Lectures de l'été : trois jeunes autrices à découvrir si vous avez loupé leurs romans

Elles sont trois. Trois nouvelles romancières dans le paysage de la littérature contemporaine française. Leurs romans sont sortis à la rentrée littéraire de janvier au milieu de centaines d'autres. L'été est l'occasion de se plonger dans leur récit et de découvrir qui sont Eve Guerra, Marielle Hubert et Marion Fayolle.

Leurs romans ont marqué la rentrée littéraire de janvier, pourtant réputée difficile, surtout pour les premiers romans.

Du moins pour ceux qui sont souvent les dénicheurs de nouveaux talents, comme les libraires ou l'équipe de la Fête du Livre de Bron (qui a lieu chaque année début mars près de Lyon).

Toutes les trois ont été invitées dans ce rendez-vous incontournable de la littérature contemporaine à Lyon. Ève Guerra et Marielle Hubert dans une même table ronde autour du thème de "l'Amour Flou" (avec Claire Fercak). Marion Fayolle avec deux autres auteurs sur le sujet "Enfants de l'amour et du Silence".

Leurs romans sont en miroir, en écho. Leurs personnages se sont forcément croisés, reconnus, ont échangé un regard, un clin d'œil.

Toutes les trois ont plongé dans leur propre histoire de familles étouffantes, cachées, génératrices de souffrances ou de grandes failles.

Dit comme ça, vous vous direz peut-être que ce n'est pas une lecture estivale. Et pourtant laissez-vous plonger dans ces trois univers. Et découvrez comment ces autrices ont vécu la sortie de leurs livres.

Ève Guerra pour "Rapatriement" aux éditions Grasset

Le livre. Largement inspiré de ses propres souvenirs, le roman raconte la déflagration de la mort d’un père, décédé en Afrique, qu’il faut rapatrier. Mystères autour de ce décès, secrets de famille, mensonges trop longtemps répétés...Le rapatriement est aussi celui d’une enfance douloureuse, de la vie de petits colons, obligés de fuir la guerre civile au Congo, d’une mère trop jeune qui abandonne son enfant. D’une petite fille enfin, devenue grande, étudiante brillante, amoureuse du français mais obligée de s’inventer une vie. Dans une langue haletante au rythme de ce deuil imposé.  

Nous avons rencontré Eve tout près du Vieux Lyon, où habite son héroïne. Ève Guerra, 33 ans, professeur de français, de latin et de grec ancien, a jonglé toute l'année avec ses invitations et ses cours, transportant ses copies à corriger dans un tote bag ! En mai elle a reçu le prix Goncourt du Premier Roman.

Ce qu'elle raconte de la sortie de son livre.

"Il y a encore du chemin à parcourir. On a eu pas mal d’opportunités, des invitations dans des festivals que je n’aurais pas imaginé faire. C’était des belles rencontres avec les lecteurs. J’avais quelques inquiétudes avant car même la rentrée littéraire de janvier est rude pour les primo-romanciers. Il y a beaucoup de livres sur les tables. On m’avait dit : “le livre ne va rester que 3 mois sur les étals. Et ça a bien failli m’arriver. Sur le site spécialisé “place des libraires”, je voyais au fil des semaines le nombre de librairies qui enlevaient le livre. Donc le Goncourt du Premier roman m’a donné un vrai coup de pouce. Ça a relancé la machine.

Il va y avoir des traductions, en Russie, au Brésil et en Italie. Il y aura aussi un passage en poche. Donc de belles opportunités et je suis d’autant plus reconnaissante que je sais comment ça peut se passer. J’entrais dans des librairies, je ne voyais pas mon livre. Ou alors il était en bas, tout en bas de la pile...j’ai connu ça.

Avant le Goncourt, il se vendait une cinquantaine de livres par semaine. Après j’ai vendu en une semaine ce que j’avais vendu en 6 mois. Il y a un effet bandeau qui entraîne la curiosité des lecteurs. En salon, les gens viennent beaucoup plus facilement me voir me parler du livre, savoir de quoi parle le livre.

Il m'est même arrivé une aventure : je sortais d’un événement à Issy les Moulineaux. Un jeune homme s’est installé en face moi et m’a dit “J’ai adoré “Rapatriement”. Je me suis dit mais ce n’est pas possible, je ne suis pas Sorj Chalandon (originaire de Lyon aussi NDLR) pour que quelqu’un m’arrête dans la rue et connaisse même le titre !

Reconnaissance de ses pairs

J’écris depuis toujours. Avoir la reconnaissance des pairs c'est important. J’ai été profondément touchée quand les lecteurs étaient des écrivains eux-mêmes. Quand on est un jeune auteur on a besoin aussi que les auteurs confirmés nous disent : “ce n’est pas si mal !" C’est un peu puéril, c’est un peu enfantin. Même si pour moi un écrivain, qu’il soit publié ou non, il reste toujours un écrivain.

Marielle Hubert pour "Il ne faut rien dire" aux éditions P.O.L.

