Un décret gouvernemental a été publié ce dimanche 14 mai. Il permet aux personnels soignants suspendus de retourner au travail. C'est le cas d'Anna, kinésithérapeute depuis 8 ans dans un grand hôpital lyonnais. Mise à l'écart pendant presque deux ans, elle revient sur cette longue parenthèse professionnelle.
"Avant ça, je ne savais pas que j'étais une personne qui pouvait aller jusqu'au bout, capable d'aller jusqu'au bout de ses convictions", déclare Anna en riant. Soignante en milieu hospitalier, elle a été suspendue à l'été 2021, faute d'être vaccinée contre la Covid.
Plus qu'une question de peur de l'injection, c'était une question de "liberté et de libre arbitre", explique-t-elle. Elle avoue avoir hésité à se plier à l'obligation vaccinale, afin de conserver son poste. Mais elle a tenu bon. "Ce n'étais pas une décision facile, j'ai vraiment hésité. Mais je ne pouvais pas faire autrement. C'était impossible pour moi, pour ma liberté, ma liberté de décider ce qui entrait dans mon corps." Une liberté non négociable pour cette professionnelle.
Angoisse et suspension
Si Anna a travaillé pendant les heures les plus sombres de la crise sanitaire, de surcroît dans un service Covid, elle n'a pas compris la mesure de suspension des personnels non vaccinés décrétée par le gouvernement. "J'ai vécu ça comme une trahison. Car on avait travaillé malgré la Covid, même sans protection. J'ai réalisé que nous étions réellement des pions".
La professionnelle de santé aurait pu se mettre en disponibilité. Elle a choisi de ne pas le faire et s'en explique : "je ne voulais pas trahir mes convictions. Je VOULAIS faire partie des rangs des suspendus. Je VOULAIS être comptée comme sanctionnée ; même si on ne connaîtra jamais le nombre de personnes suspendues". Une question de "principe" pour cette professionnelle de santé.
Son dernier jour de travail, une semaine avant le couperet ? Un mauvais souvenir pas encore digéré. "C'était un peu compliqué. J'étais en arrêt, physiquement malade, car j'étais tellement angoissée par la situation", se souvient Anna. En plus des rumeurs de suspension, "il y avait aussi la crainte que l'on vienne nous chercher dans les services", avoue Anna.
Durant ces mois de suspension, la kinésithérapeute a "mis en route" un cabinet de réflexologie à Lyon, pas vraiment rémunérateur. Elle a également donné des cours d'espagnol à des enfants. Mais elle l'avoue, la situation de son mari et son soutien lui ont aussi permis de tenir le choc.
Retour à l'hôpital ?
Aujourd'hui, après 20 mois de suspension d'activité, la kinésithérapeute se prépare à reprendre le chemin de l'hôpital lyonnais dans lequel elle exerçait jusqu'en septembre 2021. Dans l'établissement où elle a travaillé durant 8 ans.
Anna est dans les starting-blocks, prête à remettre le collier, sitôt qu'elle aura le feu vert de sa hiérarchie. "La situation est un peu stressante", avoue la soignante, encore dans l'attente au lendemain de la publication du décret autorisant les personnels non vaccinés à reprendre du service. Elle ne s'en cache pas : elle a tout de même beaucoup hésité avant de se résoudre à retourner travailler à l'hôpital. Il y avait aussi un soupçon d'appréhension malgré des collègues bienveillants. Si la raison l'a emportée, la crise Covid a tout de même déplacé le curseur des priorités. Son retour, ce sera à 80%. Craint-elle des tensions avec le personnel vacciné ? Pas vraiment.
"Aller de l'avant"
Quid des salaires non perçus pendant près de 2 ans ? Anna n'exclut pas une éventuelle action en justice. Si la porte n'est pas fermée, elle n'y pense pas, ne l'envisage pas pour l'instant. "J'aimerais tourner la page. Je n'ai pas envie d'être fâchée, je veux aller de l'avant", explique la professionnelle de santé. Si toutefois le scénario d'une suspension se présentait à nouveau, elle affirme qu'elle n'hésitera pas à quitter la France. Retour dans son pays d'origine, où elle a exercé sa profession de kinésithérapeute durant 20 ans.