Une journaliste lyonnaise a créé l'association "Afghanistan aujourd'hui et demain" pour permettre aux familles afghanes de vivre dans leur village, grâce au travail des femmes. Leur donner un salaire et une dignité.
"Je voulais que les Afghans puissent vivre sur la terre qui les a vus naître, que les femmes ne soient plus invisibles dans leur pays". Sylvie Cozzolino s'est engagée cœur et âme pour cette cause. Journaliste à France 3 Rhône-Alpes, elle effectue également des reportages et des documentaires pour la chaîne ARTE depuis le retour des Talibans au pouvoir, en août 2021. Elle s'est rendue sept fois sur place. Au fil de ses voyages, elle a appris à connaître les femmes et les hommes, s'est attachée à leur histoire, a même appris leur langue, le dari.
Quand j'ai vu les gens quitter le pays, je me suis dit : il faut qu'ils puissent être heureux chez eux et surtout, je voulais que les femmes redeviennent visibles dans l'espace public.
Sylvie Cozzolino,journaliste et fondatrice de l'association.
Lors de ses rencontres avec les Afghans, dans les villages, la journaliste constate des talents, des savoir-faire, alors une idée germe dans son esprit : aider la population, en particulier les femmes, par des microprojets économiques. "Afghanistan, aujourd'hui et demain" (AAD) voit le jour en novembre 2023. Elle est financée par des dons, du parrainage, du mécénat. C'est à la fois une association lyonnaise et une entreprise sociale en Afghanistan, pour un soutien au plus près des projets des familles et des villages. Un esprit de solidarité, respectueux de la culture. Une idée : l'avenir se prépare aujourd'hui et il passe par les femmes.
L'aventure commence avec Oswa dans le nord du pays. Elle a 26 ans, est diplômée en couture. Depuis son plus jeune âge, elle dessine et confectionne des vêtements pour sa famille, ses voisins, sans rien percevoir. L'association va lui redonner une dignité et lui offrir un salaire. Oswa avait toujours cousu avec une machine à main, Sylvie Cozzolino lui fait parvenir une machine électrique, don d'un adhérent de "Afghanistan aujourd'hui et demain ". La jeune mère de famille perçoit 100 euros à ses débuts (le salaire moyen en Afghanistan est de 80 euros) puis est augmentée à 130 euros. Elle en pleure de joie.
Sylvie, je suis riche, je suis riche.
Oswa,26 ans, coutière.
Mais dans ce pays très traditionaliste, le mari réagit : "Sylvie, j'ai un problème, ma femme devient riche, je vais lui prendre son argent". La reporter réussit à lui faire comprendre qu'il est de son intérêt et celui du village de soutenir sa femme dans son activité. Désormais, il l'a conduit, négocie à ses côtés pour l'achat des tissus. Le mari travaille au Ministère de l'Éducation, sa femme gagne plus que lui.
Chaque projet a un volet formation. AAD forme Oswa à la prise de responsabilité et à l'organisation d'une chaîne de fabrication. Des tutoriels à distance, via une messagerie.
"Espoir dans le jour qui se lève" une entreprise française pour les femmes afghanes
L'initiative prend de l'ampleur, la journaliste, devenue militante associative, identifie d'autres profils de familles en difficulté. Elle donne du travail à une femme qui tricote, ses ouvrages vendus en France, par l'association, comme ceux d'Oswa, aident à faire vivre sa fratrie de cinq enfants. Mais il est difficile d'assurer la sécurité des femmes, Sylvie Cozzolino décide donc de créer une entreprise privée, la première entreprise française en Afghanistan. Une validation officielle par le Ministère du Commerce qui permet à ces femmes d'avoir un statut officiel, une carte de travail et circuler plus librement, à une réserve près, c'est souvent un membre masculin de la famille qui conduit.
Et bientôt une ferme
Foulards, sacs et robes de plages brodés, la collection hiver laisse la place à la collection été. Une vraie fierté. D'ici 3 ans, Sylvie Cozzolino souhaiterait mettre en place une académie de confection et broderie. Huit femmes travaillent désormais grâce à "Afghanistan aujourd'hui et demain". Leurs créations font vivre 80 personnes.
La journaliste a plus d'un projet dans son sac : elle vient d'acheter sur place, dans le nord du pays, des vaches, des brebis et des chèvres. Cet été, un atelier de transformation devrait voir le jour. Elle met tout en œuvre également, pour qu'une coopérative laitière soit créée. Cette structure pourrait aider à faire vivre plus décemment cinq familles.
Avec les autres membres de l'association AAD, Sylvie Cozzolino partage l'idée que l'espoir est un droit universel et que la liberté est inaliénable.