Le père des inoubliables Raymond Calbuth et Jean-Claude Tergal, l''auteur de BD Tronchet publie un essai graphique, le «Petit traité de Vélosophie », chez Delcourt. Un éloge du vélo bien dans l’air du temps.
Didier Vasseur, alias Tronchet, a derrière lui une riche carrière d'auteur de BD, mais aussi une belle expérience de cycliste urbain. Usager de la première heure, il constate, ravi, que les villes - et notamment Lyon, où il habite - accordent de plus ne plus de place au vélo.
C'est pour cela qu'il publie cette année un nouveau "Petit traité de Vélosophie". La première version était parue il y a 20 ans, et c'était un tout autre monde : "Moi, j'ai commencé dans les années 90 à faire du vélo - j'étais à Paris à l'époque - et j'avais l'impression d'être dans une jungle urbaine, où il fallait se battre pour survivre. Et quand on croisait un cycliste, on se disait : ah, voilà un autre rescapé !"
Les pistes cyclables et les contre-sens autorisés aux vélos, lui ont changé la vie. Ce qui n'a pas changé, c'est la passion de Tronchet pour la petite reine. "D'abord, c'est un lien avec l'enfance", explique-t-il. "Et chaque fois que je remonte sur un vélo, j'ai le sentiment de redevenir l'enfant que j'étais... D'autre part, j'ai l'impression que circuler à vélo permet d'avoir un état d'esprit radicalement différent de celui qu'on a en voiture. D'ailleurs, on n'est pas enfermé et le regard ne rencontre pas d'obstacle."
Le Grand Soviet Cycliste Suprême
Le dessinateur-philosophe va plus loin, estimant que le vélo pourrait être le remède à bien des maux : "Si on avait la chance de voir un jour une ville réinventée par le vélo, je pense qu'on serait tous plus heureux", estime-t-il. "Je n'exclue pas les autres modes de locomotion, je pense qu'on peut imaginer plein d'innovations, mais la place de la voiture nous a été imposée depuis si longtemps qu'on n'a pas eu l'occasion de développer cet imaginaire."
L'utopie d'une ville sans voiture pointe son nez. Mais si Tronchet commence quelques-unes de ses planches par un très ironique "Quand le Grand Soviet Cycliste Suprême aura pris le pouvoir ", c'est pour égratigner certains détracteurs, ceux qui dénoncent les "Ayatollahs du vélo". "Quand on est à vélo, la violence n'est pas possible, car on évacue beaucoup d'énergie dans le pédalage. On n'a pas envie de se battre, on a simplement beaucoup de compassion pour ces gens qui sont enfermés dans les voitures", sourit Tronchet... On leur dit : rejoignez-nous !"
L'euphorie du cycliste
Et pourtant, force est de constater qu'avec la multiplication des vélos en ville, l'ambiance a changé. Le spectre du cycliste-roi menace, Didier Tronchet en est bien conscient. "Je me méfie de cette situation : tout à coup, on est au centre et on serait des libérateurs... Non, il ne faut pas être arrogant. On a subi trop longtemps cette arrogance de la part des automobilistes", prévient-il. "Et surtout, pas question d'être agressif envers les autres : cyclistes, voitures ou piétons. Le vélo, ce n'est pas fait, en ville, pour être en compétition, mais plutôt en harmonie avec son environnement et avec les autres."Un conseil d'autant plus utile que la loi de la jungle refait surface sur les pistes cyclables, les trottoirs et aux carrefours des agglomérations. "Avec les trottinettes, les vélos électriques, les scooters, il faut trouver une hamonie, et revenir à l'esprit vélo", d'après- lui. Même si celui-ci repose surtout sur le goût de l'effort : "Les sportifs le savent bien : au bout d'un moment, il y a une espèce de montée de joie, de plaisir... C'est aussi vrai en natation ou en course à pied, il y a ce moment où l'effort produit une euphorie, une plénitude... et c'est ça qui est formidable !"