Elle est la directrice de cet Ehpad, basé près de Lyon, dont les médias ont beaucoup parlé en 2020. Valérie Martin a convaincu une partie du personnel de s'enfermer avec tous les résidents pour les protéger du Covid. Un confinement inoubliable, qu'elle évoque dans l'émission "Vous êtes formidables".
Valérie Martin est devenue une sorte d’héroïne des temps modernes, à travers la médiatisation d’une décision qu’elle a prise et assumée en mars 2020. Directrice de l’Ehpad « Vilanova » situé à Corbas, dans le Rhône, elle a proposé et convaincu une grande partie du personnel de vivre durant un mois et demi enfermé avec les résidents, afin de les protéger de la pandémie Covid 19.
A partir du 18 mars 2020, 106 résidents vont vivre enfermés, durant un mois et demi, avec le personnel dans cet établissement familial basé au cœur de Corbas, une commune de 11000 habitants au sud de Lyon. Au total, 29 salariés ont accepté de relever ce défi « Tout simplement parce que leur réponse devait être immédiate. On a lancé l’idée d’être confiné un lundi, et, dès le mercredi, on rentrait dans l’établissement à 6h45. Il fallait donc se décider très vite. Et, parmi le personnel, on compte beaucoup de mères de famille. Ce n’était pas une décision évidente, en plein Covid » explique Valérie.
Qu’à cela ne tienne, ces personnes ont constitué une « réserve » (avec recommandation de rester à la maison pour vraiment se protéger) pour être en capacité de venir, à tout moment, aider.
Une décision dure... et assumée
L’aventure durera 47 jours, et 13 employés la vivront in-extenso. Un véritable petit exploit, qui a pu paraître extrême à certains, ce que n’ignore pas cette directrice. « Il faut se remettre dans le contexte. Début mars, on sentait que la Covid arrivait vraiment sur nos terres. On savait aussi que les populations âgées étaient leur cible favorite. Il y avait énormément de décès dans les pays limitrophes. Les notions de confinement et de solitude étaient de plus en plus dans les têtes. On se demandait comment vivre sans pouvoir voir ses proches… » se rappelle Valérie.
Une fois la décision actée, il a fallu l’annoncer aux familles. Plus de visite, plus de contact. Cela n’a pas été de soi. « J’ai reçu beaucoup de colère. Au conseil de vie sociale, où nous étions connectés en permanence avec les décisions sanitaires, j’ai dit qu’il fallait arrêter. Il y avait beaucoup trop… d’amour. Les gens s’embrassaient, se touchaient… trop. Là, ça devenait mortel. Il a fallu que j’aille leur dire, chambre après chambre, famille après famille, qu’ils avaient une demi-heure pour dire au-revoir à leurs parents. J’allais fermer l’établissement. »
Une décision dure, mais inévitable, qu’elle a dû assumer. « En maison de retraite, on gère de l’humain. Je pense être humaine aussi…»
Presque la même vie qu'avant
Une fois les familles sorties et l’établissement fermé, les résidents ont pu vivre presque la même vie qu’avant. « Au début, ça devait durer seulement 15 jours. On a tout fait pour traverser cette période le plus « joyeusement » possible. Donc on a accentué toute la vie sociale, l’animation. La musique dans les couloirs était plus forte, par exemple. On chantait beaucoup » raconte-t-elle.
Très vite, les familles tentent de compenser en venant faire des « coucou » à leur résident par les fenêtres. Là-aussi, Valérie décide d’y mettre un terme assez vite. « Une fois que le coucou est fait, le résident reste dans sa chambre et le manque est tellement grand, que l’on ne pouvait plus tout gérer. En revanche, on a compensé par des liens par téléphone, ou via les réseaux sociaux jour et nuit » témoigne-t-elle.
Une organisation qui a sans doute sauvé bien des pensionnaires. Du côté du personnel, il a fallu s’adapter. « Pour réussir cette expérience de vie, il était important de préserver l’intimité de chaque personne. Nous n’étions pas dans un réfectoire, avec des gens installés partout avec des matelas au sol. Pas du tout. Chacun avait son espace… Cela nous permettait d’avoir notre bulle et de se ressourcer sans déranger l’autre » insiste cette professionnelle.
Une expérience inédite. Si aucun syndrôme de glissement ne s'est produit, l’équipe a tout de même dû gérer des accompagnements de fin de vie. Dans ces cas-là, les familles avaient l’autorisation de venir, jour et nuit, au chevet de leur proche. « On a dérogé sur plusieurs dérogations, mais en prenant nos précautions » confirme-t-elle.
Le moment traumatisant de la "libération"
Au fil des jours, les relations entre les uns et les autres ont beaucoup évolué. La communication s’est développée dans tous les sens. « Chacun découvrait son voisin, à l’occasion des repas, des différentes animations.»
Jusqu’au moment attendu de la « libération », moment qu’on pourrait imaginer joyeux. « En fait je crois que cela a été traumatisant pour tout le monde. Cela a duré beaucoup plus longtemps que prévu, et les 15 derniers jours ont été très lourds. Certes, on était contents de sortir… Mais ensuite, moi, je me suis effondrée en arrivant chez moi. »
Depuis, Valérie a eu le temps de se remettre de ses émotions. Dès qu’elle le peut, elle part se ressourcer plusieurs jours en Corse, une région qu’elle affectionne. Une nécessité dans son métier. « Besoin de voir d’autres paysages, de sentir l’air marin, de marcher, de réfléchir… de trouver de nouvelles idées, aussi. » Elle a su aussi prendre du recul sur cette formidable histoire, qu’elle raconte d’ailleurs, dans un livre « Moi, Vilanova ou les confidences d’un confinement ».
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