Camille Labrux a été arrêté à Caluire, près de Lyon, en 1944. Il va subir plusieurs interrogatoires par la Gestapo, être interné à la prison Montluc avant d'être déporté au camp de Neuengamme, en Allemagne. Ses effets personnels lui seront confisqués. Une cérémonie de restitution de ses documents s'est déroulée ce lundi 28 octobre.
L'image est saisissante. Les membres de la famille de Camille Labrux s'avancent avec respect dans les travées du Mémorial de la prison de Montluc. Leurs regards cherchent encore une trace, une présence, un souvenir. Ici, dans l'une des cellules, leur aïeul a été interné. Aujourd'hui, ils viennent assister à "une réparation".
"Des objets modestes, mais une vérité plus complexe"
L'État, avec l'aide des Archives Arolsen, leur a officiellement remis les documents ayant appartenu à leur grand-père, un résistant : Camille Labrux. Dans son portefeuille, des photos, des notes, des souvenirs confisqués à son arrivée dans un camp de concentration en Allemagne.
Ces petits fragments d'histoire qui reviennent à leur juste place. Des objets modestes qui reflètent une vérité bien plus complexe. Leur valeur n'est pas dans le prix, mais dans l'histoire qu'ils portent.
Emmanuelle Damon, sous-préfète de la région Auvergne-Rhône-Alpes
Une identité cachée
Camille Labrux est né en 1911 à Saint-Dié dans les Vosges. Issu d'un milieu modeste, il s’engage très tôt dans des fédérations syndicales. Il prend, par la suite, la direction du recrutement des cadres pour la 1ʳᵉ sous-division des Francs-tireurs et s'engage dans la résistance.
Le 15 mai 1944, il est arrêté à Caluire, près de Lyon. Il subit plusieurs interrogatoires par la Gestapo dans les caves de l'école de santé militaire de Lyon et est interné à la prison de Montluc. Il est déporté le 1ᵉʳ juillet de la même année au camp de Neuengamme, sous le faux nom d'Anthelme Girerd.
Ses effets personnels étant répertoriés sous un pseudonyme, c'est grâce aux recherches d'une bénévole que la véritable identité de Camille Labrux a pu être établie et sa famille retrouvée.
Le plus important, ce ne sont pas les photos par elles-mêmes, c'est leur histoire, leur vécu. Ce portefeuille, j'imagine la Gestapo en train de le fouiller. C'est émouvant. Il faudra garder tout cela précieusement.
Bernard Labrux, petit-fils de Camille Labrux.
Retrouver les familles
"Alliances, montres et portefeuilles avec des photos : lorsque les prisonniers arrivaient dans un camp de concentration allemand, tous leurs objets personnels étaient confisqués", détaillent les Arolsen Archives dans un communiqué. Le centre international des persécutions Nazies a lancé depuis plusieurs années une campagne intitulée "Stolen Memory", afin de restituer tous ces objets aux familles des anciens prisonniers.
Plus de 900 familles ont été retrouvées depuis le lancement de la campagne en 2016. Nous avons encore 2 000 objets qui contiennent des effets personnels de personnes qui ont été déportées et qui attendent d'être restitués à leurs familles.
Floriane Azoulay, directice des Arolsen Archives
Un parcours mouvementé
Le , devant l'approche des armées alliées, les SS décident d'abandonner le camp et de transférer les prisonniers. Camille Labrux est évacué avec d’autres survivants vers Lübeck, où les prisonniers sont répartis sur des "bateaux prison". Les 2 et 3 mai 1945, l'Athéna, le cargo sur lequel il se trouve, est libéré par un commando britannique. Camille Labrux rejoint alors la France.
En 1987, il intervient comme témoin au procès de Klaus Barbie. Il décède, à Lyon, en 1994, sans avoir récupéré ses effets personnels laissés dans le camp où il fut détenu. Ses descendants les ont retrouvées, 80 ans après.