La rencontre entre Grégory Doucet et Gérald Darmanin le 9 septembre 2021 était censée apaiser un climat électrique entre les deux hommes depuis plusieurs semaines. Mais il n'en fut rien, leurs visions de la sécurité s'opposent et Lyon semble devenu un épicentre de la communication politique à l'échelle nationale
Après plusieurs mois de crispations sur les questions de sécurité de Lyon, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a pu s'expliquer vendredi avec le maire écologiste Grégory Doucet, mais les deux hommes semblent surtout s'être accordés sur leurs divergences.
Le ministre a d'emblée donné de ton de cette visite dans la capitale des Gaules en prenant tout le monde de court dans la matinée avec une déambulation impromptue dans le quartier sensible de La Guillotière, où la présence policière a été renforcée ces derniers mois.
"Je ne souhaite pas que Lyon devienne le terrain de jeu d'un ministre candidat"
Une manière de vanter son bilan moyennement appréciée par l'édile EELV. "Je ne souhaite pas que Lyon devienne le terrain de jeu d'un ministre candidat", a tonné devant la presse Grégory Doucet, d'autant plus courroucé qu'il avait initialement proposé - sans succès - au ministre de se rendre dans ce quartier en sa compagnie.
Cette zone cosmopolite proche de l'hyper-centre de Lyon polarise depuis plusieurs mois l'attention médiatique et donne des maux de tête aux autorités, du fait d'une recrudescence des petits trafics, agressions et incivilités. Ces neufs derniers mois, les opérations de police s'y multiplient et semblent porter leurs fruits.
Des extraits vidéo de la promenade matinale de M. Darmanin ont été diffusés sur son compte Twitter. "Ne vous inquiétez pas", "on ne lâche rien", a-t-il lancé à quelques commerçants et riverains sur son passage. Un peu plus tard, le ministre s'est félicité d'une baisse de 54% des vols et violences contre les personnes et les biens cet été dans le quartier.
Une rencontre "très franche"
À la mi-journée, les deux hommes se sont entretenus pendant 1H15 à l'Hôtel de Ville. Un progrès au regard de la précédente visite ministérielle de fin juillet, qui avait été snobée par le maire écologiste.
S'il a confié déplorer des "désaccords politiques de fond" avec le ministre, M. Doucet a qualifié la rencontre de "très franche" devant la presse.
Il a indiqué avoir "rappelé" à M. Darmanin qu'il attendait de lui "qu'il pallie au désengagement passé de l'État" en augmentant les effectifs de police nationale et en agissant contre "le trafic de stupéfiants et d'armes lourdes".
Dans un point de presse séparé à la préfecture, M. Darmanin a répondu que les augmentations d'effectifs de policiers nationaux étaient "au rendez-vous" avec 285 policiers de sécurité publique supplémentaires dépêchés en 18 mois, au 31 octobre prochain.
"Ce qui était prévu en trois ans a été fait en un an et demi", a-t-il assuré, rappelant également l'envoi d'une unité de force mobile de 80 hommes à demeure, qui s'ajoutera à l'installation prochaine de quatre compagnies de CRS à Chassieu (Rhône) et de 200 agents de la Police aux frontières (PAF) affectés dans un nouveau centre de rétention administrative.
Des désaccords de fond sur la vidéosurveillance
Après avoir ironisé sur sa satisfaction d'avoir "enfin" rencontré l'élu EELV, le ministre s'est toutefois dit "très désappointé" face au refus de la mairie d'organiser le déploiement de nouvelles caméras de vidéoprotection - encore au stade de l'étude - et d'organiser le déport des images vers les terminaux de la police nationale.
"Avec aucun autre maire les choses se passent aussi difficilement sur la sécurité", a-t-il insisté, réclamant également des aménagements urbains et davantage de policiers municipaux.
Il a aussi réclamé du maire "moins d'idéologie et plus d'amour pour les policiers de la République", regrettant notamment le fait que ce dernier n'a pas personnellement rencontré trois policiers violemment pris à partie le 20 juillet par une foule à la Guillotière pendant l'interpellation d'un suspect.
De son côté M. Doucet a insisté sur le recrutement de 103 policiers municipaux depuis 2020, avec un effort budgétaire de 5 millions d'euros sur le mandat, "la généralisation" de la vidéoprotection dans la ville, et sa volonté d'œuvrer "main dans la main" avec la préfecture et la police nationale.
"On va essayer de mettre la rancune à la rivière", a conclu le ministre, écartant toute rancœur personnelle, avant d'annoncer qu'il reviendrait encore à Lyon "dans un mois et demi, pour continuer à encourager les effectifs de police nationale".