La perspective d'une majorité Rassemblement national après le second tour des législatives inquiète le milieu culturel lyonnais et certaines associations, notamment d'aide aux migrants.
Des associations d'aide aux migrants qui craignent l'arrivée au pouvoir de l'extrême droite. À Lyon, c'est une réalité. Une trentaine d'entre elles a donc publié vendredi 28 juin une tribune sur Rue89 intitulée "contre le poison de la haine, l'urgence de faire barrage à Lyon".
L'inquiétude tient évidemment à la possible révision drastique des politiques d'accueil. Mais outre cet aspect administratif et légal, Sébastien Gervais, du Collectif de soutiens/migrants Croix-Rousse - qui a initié cette prise de parole - explique craindre une libération de la parole raciste.
On a déjà eu avant le 1er tour une manifestation d'extrême droite qui est venue à la Croix-Rousse pour agresser les gens. Ça, c'est une crainte. On va voir ce qui se passe de ce côté-là.
Sébastien Gervais, collectif soutiens/migrants de la Croix Rousse
Mieux accueillir les migrants pour faire reculer l'extrême droite
En filigrane, c'est aussi et avant tout au Nouveau front populaire que ces associations s'adressent, pour les mettre en demeure d'adopter, en cas de succès une alternative aux politiques migratoires actuelles.
Ces associations qui travaillent dans l'accueil et l'accompagnement des migrants ou encore l'aide au logement y appellent à ne pas se contenter d'une posture simplement défensive, en abrogeant par exemple la loi "asile et immigration" : "l'accueil digne des personnes migrantes est un des moyens de faire reculer l'extrême droite".
Là où l'extrême droite fait de gros scores, c'est dans les campagnes, là où il y a peu d'espaces de rencontre entre la population et les personnes accueillies.
Sébastien Gervais, Collectif de soutiens/migrants Croix Rousse
Et de proposer des solutions pour concrétiser cet accueil digne. D'abord la régularisation massive des sans-papiers vivant en France mais aussi des moyens d'accueil partagés dans tout le pays, et au niveau européen.
"Des femmes se font cracher dessus dans la rue"
Mais pour le Collectif "Solidarité entre femmes à la rue", l'heure n'est plus aux doutes. La libération de la parole ou des gestes racistes est devenue une réalité depuis plusieurs semaines.
Juliette Murtin nous explique ainsi que des femmes dont le collectif s'occupe - pour une bonne part étrangères - se font cracher dessus dans la rue à Lyon. À tel point que la semaine dernière, lors d'une rencontre en préfecture, il a demandé la mise en sécurité d'urgence de ces femmes. Une préoccupation "prise en considération", mais qui n'aboutit pas.
On est extrêmement préoccupés. Si le RN accède au pouvoir, l'initiative citoyenne qui est à la base de nos actions sera durement réprimée. Les personnes étrangères vont en être les premières victimes. L'intérêt supérieur de l'enfant que l'on défend est aussi directement menacé par la préférence nationale qui est de longue date dans le programme du RN.
Juliette Murtin. Collectif solidarité entre femmes à la rue
La fin de la culture subventionnée
Du côté du monde de la culture, dont certains acteurs ont déjà été durement sanctionnés financièrement par la région Auvergne Rhône-Alpes, l'ambiance est fébrile.
Ainsi le Théatre nouvelle génération (TNG) de Lyon, labellisé Centre dramatique national par l'Etat, a vu l'intégralité de ses subventions régionales supprimées, une perte sur trois ans estimée à 376 000 euros.
Aujourd'hui Joris Mathieu, son directeur, prophétise tout simplement la fin de la culture subventionnée si le RN passe au pouvoir.
Le RN ne va pas permettre aux gens d'avoir un meilleur accès à la culture. Au contraire, il va la démanteler avec comme désir que ça trouve son propre modèle économique par la recette, c'est-à-dire par des gens qui ont les moyens de payer des places à 100, 120, 150 euros. Parce que lorsqu'il n'y aura plus de subventions publiques, ça va être une sélection par les ressources et les moyens".
Joris Mathieu, directeur du Théâtre nouvelle génération
Nul doute qu'en cas de gouvernement piloté par le RN et ses alliés, ces secteurs associatifs et culturels seront scrutés à la loupe, notamment par l'opposition. Et Sébastien Gervais, du collectif Soutiens/migrants Croix-Rousse de se rassurer comme il peut, en estimant que dans une ville comme Lyon "on peut espérer avoir du soutien des élus et des institutions locales et travailler avec eux pour résister à ça."