Ce mardi 28 janvier, sept militants basques devaient être jugés au tribunal judiciaire de Bayonne. Ils sont accusés d’avoir aidé 36 migrants à franchir la frontière franco-espagnole lors de la Korrika, une course pour défendre la langue basque, le 14 mars dernier. Le procès a finalement été renvoyé au 7 octobre prochain, pour donner plus de temps à l'étude du dossier.
Ils devaient être sept dans le box des accusés. Sept militants qui comparaissaient ce mardi 28 janvier au tribunal judiciaire de Bayonne. Ils sont accusés d’avoir facilité, "en bande organisée", l’entrée irrégulière sur le sol français de 36 migrants le 14 mars 2024, durant la Korrika, une course entre la France et l’Espagne pour défendre la langue basque. Un acte de désobéissance civile réalisé par une vingtaine d’associations pour dénoncer la politique migratoire européenne et française.
Une aide sans contrepartie financière
Le procès n'a cependant pas eu lieu dans son intégralité. Suite aux conclusions avancées par les avocates des prévenus, le parquet a demandé un délai supplémentaire pour étudier certaines parties du dossier. "Nous avons sollicité le renvoi de cinq questions préjudicielles à la Cour de justice européenne, explique Maritxu Basurco, l'avocate des prévenus. Parmi elles, la question centrale est celle de l'interprétation du délit d'aide à l'entrée de migrants sur le sol français lorsqu'il s'agit d'un geste purement humanitaire."
Actuellement, la loi limite le caractère non délictuel à une aide lors du séjour d'un migrant déjà sur le sol français. Le délit est maintenu lorsqu'une personne aide à entrer sur le territoire, mais la question se pose lorsqu'il s'agit d'un geste sans contrepartie financière.
Martixu BasurcoAvocate des prévenus
Pour les militants et leurs milliers de soutiens qui s'étaient donné rendez-vous devant le tribunal, il s'agit cependant d'une première victoire. "C'est un premier signe que ce procès n'a ni queue ni tête, explique Argitxu Dufau, l'une des prévenus, porte-parole du syndicat LAB. Ils doivent désormais étudier s'il doit se tenir ou non."
Si le parquet a demandé du temps pour formuler ses réquisitions en regard de ces nouveaux éléments, le tribunal n'est cependant pas contraint de faire appel à la Cour de justice européenne, en amont du prochain procès, prévu dans moins de dix mois.
2 000 auto-accusations
En soutien aux militants, 2 000 personnes ont rempli des auto-accusations, proposées sur la plateforme “J’accuse” qui regroupe 80 associations européennes. S’ils évoquent une culpabilité similaire à celle des sept militants jugés ce mardi, ces formulaires n’ont pas de valeur juridique. "Ils expriment la solidarité avec les accusés, mais aussi avec les personnes migrantes. On dit aussi qu'on sera toujours là pour les aider", avance un militant.
Ces 2 000 signatures montrent qu'il y a au moins autant de personnes qui sont encore prêtes à les aider.
Un militant en soutien aux passeurs de la Korrika
Le but, pour les associations, est de dénoncer un procès “de la criminalisation de la solidarité”. “Nous n’acceptons pas ce procès. Ce qui doit être jugé, ce n’est pas la solidarité ni les personnes qui travaillent pour les droits de toutes et tous. Ce qui doit être puni, ce sont les politiques migratoires cruelles et meurtrières”, martèlent les associations qui accusent les autorités d’être responsables de la “mort de neuf personnes dans la Bidassoa ou sur les voies ferrées”.
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Parmi les manifestants, Marra Ngom est un migrant, installé depuis plusieurs années en France. "J'ai fait le parcours migratoire et je ne trouve pas normal qu'on criminalise des personnes qui font du bien et aident les autres. Je suis ici pour dire non à ces politiques qui sèment la mort en Méditerranée, mais aussi au travers des contrôles aux frontières comme celle entre la France et l'Espagne", explique le militant anti-raciste.
36 migrants aidés à passer la frontière
Ils l’avaient annoncé deux jours après la course, le 16 mars dernier, au travers de communiqués et vidéos sur les réseaux sociaux. Au total, une vingtaine d’associations avaient alors revendiqué ce geste “citoyen” qui a permis à 36 migrants d’origine africaine de franchir le pont Santiago, et entrer ainsi sur le territoire français.
Le 2 octobre dernier, ces sept militants issus de LFI, EH Bai, Etorkinekin et le syndicat LAB, avaient été convoqués au commissariat d’Hendaye où ils avaient été placés en garde-à-vue avant d’être relâchés quelques heures plus tard. Une mobilisation s’était alors formée devant les locaux de la Police aux Frontières, où les militants se trouvaient.
Une nouvelle mobilisation a eu lieu ce dimanche 26 janvier, réunissant plusieurs milliers de personnes venues de France, d’Espagne, mais aussi d’Italie, à la frontière franco-espagnole. Tous dénonçaient les procédures judiciaires menées à l’encontre des militants inculpés.
"On voulait marquer fortement notre démarche pour montrer que derrière ces inculpations, il y a des politiques migratoires qui tuent, qui bafouent les droits humains", expliquait alors Amaia Fontangn porte-parole du collectif ".
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Pour les sept militants accusés, les enjeux du procès sont lourds : ils risquent jusqu’à cinq ans de prison et 30 000 euros d’amende.