La résistante lyonnaise Denise Domenach-Lallich, dont les obsèques seront célébrées ce lundi 27 juillet à Lyon, se livrait dans un journal intime pendant l'occupation. Ses écrits de jeune fille constituent un témoignage rare de l'histoire de la Résistance.
Une résistante s'en est allée. Denise Domenach-Lallich est décédée dans la nuit de dimanche à lundi 20 juillet, à l’âge 95 ans. Ses obsèques doivent se dérouler ce lundi 27 juillet à Lyon. Son histoire exceptionnelle est relatée dans son propre journal intime, auquel la jeune fille s'est confiée durant toute l'occupation, entre ses 15 et ses 20 ans.
Agent de liaison et faussaire
"Il paraît qu’il y a à Londres un général qui pense comme nous", écrit-elle à l'aube de ses 16 ans. Nous sommes le 4 octobre 1940, et Denise Domenach-Lallich a déjà depuis longtemps refusé de se résigner au pouvoir nazi. Comme sa famille : "A 1h30, nous prenons les informations de la TSF et nous entendons un discours du maréchal pétain disant que la France vaincue et envahie a demandé l'armistice à l'ennemi. Bon-Papa est sorti comme un fou de la salle à manger, et de loin nous entendions ses sanglots." Denise suit alors son frère, Jean-Marie, qui s'engage dans la résistance avec son ami Gilbert Dru. Elle commence par recopier et distribuer des tracts politiques. "À vélo, j’allais chercher chez l’imprimeur des journaux clandestins comme Combat ou Témoignage chrétien, que j’emmenais dans un magasin où des diffuseurs les acheminaient. J’ai fait passer aussi des messages, de l’argent, des faux papiers" , expliquait Denise Domenach à nos confrères du Progrès en 2011. En 1942, elle intègre le mouvement étudiant des Forces Unies de la Jeunesse (FUJ) : "Alors que Lyon était occupée par les Allemands, j’avais pris des cours de calligraphie. J’imitais la signature de commissaires de police sur des faux papiers. Cela se passait dans les sous-sols de la faculté de lettres," expliquera-t-elle plus tard.Recherchée par la Gestapo
Son journal intime est émaillé de propos à la fois naïfs et matures. Sur son choix de résister, elle écrit : "Peut-être que c’est moi qui vais recevoir une bombe sur le rikiki. Ça m’embêterait quand même un peu de mourir comme ça, bêtement, à 15 ans. J’aime mieux mourir pour une cause noble à laquelle j’aurai fait de ma propre volonté le sacrifice de ma vie." En octobre 1943, devenue étudiante à la Faculté des Lettres de Lyon, elle rejoint les Jeunes chrétiens combattants (JCC), mouvement dans lequel elle prend des responsabilités. En mai 1944, elle est nommée responsable des Jeunes des Mouvements unis de la Résistance. Elle est recherchée par la Gestapo et quitte Lyon pour rejoindre la famille à Hauterives (Drôme). Le 19 août 1944, alors que la victoire est proche, elle confie à son journal : "toutes ces morts m’accablent et il me semble que je suis un peu morte moi aussi." Et pourtant, elle vivra.Elle retrouve son journal par hasard
Après la Libération, elle est responsable, à Paris, du Mouvement de libération nationale (MLN). À la fin de la guerre, elle rencontre Bernard Lallich (croix de guerre 1939-1945) dans une maison de repos de jeunes résistants, à Combloux. Ils se marient en décembre 1946. Denise devient professeur de français, et tourne la page de la guerre, avant que son passé ne la rattrape.En 1999, elle retrouve par hasard son précieux journal intime, au fond d'une armoire, alors qu'elle range des papiers. Denise décide de publier ses écrits dans un livre intitulé "Une jeune fille Libre". Ce document retranscrit son histoire, mais aussi une partie de notre histoire, la grande, écrite dans le secret. S'y mèlent la gravité des évènements, et les petits caprices d'une jeune fille. A la suite de la publication, elle se met à se raconter. Petit à petit, elle consacre de plus en plus de temps à passer la mémoire, jusqu'aux dernières années de sa vie, inlassablement, auprès des collégiens et lycéens.
"J'espère que je saurai être heureuse"
Comme un ultime clin d'œil à ses compagnons de résistance, ses obsèques se déroulent un 27 juillet, date anniversaire de l'assassinat de Gilbert Dru, l'un des fondateurs et dirigeants des Forces Unies de la Jeunesse (FUJ), et camarade de résistance de Denise Domenach-Lallich. Le 27 juillet 1944, lui et 4 autres résistants lyonnais sont fusillés par les nazis place Bellecour à Lyon, en plein centre de Lyon, pour intimider la Résistance, qui menaçait de lancer une offensive. Après ces évènements, le 7 septembre 1944, à son confident secret, Denise écrit : "j'espère que je saurai être heureuse, mais je ne serai plus jamais innocente". Souhaitons lui, au moins, d'avoir été heureuse.Ses obsèques se dérouleront dans la matinée ce lundi 27 juillet, en la basilique Saint-Martin-d’Ainey, dans le 2e arrondissement de Lyon.