par Alexandra Marie Ertiani
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Après 67 ans de vie d'homme, Aline s'est révélée femme, estimant "qu'il n'y a pas d'âge pour être soi-même". Une trajectoire qu'elle partage volontiers pour dépasser les nombreux clivages sur les transidentités et démontrer "qu'il n' y a pas d'âge pour être soi même".

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Le ton est mesuré, l'attitude apaisée. Aline est dans une démarche d'ouverture, de pédagogie. Elle reconnaît volontiers que sa situation interroge souvent."Oui, il y a des transphobes. On ne peut pas plaire à tout le monde. Mais c'est valable qu'on soit trans ou pas, non ?".

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Aline Combret : portrait d'une femme en conquête d'elle même ©France TV / Alexandra Marie Ertiani / Sandie Goldstein

 

À 70 ans, Aline ne précise plus qu'elle est une femme trans, elle se présente simplement comme Aline Combret, retraitée. "Mais ça prend du temps d'en arriver là", reconnaît-elle. À 67 ans, elle a engagé sa transition en écoutant un sentiment resté en sourdine le reste de sa vie. "J'ai eu des enfants, une femme, je ne renie pas du tout cette partie de ma vie. Je les ai aimés, je les aime, mais ça a été très difficile pour eux, car je leur ai demandé de comprendre trop vite, j'ai commis des erreurs", reconnaît-elle. Alors aujourd'hui, forte de son expérience, elle explique, elle accompagne des jeunes, des personnes en cours de transitions et des structures intéressées par une meilleure connaissance de ces réalités.

Se battre pour avoir des droits, sans combattre  

"Je veux faire partie d'une seule communauté, celle que nous avons en commun, à savoir la société dans laquelle nous vivons. Je ne suis pas pour faire partie d'une communauté en particulier. Je ne suis ni fière ni honteuse de ce que je suis". Son leitmotiv : donner des outils pour comprendre, créer des situations de dialogue. C'est donc ce qu'elle met en place au sein de son association stéphanoise, "Friendly 42" qui promeut la tolérance et la lutte contre les discriminations. "Il faut se battre pour avoir des droits et nos revendications doivent être constructives". Elle regrette notamment un problème de transphobie dans le monde médical et les administrations quand il s'agit de faire évoluer son identité. Comme de nombreuses associations, la sienne appelle à une meilleure formation des professionnels aux questions des transidentités. 

"Les personnes transgenres ne sont pas des femmes déguisées en hommes ou des hommes déguisés en femme", pendant ses deux premières années de transition, le regard des autres a souvent été complexe à accepter. "Pour certains, on est des monstres" regrette-t-elle. Mais toujours optimiste, elle enchaîne : "il faut comprendre les gens pour les accepter et pas l'inverse". C'est pourquoi elle intervient pour des formations en entreprise ou dans des établissements scolaires. 

"Les jeunes n'osent pas en parler à leurs parents, ou à leurs proches, ça a été énorme pour moi de me dévoiler, alors il faut aider les jeunes", insiste-t-elle". 

Un débat idéologique sur la jeunesse 

Le point qu'elle soulève est déterminant dans le débat en France depuis la proposition de loi déposée par un groupe d'élus LR qui alerte sur "ces jeunes, souvent en souffrance, qui doivent avoir le temps de mûrir leur décision avant de se lancer dans des parcours irréversibles, longs et difficiles". Le texte interdit la prescription de bloqueurs de puberté et de traitements hormonaux tendant à développer les caractéristiques sexuelles du genre auquel il s’identifie, avant leur majorité. Il proscrit également la possibilité de pratiquer des opérations chirurgicales de réassignation sexuelle sur des mineurs.

Les sénateurs ont auditionné 67 experts français, médecins et équipes médicales en France et dans le monde, associations de personnes concernées et de parents, institutions, chercheurs et philosophes. "Il est temps de remettre du bon sens chez les adolescents" estime Jacqueline Eustache-Brinio, qui a mené ce groupe de travail. Elle dénonce l'influence d'associations qu'elle qualifie de "transactivistes". "Nous n'avons pas assez de services pédopsychiatriques pour accompagner les jeunes en questionnement" regrette-t-elle. 

Un constat que tout parent partage, que son enfant montre des signes d'incongruité, de genre ou non. Mais pour l'association Transparents, qui réunit des familles d'enfants, adolescents ou jeunes hommes et femmes transgenres, il faut créer les conditions d'un débat plus apaisé. "Nous avons formulé nos positions au rapporteur du projet de loi, en espérant être entendus", explique un des membres de l'association qui préfère rester anonyme pour protéger l'identité de son enfant et ne pas l'exposer à une éventuelle violence, notamment en ligne. "Le débat nous effraie beaucoup" explique-t-il. "On s'apprête à créer des fractures. Nous familles, on a besoin de solutions concrètes et constructives. On comprend les peurs, et nous reconnaissons que le mal-être de la jeunesse va bien au-delà des questions de genre. Mais vu la complexité des parcours d'accompagnement aujourd'hui, ceux qui confirmeront leur besoin de transition en ont vraiment besoin, il faut leur proposer des réponses. Nous n'avons jamais vu de dérives de médecin qui pour ceux que nous connaissons appliquent les recommandations de l'Organisation mondiale professionnelle WPATH. Pour nous, c'est un sujet de santé devant lequel il faut être humble et qu'il faut traiter avec humanité". C'est pourquoi il faudrait selon lui établir des recommandations et des parcours sécurisés, "la Haute autorité de Santé travaille sur le sujet avec des professionnels, laissons la travailler", conclut-il. 

LES MOTS À ÉVITER 

Aline, avec son recul et son expérience, abonde aussi dans ce sens. Selon elle, "la meilleure manière de se prémunir des extrêmes qui mènent aux aberrations, c'est de ne pas mettre chacun dans sa petite case". Elle marchera cependant contre l'homophobie et la transphobie à Saint-Etienne car "les idéologies ont tendance à prendre le dessus sur les personnes et beaucoup de chemin reste à faire." 

Elle espère notamment que les mots utilisés seront de plus en plus justes dans ses échanges au quotidien au cours desquels les maladresses peuvent être nombreuses. Sans parler de transphobie elle pointe des mots comme transsexuel qui renvoient à la sexualité d'une personne et non à son identité de genre "ça n'a rien à voir !" précise-t-elle.  Dire d'elle qu'elle s'est transformée ou qu'elle est devenue une femme, la blesse car elle préfère dire qu'elle met en harmonie son cœur avec son corps. "Et enfin, ne nous demandez pas si on a été opéré(e)s, c'est très intime et pourtant, c'est souvent la première question qui vient".

Encore beaucoup de chemin à parcourir donc pour trouver les mots justes et communs d'un discours constructif, mais Aline reste confiante, estimant que la lutte contre la transphobie ne relève pas d'un combat, mais d'un objectif à atteindre. 

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