"J'imaginais ma vie ici autrement", ils ont fui l’Afghanistan et se retrouvent sous les ponts

Après la prise de l'Afghanistan par les talibans le 15 août 2021, des milliers d’Afghans ont immigré vers des pays européens, notamment en France. À Lyon, des dizaines de familles afghanes sont contraintes de dormir à la rue malgré leur statut de réfugié, faute de place d'hébergement.

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Un reportage signé Karim Maskinyar, journaliste afghan réfugié politique et demandeur d'asile

Mohammad Anwar est fatigué et abattu. Ce réfugié afghan arrivé à Lyon à l’été 2024 le reconnaît: "Le quotidien est vraiment difficile. J'imaginais ma vie ici autrement". À Kaboul, cet homme était directeur de la communication dans les renseignements afghans, l'équivalent de la DGSE française. Après la prise de l'Afghanistan par les talibans le 15 août 2021, il a été contraint de fuir son pays où il était menacé du fait de ses fonctions.

Désormais à Lyon, il vit jour et nuit avec sa femme atteinte d’un cancer et sa fille de 14 ans sous un pont du centre-ville. Avec, en guise de maison, une tente en toile.

Pourtant, ce couple afghan dispose de tous les documents légaux du gouvernement français : ils ont obtenu un visa puis le statut de réfugié. Malgré leur situation régularisée, aucun hébergement ne leur est proposé, faute de places. Sans travail et avec pour seule ressource le RSA, la famille ne peut pas payer un loyer hors des dispositifs de l'Etat prévus pour l'accès au logement des réfugiés, et se retrouve donc à la rue, exposée aux intempéries, au vol, à la violence. 

"La migration n'est pas une tâche facile"

D'autres réfugiés afghans partagent cette même situation dans le campement de fortune. "Je protège mes enfants avec des couvertures quand la pluie pénètre dans la tente"  témoigne Wahida, 35 ans. L'hébergement est le problème principal de tous les demandeurs d’asile. Cette réfugiée afghane est aussi en règle et dispose d’un permis de séjour de 10 ans. Mais l'accès au logement est un parcours du combattant. Wahida se dit épuisée et résignée: "la migration n'est pas une tâche facile. Chaque jour, je dois faire face à des problèmes" explique cette mère de famille, qui vit avec ses trois enfants.

Elle passe toutes ses nuits et ses journées sous une tente, avec une simple bâche en plastique pour se protéger de la pluie. Ils rêvent d’un endroit à l’abri convenable pour vivre dignement. Car dans le camp, prendre une douche chaque jour est impossible, laver le linge représente une vraie logistique, tandis que pouvoir préparer un repas chaud est un luxe. Wahida s'inquiète surtout pour ses jeunes enfants, qui ne peuvent pas aller à l'école tant qu’ils n’ont pas une adresse fixe. Dans sa vie d'avant en Afghanistan, elle était elle-même professeure dans une école.

Du rêve à la réalité

Les conditions d’accueil des Afghans vivant en France se sont fortement dégradées  depuis la prise de Kaboul par le régime taliban en août 2021. Les premiers réfugiés arrivés légalement après avoir été évacués par la France ont pu bénéficier assez facilement d’un hébergement pour leur famille. Une couverture santé, des cours de langue et une petite somme d’argent mensuelle ont attribué à tous les demandeurs d’asile. 

Mais aujourd’hui, trois ans après la chute de Kaboul, des familles afghanes vivent à Lyon dans une grande précarité. La demande en logement d’urgence est si forte que des dizaines de familles comme celles de Mohammad et Wahida se retrouvent à la rue, souvent avec des bébés, des jeunes enfants ou des personnes malades. Elles doivent attendre des mois avant d’espérer avoir un toit sur la tête.

Personne ne choisit de devenir réfugié. Les évènements nous l’imposent pour rester en vie. Quitter son pays est un déchirement. Vivre dans un pays étranger est bien plus difficile qu’on peut l’imaginer. 

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