Le livre. Dans Il ne faut rien dire”, Marielle Hubert raconte l’histoire d’amour insensée, amour-fusion de son héroïne avec sa mère. Sylvette, 79 ans, ne veut pas mourir malgré sa santé précaire. Sa fille a hâte qu’elle meure. Elle va s’immerger dans l’histoire de cette mère enfant, prenant possession symboliquement de ce corps maternel depuis sa conception. Tenter de comprendre pourquoi la vie de cette mère s’est arrêtée à la petite enfance. Pourquoi elle n’a pas eu de mère.

Sur la 4e de couverture de son roman, il est écrit : "Il y a des livres qu’on lit aux enfants pour les endormir. Il y a ce livre que j’écris pour faire mourir ma mère en paix”.

De quoi susciter notre curiosité. Nous avons joint Marielle Hubert en Normandie où elle est invitée au festival "Granville se livre". Il y a quelques semaines, Marielle a reçu le prix Révélations de la Société des Gens de Lettres qui récompense un deuxième livre. Elle avait écrit en 2022 son premier roman "Ceux du noir", également chez POL.

Ce qu'elle raconte de la sortie de son livre

"On dit qu’un 2e roman c’est le plus délicat Moi je n’avais pas d’appréhension car le sujet, l’agonie d’une mère, était de l’ordre d’une urgence et cela a dépassé mes appréhensions. Mais j’ai été extrêmement portée par la réception du roman par les lecteurs.

Très tôt, ils sont venus vers moi souvent pour me raconter leur histoire de deuil ou d’amour contrarié avec leur mère. Mais d’une manière très délicate, toujours à demi-mot. Ça a été très fort.

J’ai eu la chance d’être portée par plusieurs librairies, dont la librairie Rive Gauche à Lyon. Les libraires ont réalisé un vrai travail de lecture et il s’est vraiment passé quelque chose. Pareil à Arles à la librairie Actes Sud et une librairie rennaise. Ces libraires continuent de défendre mon livre. Et j’ai la sensation que ce livre va prendre son temps, va tracer son sillon.

J’ai reçu récemment le prix “Révélation” de la Société des Gens de Lettres, un prix prestigieux qui est aussi la reconnaissance d’autres écrivains.

Et puis j’ai trouvé quelque chose dans ma propre écriture qui était déjà en germe dans mon premier livre. Je n’en n’avais pas conscience avant mais maintenant, je sens que cela ne demande qu’à être exploré." 

Marion Fayolle pour "Du même bois" aux éditions Gallimard

Le livre.

"Du même bois" est comme une lettre d’amour au monde rural, à une ferme familiale en Ardèche où grandit une petite fille qui ne ressemble pas aux membres de sa famille. Des taiseux, des gens simples, qui appellent les enfants “des petitous”. Une histoire de paysans qui se sont transmis leur savoir-faire de génération en génération. Ses mots sont comme ses dessins : délicats, par petites touches. Et elle nous conte un monde où l’on partage les belles choses, la nature et les bêtes comme l’âpreté d’un quotidien difficile, la fin d’une époque.

Marion Fayolle est une autrice jeunesse et dessinatrice de presse notamment pour Libération. Elle est née en Ardèche, dans la vallée de l'Hérieux et vit aujourd'hui dans le nord de la Drôme. En plus de la sortie de son livre, elle expose aussi son univers poétique au Centre Georges Pompidou à Paris.

Ce qu'elle raconte de la sortie de son livre.

"Cette rentrée littéraire a été pour moi très différente de ce que j’ai connu avec la sortie de mes livres jeunesse. J’étais moins sollicitée, moins invitée dans les salons. Et tout est tombé en même temps : j’étais jury au festival d’Angoulême, je préparais une exposition donc je recevais des morceaux de moquette ! Et je ne m’attendais pas à ce succès. Je suis connue pour mes livres jeunesse. Je ne savais pas comment mon public allait accueillir un roman. Tout comme les lecteurs habituels de Gallimard. J’envisageais l’accueil comme celle d’un tout premier livre. Et ça a été tout l’inverse ! Ça a été euphorisant, flatteur ! 

J’ai eu des échanges très riches avec les lecteurs, qu’ils soient issus du monde rural ou de la ville.

J’ai beaucoup d’amis d’enfance en Ardèche qui sont devenus agriculteurs. Et j’avais peur qu’ils se disent : “mais pour qui elle se prend celle-là ? Elle n’a pas connu la ferme dans son corps”. C’est vrai que je n’ai jamais été agricultrice, seulement témoin. C’était super touchant de voir comme ils se sont reconnus dans le livre.

Mon livre est aussi sorti au même moment que la grogne des agriculteurs même si je n’ai pas du tout voulu faire un livre politique. Et ce qui est génial c’est que Gallimard en a fait une version audio. Des agriculteurs m’ont dit qu’ils l’avaient écoutée sur leurs tracteurs, à l’étable. Parfois plusieurs fois, comme on écoute un CD de Francis Cabrel !

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